Chacune des deux parties pose ses conditions pour une reprise du dialogue.
C’est un bras de fer d’un autre genre qui oppose désormais les Etats-Unis à l’Iran. Si le président américain, Joe Biden, a décidé de rompre avec la stratégie de pression maximum de son prédécesseur et a donné des signes de son désir de reprendre un dialogue avec Téhéran sur son programme nucléaire, il continue tout de même à faire preuve de fermeté. « Notre patience a des limites ! », a lancé cette semaine le porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price, à des journalistes qui lui demandaient combien de temps l’offre américaine de dialogue resterait sur la table. « Nous attendons de savoir quelle sera la réponse de l’Iran à l’invitation européenne », a dit pour sa part la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki. Car les autorités iraniennes n’ont toujours pas répondu à l’invitation des Européens, lancée il y a déjà presque deux semaines, à une réunion informelle entre l’Iran et les autres signataires de l’accord de 2015, censé empêcher Téhéran de se doter de la bombe atomique (Allemagne, Chine, France, Royaume-Uni, Russie).
Le 21 février, Téhéran est passé à l’acte en exécutant ses menaces de restreindre les inspections de son programme nucléaire par l’AIEA. (Photo : AP)
Depuis l’arrivée au pouvoir de Joe Biden, la situation reste la même : la volonté de reprendre le dialogue est certes là, mais toute la question est de savoir comment. Pour Washington, pas question de lever les sanctions tout de suite, les preuves de bonne volonté actuelles suffisent. Le président américain, Joe Biden, s’est engagé à réintégrer cet accord, mais à la condition que Téhéran revienne au préalable au respect des engagements pris. Pour les Iraniens, une reprise des négociations n’est possible que si l’Amérique lève au préalable les sanctions économiques et s’engage à revenir dans l’accord tel qu’il a été signé. Car si l’Iran aborde le retour des Etats-Unis sur la scène internationale en position de faiblesse, il n’affiche pour autant aucune volonté de céder. Dernière preuve en date, Téhéran est passé à l’acte en exécutant le 21 février ses menaces de restreindre les inspections de son programme nucléaire par l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), faute d’avoir obtenu la levée des sanctions américaines. Une décision « dangereuse », selon les signataires européens qui tentent de sauver l’accord de 2015. Téhéran doit « revenir en arrière sur toutes les mesures qui réduisent la transparence et coopérer pleinement avec l’AIEA », ont plaidé dans un communiqué commun la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne. « L’objectif reste de préserver l’accord et de soutenir les efforts diplomatiques en cours pour trouver une solution négociée » et permettre le retour de l’Iran et des Etats-Unis « au plein respect de leurs engagements », ont-ils insisté. C’est aussi notre but, a souligné le porte-parole du département d’Etat américain, Ned Price. Celui-ci n’a pas caché son « inquiétude » face à une puissance iranienne « qui va dans la mauvaise direction ». Car Téhéran poursuit la politique qu’elle a entamée en 2019, riposte au retrait américain de l’accord de 2015, un an plus tôt, celle de s’affranchir progressivement de nombreuses limitations qu’elle avait accepté d’imposer à son programme nucléaire, en échange d’un allègement des mesures de rétorsion à son encontre.
Plusieurs dossiers enchevêtrés
Parallèlement à ce bras de fer, d’autres lignes sont en train de bouger, les dossiers étant intrinsèquement liés dans la région. Il s’agit en premier lieu du Yémen, un conflit où Téhéran a son mot à dire et qu’il utilise comme carte de pression. A ce sujet, Washington a entrepris quelques pas, notamment en revenant sur la décision de son prédécesseur d’inclure les Houthis dans la liste des organisations terroristes et en mettant fin au soutien de Washington à la coalition dirigée par l’Arabie saoudite. En même temps, la fermeté de Washington à l’égard de Téhéran ne fléchit pas : Joe Biden a ordonné une opération militaire contre des milices chiites pro-iraniennes repliées sur la frontière syrienne (voir sous-encadré). Si les contacts ont déjà débuté en coulisses afin d’amorcer une réintégration des Etats-Unis dans l’accord de Vienne, Washington n’entend pas laisser les milices chiites pro-iraniennes faire la loi en Iraq et se servir de ce pays comme d’un lieu de règlements de comptes qui menacerait sa diplomatie.
A cela s’ajoutent les relations des Etats-Unis avec Israël et l’Arabie saoudite, deux alliés des Américains, mais aussi deux ennemis de l’Iran. L’Etat hébreu s’inquiète des développements avec l’Iran (voir sous-encadré), mais il reste et restera un allié majeur des Etats-Unis. Riyad aussi s’inquiète, mais là, les relations avec Washington répondent à d’autres calculs.
Ce qui est sûr aujourd’hui, c’est que Washington est en train de « recalibrer » ses relations avec la région. Revoir les relations avec Téhéran, certes, mais sans trop de concessions. Maintenir l’alliance avec Riyad, oui, mais à quelques conditions. Ménager Israël, sans doute. Il s’agit là d’une constance que Washington n’est pas près de changer.
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