
L'anniversaire de l'assassinat du général Qassem Soleimani a ravivé les sentiments anti-américains en Iran. (Photo : Reuters)
C’est à quelques jours de l’entrée à la Maison Blanche du nouveau président américain, Joe Biden, que l’Iran a choisi de faire un nouveau geste de provocation. Téhéran a en effet fait part, vendredi 1er janvier, à l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) de sa volonté de produire de l’uranium enrichi à 20 %, soit bien au-delà du seuil fixé par l’accord de Vienne de 2015 dont le but était d’empêcher toute utilisation de l’uranium à des fins militaires. Téhéran a affirmé que cette augmentation serait utilisée dans l’usine souterraine de Fordo, et que son objectif visait à se conformer à une loi récemment adoptée par le parlement iranien. Mais les autorités iraniennes n’ont pas fixé de date pour que cette activité d’enrichissement soit mise en oeuvre. D’après le dernier rapport disponible de l’agence onusienne, publié en novembre dernier, Téhéran enrichissait de l’uranium à un degré de pureté supérieur à la limite prévue par l’accord de Vienne (3,67 %), mais ne dépassait pas le seuil de 4,5 %, et se pliait toujours au régime très strict d’inspections de l’AIEA. Mais le dossier connaît des soubresauts depuis l’assassinat fin novembre dernier d’un physicien nucléaire iranien, Mohsen Fakhrizadeh.
Dans la foulée de cette attaque attribuée à Israël, l’aile la plus dure à Téhéran a promis une riposte et le parlement a adopté une loi controversée préconisant de produire et de stocker « au moins 120 kilogrammes par an d’uranium enrichi à 20 % » et de « mettre fin » aux inspections de l’AIEA, destinées à vérifier que le pays ne cherche pas à se doter de la bombe atomique. Une initiative dénoncée par les autres signataires de l’accord, qui avaient appelé Téhéran en décembre à ne pas « compromettre l’avenir ».
Les différentes parties prenantes (la Chine, la France, l’Allemagne, la Russie et le Royaume-Uni) jouent la carte de la montre, fondant des espoirs sur l’arrivée prochaine de Joe Biden. Le démocrate s’était montré déterminé à sauver ce pacte (appelé JCPoA), mis à mal depuis le retrait américain en mai 2018, à l’initiative du président américain sortant, Donald Trump, et le rétablissement des sanctions économiques américaines.
Deux possibilités
Le renvoi des inspecteurs de l’AIEA et la reprise des activités d’enrichissement à hauteur de 20 %, niveau que pratiquait l’Iran avant la conclusion de l’accord de Vienne, risqueraient de renvoyer le dossier du nucléaire iranien devant le Conseil de sécurité. Mais à quoi joue exactement Téhéran ? Selon Dr Mona Solimane, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire, il existe deux possibilités : « Soit l’Iran veut reprendre les choses en mains avant d’éventuelles nouvelles négociations afin de tenter d’y imposer ses conditions propres à protéger ses intérêts, soit il fera marche arrière et n’ira pas dans le sens de l’augmentation de l’enrichissement ». Bref, ce que veut Téhéran, selon l’analyste, c’est de faire pression alors que le dossier va sans doute revenir sur la table avec la nouvelle Administration américaine.
Mais en attendant cette Administration, les relations sont au plus bas entre Washington et Téhéran. Le chef la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, a accusé jeudi 31 décembre le président américain sortant, Donald Trump, de chercher à fabriquer « un prétexte » pour lancer « une guerre », au moment où les tensions entre les deux ennemis montent à nouveau. La semaine dernière, Trump avait indiqué qu’il tiendrait l’Iran pour « responsable » de toute attaque meurtrière contre des Américains en Iraq, après avoir accusé Téhéran d’être derrière des tirs de roquettes contre l’ambassade américaine à Bagdad le 20 décembre. Le chef de la diplomatie iranienne avait alors répondu en mettant en garde M. Trump contre tout « aventurisme » avant son départ de la Maison Blanche le 20 janvier, après un mandat durant lequel il a mené une campagne de « pression maximale » sur Téhéran.
Les tensions entre les Etats-Unis et l’Iran ont en outre augmenté avec l’anniversaire de l’assassinat du puissant général iranien Qassem Soleimani, chef des opérations extérieures des Gardiens, tué par une frappe américaine à Bagdad le 3 janvier 2020. Vendredi 1er janvier, le chef de l’Autorité judiciaire en Iran, Ebrahim Raïssi, a averti que les auteurs de cet assassinat ne seraient « nulle part en sécurité ». « Ne pensez pas que quelqu’un comme le président de l’Amérique, qui apparaît comme un assassin qui a ordonné un assassinat, puisse s’en tirer (…) Jamais », a-t-il averti.
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