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Les Etats-Unis et le casse-tête afghan

Maha Salem avec agences, Mardi, 23 mars 2021

A quelques semaines de la date initialement prévue pour un retrait américain d’Afghanistan, les discussions s’intensifient : le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, s'est rendu cette semaine à Kaboul quelques jours après une conférence à Moscou.

Plusieurs raisons ont poussé l’Administra­tion américaine à envoyer son secrétaire à la Défense, Lloyd Austin, en Afghanistan. Ce dernier a effectué, dimanche 21 mars, une visite surprise en Afghanistan. Une visite qui inter­vient à moins de six semaines de la date fixée pour la fin du retrait par les Etats-Unis de leurs troupes du pays, selon l’accord conclu avec les talibans. Après ses entretiens avec le président Ashraf Ghani, Austin n’a fait aucun commen­taire sur la date de la fin du retrait figurant dans l’accord passé l’année dernière avec les tali­bans. « C’est le domaine de mon patron », « c’est la décision que le président (Biden) prendra en son temps », a affirmé Austin. En effet, le président américain, Joe Biden, vient d’annoncer qu’il serait « difficile » de retirer tous les soldats américains d’ici au 1er mai.

Des déclarations qui ont provoqué la colère des talibans. Ceux-ci ont mis en garde Washington contre tout retard. De son côté, le gouvernement afghan voudrait garder les forces américaines présentes aussi longtemps que pos­sible en raison de la couverture aérienne vitale qu’elles assurent. « Le gouvernement afghan reste incapable d’affronter seul les attaques menées par les talibans. Il ne peut pas assumer seul la sécurité. Le système sécuritaire ne peut même prévenir les attentats », explique Mohamed Aboul-Makarem, analyste au Centre des études africaines et arabes, selon lequel Kaboul et Washington sont sur la même lon­gueur d’onde. « Washington ne veut pas retirer ses troupes de ce pays ; au contraire, il cherche à renforcer sa présence pour défendre ses inté­rêts. Autre raison, les autorités américaines veulent faire face à la Russie qui essaye de renforcer sa présence. Pour Washington, la présence militaire en Afghanistan est essentielle pour protéger ses intérêts dans cette région proche de la Russie, mais aussi pour renforcer ses pressions sur l’Iran », explique-t-il.

Mais ce n’est pas tout. Un retrait américain aura d’autres conséquences. « Ce serait vécu comme une véritable défaite après 20 ans d’une présence américaine, qui, tout compte fait, n’a rien changé, puisque le pays vit tou­jours dans l’impasse : les talibans restent puissants et continuent de menacer la sécurité et la stabilité du pays, les négociations de paix inter-afghanes n’avancent pas », explique l’expert. D’où la quasi-impossibilité d’un retrait américain.

Pourtant, les Etats-Unis avaient conclu avec les talibans, en février 2020 au Qatar, un accord prévoyant le retrait de tous les soldats américains d’ici au 1er mai prochain en échange de garanties sécuritaires et de l’ouverture de négociations directes inédites entre les insur­gés et les autorités de Kaboul. Mais les négo­ciations inter-afghanes qui se sont ouvertes en septembre à Doha piétinent et les combats se sont intensifiés sur le terrain, notamment dans les zones rurales. L’Administration Biden a aussi estimé que les talibans n’avaient pas tenu leur engagement de rompre définitivement avec les groupes djihadistes tels qu’Al-Qaëda.

En attendant la décision américaine, les Russes eux aussi s’activent. Une conférence s’est tenue jeudi 18 mars à Moscou avec pour but de donner du souffle aux négociations menées au Qatar par le gouvernement afghan et les talibans, alors que le pouvoir à Kaboul reproche aux insurgés de n’avoir pas fait suf­fisamment pour endiguer les violences. Les Etats-Unis, pour la première fois, ont envoyé un haut représentant prendre part à des discus­sions, la Chine et la Russie ont appelé « les deux camps à mener des discussions et conclure un accord de paix qui mettra fin à plus de quatre décennies de guerre en Afghanistan », est-il écrit dans un communi­qué commun publié à l’issue des discussions.

D’autres négociations cruciales se tiendront en avril en Turquie pour au moins une semaine et avec un objectif principal : l’instauration d’un gouvernement provisoire.

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