Les photos publiées par AP montrent un nouveau site d'enrichissement d'uranium à Fordo. (Photo : AP)
Pourquoi a-t-il rejeté la proposition de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) d’un nouvel accord sur le nucléaire ? Avec de nombreuses interrogations, l’Iran est à nouveau au centre des préoccupations internationales. Vendredi 18 décembre, l’Associated Press a publié des photos satellites montrant des travaux de construction à l’usine d’enrichissement d’uranium souterraine de Fordo. Les travaux sur ce site auraient débuté fin septembre. Des images satellites obtenues de Maxar Technologies par l’Associated Press montrent la construction en cours dans le secteur nord-ouest du site, près de la ville sainte chiite de Qom, à environ 90 kilomètres au sud-ouest de Téhéran. Construite au fond d’une montagne pour la protéger contre d’éventuelles frappes aériennes, le site est à proximité d’autres bâtiments de soutien et de recherche et développement de Fordo.
L’Agence internationale de l’énergie atomique, dont les inspecteurs se trouvent en ce moment en Iran, n’a pas encore commenté ce rapport, ni indiqué si Téhéran l’avait officiellement informée de toute construction à Fordo. L’Iran non plus n’a reconnu publiquement aucune nouvelle construction à Fordo, dont la découverte par l’Occident en 2009 a eu lieu lors d’une première série d’acrobaties politiques avant que les puissances mondiales ne concluent l’accord nucléaire de 2015 avec Téhéran. Déjà, l’Iran effectue des travaux de construction à son installation nucléaire de Natanz après une mystérieuse explosion en juillet dernier, que Téhéran a décrite comme une attaque de sabotage.
La publication de ces photos intervient avec le rejet de l’Iran d’une proposition de l’AIEA à propos de l’accord nucléaire. Kazem Gharibabadi, représentant de l’Iran auprès de l’AIEA, à Vienne, a rejeté vendredi 18 décembre les propos du directeur de l’agence, Rafael Grossi, qui déclarait la veille qu’un nouvel accord sur le nucléaire serait nécessaire sous l’Administration Biden. « Il n’y aura pas de renégociation concernant l’accord actuel. Il n’est pas nécessaire de compliquer la situation », a-t-il déclaré, en indiquant sur Twitter que le seul rôle de l’AIEA est de surveiller et de vérifier toutes les mesures relatives aux activités nucléaires telles que détaillées dans le JCPOA (l’accord de 2015), et de fournir des mises à jour factuelles régulières à cet égard. « Les engagements des parties et les tâches de l’AIEA ont été délicatement rédigés et convenus, et chaque partie sait quoi faire pour mettre en oeuvre l’accord », a poursuivi Kazem.
Retrait américain et violations iraniennes
C’est le chef de l’AIEA, Rafael Grossi, qui a affirmé qu’un nouvel accord avec l’Iran sous l’Administration Biden serait nécessaire, l’accord actuel ayant été violé à maintes reprises, ceci lors d’un entretien avec l’agence de presse Reuters, publié jeudi 17 décembre. Donald Trump s’était retiré de l’accord de Vienne en 2018, ce qui a ouvert la voie au rétablissement puis à l’alourdissement des sanctions américaines. En réaction, l’Iran a commencé l’année suivante à se soustraire à certaines clauses du Plan d’action global commun (JCPoA). Pour Rafael Grossi, il ne saurait pourtant être question de revenir aux termes de cet accord d’un simple claquement de doigts. L’Iran a enfreint cet accord à de trop nombreuses reprises, fait-il valoir. « Je ne peux pas imaginer qu’ils vont se contenter de dire : nous revenons au point de départ, parce qu’il n’y a plus de point de départ », a-t-il dit à Reuters. « Il y a plus de matériel nucléaire (...), il y a plus d’activité, il y a plus de centrifugeuses et d’autres encore sont annoncées. Alors, que fait-on de tout cela ? C’est une question qui doit trouver une réponse au niveau politique », a estimé le diplomate argentin. Prié de dire si cela signifiait qu’un « accord dans l’accord » serait nécessaire, il a répondu : « Oui, sans aucun doute ».
L’Iran dispose désormais d’un stock d’uranium faiblement enrichi de 2,4 tonnes, soit nettement supérieur aux 202,8 kg prévus par l’accord de 2015. Il n’en a toutefois produit que 337,5 kg au cours du dernier trimestre contre plus de 500 kg au cours des deux trimestres précédents, selon l’AIEA.
Cette mise en garde de l’AIEA intervient alors que les espoirs que les relations de l’Iran avec la communauté internationale s’améliorent avec la fin de l’ère Trump. Joe Biden, qui prendra ses fonctions le 20 janvier, a indiqué qu’il souhaitait revenir sur la politique de « pression maximale » à l’égard de l’Iran mise en oeuvre par Donald Trump et réamorcer une approche diplomatique. Téhéran s’est de son côté dit convaincu que les Etats-Unis réintégreront l’accord international sur le programme nucléaire de la République islamique conclu en 2015 et que les sanctions seront levées après l’investiture de Joe Biden. Mais avec ces derniers développements, la question du nucléaire iranien risque de provoquer encore bien des crises.
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