Après des mois de calme précaire, la violence a repris de plus belle au Yémen. Les rebelles houthis, soutenus par l’Iran, qui tentent de s’emparer de la ville de Marib depuis plus d’un an, ont récemment intensifié leurs attaques avec une nouvelle offensive lancée depuis le 8 février. Jusqu’à présent, les forces loyalistes ont réussi à arrêter les tentatives des rebelles d’avancer sur plusieurs fronts à l’ouest, au sud et au nord vers la ville. Mais les combats restent acharnés et l’enjeu de la bataille est de taille. En effet, Marib, située à environ 120 km à l’est de la capitale Sanaa, est considérée comme une ville stratégique, car elle est riche en pétrole. De même, c’est le dernier bastion du pouvoir dans le nord du Yémen, entre les mains des Houthis depuis 2014. Ainsi, une éventuelle prise de Marib par les Houthis porterait un coup dur au pouvoir, car le nord du Yémen passerait entièrement sous contrôle rebelle, mais aussi à l’Arabie, car le nord du Yémen, frontalier du royaume, serait alors entièrement aux mains des rebelles. Ces derniers ont par ailleurs multiplié les attaques en direction du territoire saoudien ces dernières semaines.
Cette situation a poussé l’émissaire de l’Onu pour le Yémen, Martin Griffiths, à appeler les deux parties à cesser les combats, mettant en garde contre un désastre humanitaire. « L’attaque met en danger des millions de civils, en particulier avec les combats qui atteignent les camps de déplacés », a affirmé Griffiths. Le Yémen fait face à la pire crise humanitaire au monde, selon l’Onu, avec une population au bord de la famine. Des agences onusiennes ont prévenu que 400 000 enfants pourraient mourir en 2021 de malnutrition aiguë sévère. « La guerre met en danger des millions de civils, en particulier avec les combats qui atteignent les camps de personnes déplacées à l’intérieur du pays et la recherche d’un gain territorial par la force menace les perspectives du processus de paix », a-t-il ajouté, lors d’une visioconférence du Conseil de sécurité consacrée au Yémen, tout en ajoutant que « pour saisir (une) chance de redonner vie au processus politique, les parties doivent immédiatement convenir d’un cessez-le-feu à l’échelle nationale mettant fin à toutes les formes de combat », a déclaré l’émissaire de l’Onu.
« Militairement parlant, les Houthis sont en position de force grâce au fort soutien de l’Iran. Mais le plus important est l’enjeu politique de cette offensive. Téhéran sait parfaitement quand et comment utiliser la carte yéménite pour faire pression sur la communauté internationale. Le timing a toujours été très important dans le conflit yéménite. C’est pour cela que les combats tantôt s’acharnent, tantôt se calment », explique le politologue Mohamed Aboul-Makarem.
Or, cette fois-ci, outre le fait que la ville est stratégique, l’offensive intervient dans un contexte jugé apaisant en raison de la nouvelle politique américaine au Yémen sous l’Administration de Joe Biden, mais aussi alors que le dossier du nucléaire iranien est en effervescence. Le président américain a décidé de mettre fin au soutien américain à la campagne militaire saoudienne au Yémen, dans cette guerre affirmant qu’elle avait créé une catastrophe humanitaire et stratégique. Autre changement de posture : Washington a décidé de retirer les Houthis de sa liste noire des organisations terroristes pour ne pas entraver, selon lui, l’acheminement de l’aide humanitaire dans les territoires qu’ils contrôlent. « Biden veut en finir avec la guerre yéménite, et l’Iran en profite. C’est une carte de chantage qu’il utilise avant d’entamer les discussions sur le nucléaire avec les Américains et les Européens », explique l’analyste. Et de conclure : « Si Téhéran stoppe son soutien aux Houthis, ces derniers ne pourront plus faire face aux forces gouvernementales. En même temps, Washington peut faire pression sur l’Arabie saoudite pour régler la crise. La clé de la solution est entre les mains des alliés des belligérants ».
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