éventuelle prise de Marib par les Houthis constituerait un revers cuisant pour le pouvoir yéménite.
Malgré la volonté du nouveau président américain, Joe Biden, de donner un nouvel élan aux négociations pour la paix au Yémen, les violences s’aggravent à Marib. Plus de 90 combattants ont été tués et des centaines ont été blessés lors de violents combats au cours de ces derniers jours dans la région pétrolière stratégique de Marib, dans le nord du Yémen. Région que les rebelles houthis tentent d’arracher depuis un mois aux forces loyalistes, une offensive dure et acharnée, puisqu’aucun des deux camps n’arrive à remporter les combats. Soutenus par l’Iran, les rebelles ont lancé début février une nouvelle offensive pour s’emparer de Marib, dernier bastion des forces gouvernementales, appuyées par une coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite. L’aviation de cette dernière a mené plusieurs frappes contre des cibles des Houthis sur plusieurs fronts pour répondre à leurs attaques contre ses territoires.
Parallèlement, les Houthis ont intensifié leur pression sur Riyad. Ils ont revendiqué, jeudi 4 mars, une frappe de missile contre une usine du géant saoudien de l’énergie Aramco à Djeddah, ville de l’ouest de l’Arabie saoudite, dans un contexte d’escalade des attaques visant le royaume voisin. Le porte-parole des Houthis, Yahya Saree, a affirmé que les rebelles avaient frappé une installation d’Aramco à Djeddah avec un missile de type Quds-2, en représailles aux interventions militaires de l’Arabie saoudite au Yémen. Cette attaque des rebelles intervient après que les Etats-Unis ont imposé, mardi 2 mars, des sanctions financières à deux chefs rebelles houthis, accusés d’avoir orchestré des attaques contre des civils, les pays voisins, et des navires commerciaux. Certes, Joe Biden a annulé l’inscription des Houthis sur la liste noire des organisations terroristes, mais son Administration a clairement dit que cette marche arrière était motivée par des raisons purement humanitaires, et tente, depuis, de trouver d’autres moyens de hausser le ton contre les Houthis, et les pousser à négocier une solution politique au conflit.
« Cette escalade intervient dans un climat de tension dans toute la région et qui dépasse le dossier yéménite. C’est une démonstration de force de l’Iran. Téhéran veut prouver sa supériorité, sa puissance et son influence. Il a frappé des installations américaines en Iraq et en Syrie pour renforcer ses pressions sur l’Occident pour présenter des concessions lorsque viendra le temps des négociations », explique Dr Mona Solimane, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire. Et d'ajouter: « L’Iran veut la fin des sanctions pour sauver son économie et ne veut pas se contenter d’une reprise du dialogue, c’est pour cela qu’il frappe sur plusieurs fronts, au Liban, en Syrie, en Iraq et au Yémen. Or, le front yéménite est le plus facile pour Téhéran, surtout maintenant. D’abord, parce qu’il parvient facilement à acheminer les aides financières et militaires aux Houthis, ce qui a permis à ces derniers de pouvoir faire face à la coalition ; ensuite parce que les Iraniens profitent du fait que Riyad a désormais une marge de manoeuvre limitée, surtout que l’Administration Biden le blâme d’être en partie responsable de cet interminable conflit et de la catastrophe humanitaire qu’il a causée ».
Téhéran maître du jeu ?
Le jeu est-il donc entre les mains de Téhéran? Il semble que oui. Selon Mona Solimane, l’Iran sait parfaitement que l’Arabie saoudite ne réalisera aucune avancée dans la guerre yéménite, « car la présence et l’intervention saoudienne sont rejetées par toutes les parties yéménites ». Si ces parties sont divisées, elles sont unies dans leur refus des forces de la coalition, estime-t-elle. « De même, les forces gouvernementales sont devenues divisées et un bon nombre de ses membres ont rejoint d’autres groupes militaires », renchérit-elle.
Autant de donnes dont Téhéran tire profit à l’heure actuelle. Plus que jamais, le conflit yéménite reste étroitement lié au contexte régional et au bras de fer entre l’Iran et la communauté internationale. La diplomatie américaine, qui tente de renouer un dialogue avec l’Iran après la rupture des années Trump sur le dossier nucléaire, a dénoncé une nouvelle fois son rôle au Yémen en soutien aux rebelles. « L’implication de l’Iran au Yémen souffle sur les braises du conflit, au risque d’une escalade encore plus grave », a ainsi estimé le secrétaire d’Etat Antony Blinken dans un communiqué.
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