New Haven, Connecticut, Etats-Unis, Correspondance —
Al-Ahram Hebdo : Que prévoit le 25e amendement de la Constitution, évoqué pour une possible destitution de Donald Trump ?
Mohamed Setouhi : Le 25e amendement a été adopté en février 1967, suite à l’assassinat de l’ancien président américain, John Kennedy, pour préciser les modalités de transfert des pouvoirs exécutifs en cas de démission, de décès, de destitution ou d’incapacité temporaire du locataire de la Maison-Blanche. Il établit les procédures pour combler une éventuelle vacance du poste de président par le vice-président. Sa section 4 prévoit la possibilité que le président en exercice soit écarté de ses responsabilités malgré lui, s’il est avéré qu’il se trouve « dans l’incapacité d’exercer les pouvoirs et les responsabilités de sa fonction ». Le 25e amendement de la Constitution autorise le vice-président et une majorité du cabinet à déclarer le président « inapte » à exercer ses fonctions et à le mettre à l’écart du pouvoir. Il a depuis servi après la démission de Richard Nixon en 1974 et, de manière temporaire, lors d’hospitalisation des présidents Ronald Reagan et George W. Bush. En octobre, quand Donald Trump a été transféré à l’hôpital après avoir été contaminé par le Covid-19, l’utilisation du 25e amendement avait déjà été évoquée. Mais le président républicain n’avait pas souhaité confier les rênes du pouvoir à son numéro deux, Mike Pence, et était rapidement revenu aux affaires.
— Est-ce envisageable cette fois-ci ?
— Contrairement à l’article 3, qui permet au président de confier lui-même le pouvoir à son vice-président quand il est physiquement incapable de l’exercer, l’article 4 donne la main au reste de l’exécutif. Le vice-président, soutenu par une majorité des membres du cabinet, peut déclarer le président « inapte » à remplir ses fonctions. Il doit alors adresser une déclaration écrite aux présidents de la Chambre des représentants et du Sénat. Il revient au Congrès de lui confier l’intérim de la présidence, par un vote aux deux tiers des deux chambres.
L’hypothèse est cette fois-ci exprimée ouvertement, et pas seulement par des démocrates. Or, nombreux sont ceux qui estiment que plusieurs donnes doivent être prises en considération avant d’entamer une telle procédure. Et ce, pour s’assurer qu’elle puisse aboutir, car il faut, pour cela, une approbation de la majorité des ministres et de Mike Pence, le vice-président, ce qui n’est pas gagné.
— D’autres appellent à une démission de Trump. Ce scénario est-il possible ?
— Malgré sa position délicate et toutes les critiques qui fusent contre lui, je ne pense pas que le président américain sortant démissionne. Il a déclaré que la passation de pouvoir se ferait de manière pacifique. Et il ne reste que quelques jours avant que son mandat ne prenne fin. Ce qui fait que la marge de manoeuvre est réduite, quelle que soit la formule proposée. Cela dit, tout dépendra de ce que va faire Trump dans les jours à venir.
— Le président américain risque-t-il d’être jugé ?
— Il ne reste que très peu de temps avant la fin du mandat de Trump, le juger actuellement est impossible.
— Selon vous, comment les événements du 6 janvier vont-ils influencer la vie politique américaine dans la période à venir ?
— Ce qui s’est passé la semaine dernière est en quelque sorte la goutte qui a fait déborder le vase. Les images ont choqué non seulement les opposants de Trump, mais aussi une partie de ses proches. L’assaut du Capitole restera dans les mémoires comme un point noir de la présidence de Donald Trump, d’autant plus qu’il est intervenu après des semaines de provocations de la part du président sortant. Ce dernier n’a pas cessé, depuis la présidentielle, de remettre en cause les résultats, et insister sur sa « victoire volée ». Il a même critiqué tous ses proches du Parti républicain qui n’étaient pas de son avis. Tout ceci, après 4 années d’une présidence extravagante, ne peut pas passer inaperçu. Trump signe ainsi la fin de sa vie politique. Beaucoup le rendent aussi responsable de la défaite des républicains dans les sénatoriales tenues la semaine dernière en Géorgie. La perte, par ce parti, des deux sièges de sénateurs de Géorgie, un Etat traditionnellement républicain, est considérée comme une défaite pour Trump plus qu’une victoire pour son successeur, Joe Biden.
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