Passant à l’action, l’Iran a commencé la production d’uranium métal pour, selon Téhéran, l’utiliser comme combustible pour l’un de ses réacteurs. Un nouveau bras de fer entre l’Iran et l’Occident. Car l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) a jugé cette opération comme une nouvelle violation des engagements iraniens de l’accord de 2015. Mais Téhéran rejette toujours ces accusations, en insistant qu’elle va l’utiliser pour produire du combustible dans le cadre des activités de recherche et développement. Le sujet est d’autant plus sensible que l’uranium métal peut être utilisé dans la fabrication d’armes nucléaires, même si la République islamique a toujours nié vouloir se doter de la bombe. Le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, a informé les Etats membres de ce nouveau développement, car il est contre l’accord de 2015. Ce dernier, signé en 2015 par l’Iran et six grandes puissances (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne), comporte une interdiction de 15 ans en ce qui concerne « la production ou l’acquisition de métaux de plutonium ou d’uranium ou leurs alliages ». Il prévoit que l’Iran puisse être autorisé à commencer sa recherche sur la production de combustible à base d’uranium « en petites quantités » au bout de dix ans, mais seulement avec l’autorisation des autres signataires.
En réaction, la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne ont averti, vendredi 12 février, l’Iran qu’il « compromettait » tout retour à des négociations pour sauver l’accord encadrant son programme nucléaire avec ses violations répétées de ce texte, dernièrement encore sur la production d’uranium métal. « En accélérant ses violations, l’Iran compromet la possibilité qu’un retour à la diplomatie permette la réalisation pleine et entière des objectifs du Plan d’Action Global Commun (PAGC) », ont déclaré les porte-parole des trois ministères des Affaires étrangères dans un communiqué commun.
Pour se défendre, Téhéran a rappelé qu’elle a prévenu l’AIEA avant de commencer. Cette annonce intervient un peu plus d’un mois après la reprise par Téhéran de l’enrichissement d’uranium à 20 %. Si ce niveau est loin du niveau de 90 % requis pour une bombe, il s’agit de l’entorse la plus grave à l’accord depuis le retrait des Etats-Unis en 2018 et le rétablissement de sanctions.
« Le vrai problème ici n’est pas l’action de l’Iran, mais la réaction de l’agence onusienne », affirme le politologue Mohamad Aboul-Makarem. « L’AIEA veut renforcer les pressions sur Téhéran pour qu’elle reprenne ses négociations avec les Américains. L’agence ne réagissait pas si rapidement tout au long la période de présidence de Donald Trump, car ce dernier n’avait pas besoin d’une couverture politique pour faire pression sur l’Iran. Déjà, on sait que les deux pays ont entamé des négociations tacites, mais il semble que Téhéran campe sur ses positions et qu’elle ne veuille pas présenter des concessions, alors que Washington essaie de le contraindre à céder. Un scénario à répétition. Au cours des prochains jours, Washington va renforcer ses pressions sur Téhéran pour satisfaire ses alliés de la région, les pays du Golfe et Israël », explique Aboul-Makarem.
L’arrivée, le 20 janvier, de Joe Biden à la Maison Blanche a laissé espérer une reprise du dialogue après la politique de pression maximale exercée par son prédécesseur Donald Trump. Mais la reprise de dialogue entre eux devient de plus en plus difficile. Car le nouveau président américain a prévenu qu’il ne ferait pas le premier pas vers l’Iran en levant les sanctions, comme le revendiquent les dirigeants iraniens. Ainsi, Téhéran comme Washington appellent chacun l’autre camp à faire le premier pas pour une véritable reprise du dialogue. Essayant de trouver une issue, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, avait demandé au début de février à l’Union européenne de coordonner un retour synchronisé de Washington et de Téhéran. Les Etats-Unis ont toutefois jugé qu’il était trop tôt pour accepter la proposition iranienne pour remettre sur les rails l’accord sur le nucléaire iranien.
Selon les analystes, les jours à venir vont être tendus, car une échéance est fixée par le parlement iranien le 21 février. Ce dernier pourrait ainsi restreindre l’accès des inspecteurs de l’AIEA à ses sites, une ligne rouge qui pourrait bloquer non seulement toutes les tentatives de négociation entre les Américains et les Iraniens, mais aussi bloquer la relation entre ces derniers et les pays européens.
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