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Relations glaciales

Maha Al-Cherbini avec agences, Lundi, 12 août 2013

Sur fond de tensions avec Moscou, le président Obama vient d'annuler un tête-à-tête avec son homologue russe, Vladimir Poutine, au sommet du G20 à Saint Petersbourg les 5 et 6 septembre.

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photo:AP

Un air de guerre froide souffle sur les relations russo-américaines. Dans un pas sans précédent dans les relations américano-russes depuis les années 1960, le président américain Barack Obama a annulé cette semaine une rencontre bilatérale avec son homologue russe, Vladimir Poutine, le 5 septembre, à l’occasion du sommet du G20 à Saint Petersbourg. Un geste « fort » qui constitue un camouflet pour Poutine qui s’est empressé d’exprimer sa « grande déception ». Pour Moscou, il s’agit d’un geste « irrespectueux » alors que pour Washington cette rupture est due au manque de progrès, depuis l’accession de Poutine au pouvoir en mai 2012, sur des questions vitales comme le dossier nucléaire iranien, la Syrie, la défense antimissile, les relations commerciales, les questions de sécurité internationale et les droits de l’homme.

Or, la goutte qui a fait déborder le vase a été la récente affaire d’Edward Snowden. Cet ancien consultant des services secrets américains est à l’origine des révélations sur la vaste surveillance des télécommunications à travers le monde par les renseignements américains. Et bien entendu, les Etats-Unis le réclament afin de l’inculper pour espionnage. Or, le 1er août, Moscou a ouvertement défié Washington en accordant à Snowden le droit d’asile temporaire. « La Russie nous a poignardés dans le dos et continue à porter des coups de couteau tous les jours », a fustigé le sénateur démocrate Charles Schumer. Lors de son discours vendredi, le président Obama a reproché à la Russie de revenir à « une mentalité de la Guerre froide », accusant Poutine d’« anti-américanisme ». Malgré ce climat tendu entre les deux pays, Obama a tenu à tempérer ses propos pour ne pas fermer complètement la porte face à Moscou, mettant en avant la nature « souvent constructive » de ses échanges avec son homologue Vladimir Poutine, excluant tout boycott des Jeux olympiques de Sotchi en 2014. Autre signe de cette volonté à laisser la porte entrouverte avec Moscou : Obama a maintenu les rencontres de vendredi dernier entre les secrétaires d’Etat aux affaires étrangères et à la Défense John Kerry et Chuck Hagel et leurs homologues russes, Sergueï Lavrov et Sergueï Choïgou, à Washington.

Les vraies pommes de discorde

Selon les experts, l’affaire Snowden est plutôt la conséquence que la cause des mauvaises relations entre les deux pays. Longue est la liste de désaccords qui se sont accumulés depuis le retour au Kremlin de Poutine en mai 2012. Lors de la précédente rencontre entre Obama et Poutine en juin, au G8, l’ambiance était déjà glaciale. Et c’était bien avant Snowden. En fait, cette affaire n’était en fait que la goutte qui a fait déborder le vase. Un vase déjà plein depuis l’affaire Magnitski. Dénonçant le vol par des policiers russes de documents dans une affaire complexe d’évasion fiscale, l’avocat russe, Sergueï Magnitski, a été arrêté en 2008 et est mort de mauvais traitement en prison. Cette affaire a déclenché une escalade entre la Russie et les Etats-Unis. Ces derniers ont fermé leur territoire à une soixantaine de fonctionnaires russes impliqués et ont adopté le projet de loi Magnitski contre les Russes qui violent les droits de l’homme. En rétorsion, la Douma a interdit aux citoyens américains d’adopter des enfants russes. Outre l’affaire Magnitski, la Russie et les Etats-Unis ont des positions très éloignées concernant la Syrie, Moscou refusant de cesser sa coopération avec le régime de Bachar Al-Assad. Au grand dam de Washington et de l’Occident, la Russie vend des armes à la Syrie et a utilisé son droit de veto au Conseil de sécurité de l’Onu pour éviter au régime d’Assad toute sanction.

En matière de défense antimissile, si Etats-Unis et Russie sont d’accord pour réduire leur arsenal d’armes nucléaires, Moscou exige que cette réduction se rapporte à la défense antimissile américaine. Et Washington refuse toute concession sur le sujet. Le bouclier antimissile américain, censé être déployé le long des frontières russes pour parer toute attaque balistique — y compris nucléaire — irrite profondément le Kremlin. Ce système est considéré comme la « pierre d’achoppement » des relations russo-américaines.

« Ni Poutine ni Obama n’ont voulu arriver à cette rupture. Mais tous deux ont agi sous la contrainte de leurs situations politiques. Le corps politique russe est largement anti-américain et Poutine a été contraint d’accorder l’asile à Snowden. Obama sous la pression des conservateurs n’a pas eu d’autre choix que d’annuler son tête-à-tête avec Poutine. Un geste applaudi par les Républicains et les Démocrates », affirment les analystes .

Une réunion pour concilier l'inconciliable

En dépit des relations glaciales, Moscou et Washington ont maintenu la réunion 2+2 à Washington entre les secrétaires d’Etat aux affaires étrangères et à la Défense John Kerry et Chuck Hagel et leurs homologues russes Sergueï Lavrov et Sergueï Choïgou. Lors de cette réunion, les quatre ministres ont fait valoir les intérêts communs des deux pays sur la scène internationale comme le désarmement ou la non-prolifération, mettant de côté leurs contentieux. Malgré ce climat tendu, John Kerry a tempéré ses propos, qualifiant la relation entre les Etats-Unis et la Russie de « très importante ». Kerry a reconnu que les deux pays avaient « des différences », mais aussi une « responsabilité partagée », notamment pour « éviter la prolifération d’armes de destruction massive » et pour « discuter de la défense antimissile ». Bien qu’ils aient des positions antagoniques sur la crise syrienne, les deux pays sont tombés d’accord sur la nécessité d’organiser « dès que possible » une conférence de paix (Genève-2) sur la Syrie. Les responsables ont décidé de se retrouver fin août pour décider de la date de cette réunion. « Sergueï et moi ne sommes pas d’accord sur la Syrie. Mais nos deux pays sont d’accord pour une solution politique négociée », a rappelé M. Kerry, alors que son homologue russe a assuré qu’il n’y avait « pas de Guerre froide » avec les Etats-Unis .

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