Rohani a inauguré samedi une ligne de centrifuges dont l'utilisation est interdite par le JCPOA.
Washington et Téhéran vont-ils parvenir à s’entendre sur le sujet du nucléaire iranien? La question reste sans réponse précise à l’heure qu’il est. Le fait que des discussions ont lieu est en soi un signe positif, certes. De là à crier victoire ? Certainement pas. Le chemin est long, les échanges complexes et les déclarations comme les actes presque contradictoires. Dans un premier temps, le président iranien, Hassan Rohani, a déclaré qu’« un nouveau chapitre » s’était ouvert avec les discussions de Vienne entre Téhéran et la communauté internationale pour tenter de sauver l’accord sur le nucléaire iranien, le Plan d’action global commun (JCPOA). Aussitôt après, Téhéran a maintenu la pression en annonçant, samedi 10 avril, alors que les pourparlers de Vienne n’étaient pas encore parvenus à quelque chose de concret, la mise en service de nouvelles cascades de centrifugeuses modernisées, dont l’utilisation lui est interdite aux termes de l’accord de 2015. Et les Iraniens ne l’ont pas fait discrètement : Le président Hassan Rohani a officiellement inauguré une ligne de 164 centrifugeuses dites IR-6 et une autre de 30 IR-5, installées dans le complexe nucléaire de Natanz (centre de l’Iran), à l’occasion d’une cérémonie en visioconférence retransmise par la télévision d’Etat. Une annonce pour le moins que l’on puisse dire suspecte, puisqu’elle intervient alors que des discussions ont lieu à Vienne, en Autriche, entre la République islamique et les autres Etats parties à l’accord de 2015 (Allemagne, Chine, France, Grande-Bretagne et Russie) sur la façon de réintégrer les Etats-Unis au sein de ce pacte conclu dans la même ville, et dont l’ex-président américain, Donald Trump, s’était retiré en 2018.
Côté américain, Washington a indiqué avoir fait des propositions « très sérieuses » à l’Iran pour relancer l’accord, et s’attendre à ce que Téhéran fasse preuve du même sérieux. Pourtant, Washington a prédit une impasse si Téhéran s’en tient à une demande de suppression de toutes les sanctions depuis 2017. Les deux pays ont ainsi adopté des positions fermes au cours de ces pourparlers indirects. Des discussions difficiles donc. Vendredi 9 avril, responsables américains et iraniens se sont affrontés sur les sanctions que les Etats-Unis devraient lever pour recommencer à respecter l’accord nucléaire de 2015. Au coeur des négociations se trouve la question de « réciprocité », exigée par Washington, comme l’a rappelé un responsable cité par l’AFP sous couvert d’anonymat. De son côté, Téhéran exige la levée au préalable des sanctions américaines rétablies par Donald Trump en dépit de l’accord. Le chef de la délégation iranienne, Abbas Araghchi, a ainsi rappelé vendredi que « ce n’est qu’après avoir vérifié » la levée des sanctions que l’Iran « est prêt à mettre fin à ses mesures correctives et à revenir à la pleine application » de l’accord.
La délicate question des sanctions
Au coeur de ces tergiversations, l’Union Européenne (UE), qui fait office de médiateur. Des représentants de l’UE font la navette entre les différentes parties, et tentent de leur mieux de parvenir à des résultats positifs. L’UE a fait état, vendredi 9 avril, « d’échanges productifs » lors de la première semaine de discussions. Celles-ci doivent reprendre ce mercredi, avec toujours la même question : qui doit commencer ?
Les Etats-Unis ont été les premiers à revenir sur cet accord sous la présidence de Donald Trump, qui a réimposé les sanctions qui avaient été levées et en a introduit de nombreuses autres. L’Iran a répondu en enfreignant de nombreuses restrictions nucléaires. Et c’est là l’argument sur lequel se base Téhéran. « Toutes les sanctions imposées par Donald Trump étaient contraires au JCPOA et doivent être supprimées— sans distinction entre les désignations arbitraires », a déclaré le ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif, sur Twitter. Or, les Etats-Unis se disent prêts à lever « les sanctions qui sont incompatibles avec le JCPOA ». Bien qu’ils aient refusé de donner des précisions, cela semble exclure les sanctions qui ne sont pas officiellement liées aux questions nucléaires couvertes par l’accord.
Il reste à voir si ces déclarations sont des manoeuvres d’ouverture ou des positions plus fermes. Les responsables européens ont déclaré que l’Iran négociait durement dès le départ. Mais les efforts se poursuivent. Deux groupes de travail ont été formés, dont la tâche est de dresser des listes de sanctions que les Etats-Unis lèveront et de restrictions nucléaires que l’Iran mettra en oeuvre.
Le chemin est donc encore long. Le ministère iranien des Affaires étrangères a indiqué dans un communiqué que les diplomates se réuniraient à nouveau ce mercredi à Vienne, et que les pourparlers devraient durer des semaines. « Compte tenu de la complexité technique des aspects nucléaires et des subtilités juridiques de la levée des sanctions, il serait très optimiste de penser à quelques semaines », a déclaré une source diplomatique européenne citée par Reuters.
Mais l’espoir reste de parvenir à un accord avant l’élection présidentielle iranienne du 18 juin, faute de quoi les discussions risquent d’être repoussées à plus tard dans l’année .
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