Tous les regards sont désormais braqués sur le parlement israélien. C’est ce mercredi, ou lundi prochain, selon les médias israéliens, que doit se réunir la Knesset pour donner ou non sa confiance au nouveau gouvernement de coalition formé par le chef de l’opposition, le centriste Yaïr Lapid. Une séance attendue dans un climat de tension. Car le premier ministre sortant, Benyamin Netanyahu, ne compte pas quitter la scène calmement. A la veille du vote de confiance, Netanyahu accentue ses pressions sur les députés pour les convaincre d’abandonner leur appui au projet de gouvernement de coalition mené par son rival. « Tous les députés élus grâce au soutien de la droite doivent s’opposer à ce dangereux gouvernement de gauche », a-t-il déclaré, tout en appelant ses anciens alliés de droite à « retirer maintenant » leurs signatures. Qui plus est, ces derniers jours, des soutiens du premier ministre sortant ont organisé des rassemblements devant les domiciles de plusieurs membres du parti Yamina, dirigé par Naftali Bennett, qui devrait prendre en premier la tête du gouvernement, selon les termes d’un accord de partage du pouvoir signé avec Yaïr Lapid.
Ce qui a valu à Netanyahu des accusations d’incitations à la violence, sur fond de craintes sérieuses. Samedi 5 juin, Nadav Argaman, le patron du Shin Bet (le service de renseignement intérieur israélien), est sorti de son habituelle réserve pour mettre en garde contre « une augmentation des discours incitant à la violence, notamment sur les réseaux sociaux ». Il a exhorté les responsables politiques de tous les partis à « appeler clairement à la fin de ces discours », qui peuvent être « compris par certaines personnes ou certains groupes comme un permis pour commettre des violences » pouvant aller jusqu’à entraîner des « blessures mortelles ». Et Netanyahu de répondre: « Il y a une ligne très fragile entre la critique politique et l’incitation à la violence (...) et on ne peut pas dire que, quand la critique vient de droite, c’est de l’incitation à la violence et que, quand elle vient de gauche, c’est une utilisation justifiée de la liberté d’expression. Je condamne toute incitation à la violence ». C’est ainsi qu'il s'est défendu dimanche 6 juin devant les cadres de son parti, le Likoud. Et il est allé jusqu’à estimer être la cible d’une campagne « encore plus grave » dirigée contre lui et ses proches et a qualifié de « gouvernement de gauche dangereux » la coalition hétéroclite formée par Yaïr Lapid.
Fragilité persistante
En effet, juste avant l’expiration du délai, Lapid a annoncé, mercredi 2 juin, la formation d’une coalition inédite dans sa composition. Cet accord de coalition a été signé par les chefs de 8 partis israéliens, 2 de gauche, 2 du centre, 3 de droite et un arabe. Ce dernier est la formation arabe islamiste Raam, dirigée par Mansour Abbas, une première en Israël. « Ce gouvernement travaillera pour tous les citoyens d’Israël, ceux qui ont voté pour lui et ceux qui ne l’ont pas fait. Il fera tout pour unir la société israélienne », a assuré au président Réouven Rivlin le centriste Yaïr Lapid. Le soutien du chef du parti de droite radicale, Yamina, et ancien allié du premier ministre, Naftali Bennett, a été crucial à la formation de la coalition anti-Netanyahu. Naftali Bennett, ancien assistant de Benyamin Netanyahu devenu son rival, sera le premier chef du gouvernement, jusqu’en 2023, avant d’être remplacé par Yaïr Lapid jusqu’en 2025.
S’il obtient le vote de confiance, ce gouvernement pourrait mettre un terme à plus de deux ans de crise politique en Israël, avec à la clé quatre élections n’ayant pas jusque-là débouché sur un gouvernement stable. Or, rien ne garantit la fin de la crise. « Il faut noter que cette coalition est divisée sur des questions essentielles: des questions économiques, sécuritaires et d’autres concernant la question sensible de la relation entre Etat et religion. Les partis de cette coalition se sont mis d’accord sur un seul objectif: déloger Netanyahu », explique Dr Saïd Okasha, spécialiste du dossier israélien au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. « Pour atteindre cet objectif, ils vont essayer dès le premier jour d’arracher une loi interdisant à n’importe quel député sujet à des procès en justice de se présenter aux élections. Ils ont besoin d’une seule semaine après avoir prêté serment pour obtenir cette loi afin d'empêcher Netanyahu de se représenter aux prochaines élections. Mais cette coalition est fragile, et si un seul parti change d’avis, la coalition risque d’éclater », conclut Okasha .
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