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Nucléaire iranien : A quoi joue Téhéran ?

Sabah Sabet avec agences, Mercredi, 23 décembre 2020

La révélation de photos satellites montrant des travaux de construction d’une usine d’enrichissement d’uranium et le rejet de Téhéran d’une proposition de l’AIEA de promulguer un nouvel accord ravivent les craintes sur les intentions de Téhéran.

Nucléaire iranien : A quoi joue Téhéran ?
Les photos publiées par AP montrent un nouveau site d'enrichissement d'uranium à Fordo. (Photo : AP)

Pourquoi a-t-il rejeté la proposition de l’Agence Internationale de l’Ener­gie Atomique (AIEA) d’un nouvel accord sur le nucléaire ? Avec de nombreuses interrogations, l’Iran est à nouveau au centre des préoccupations internationales. Vendredi 18 décembre, l’Associated Press a publié des photos satellites montrant des travaux de construction à l’usine d’enrichissement d’ura­nium souterraine de Fordo. Les tra­vaux sur ce site auraient débuté fin septembre. Des images satellites obtenues de Maxar Technologies par l’Associated Press montrent la construction en cours dans le secteur nord-ouest du site, près de la ville sainte chiite de Qom, à environ 90 kilomètres au sud-ouest de Téhéran. Construite au fond d’une montagne pour la protéger contre d’éventuelles frappes aériennes, le site est à proxi­mité d’autres bâtiments de soutien et de recherche et développement de Fordo.

L’Agence internationale de l’éner­gie atomique, dont les inspecteurs se trouvent en ce moment en Iran, n’a pas encore commenté ce rapport, ni indiqué si Téhéran l’avait officielle­ment informée de toute construction à Fordo. L’Iran non plus n’a reconnu publiquement aucune nouvelle construction à Fordo, dont la décou­verte par l’Occident en 2009 a eu lieu lors d’une première série d’acrobaties politiques avant que les puissances mondiales ne concluent l’accord nucléaire de 2015 avec Téhéran. Déjà, l’Iran effectue des travaux de construction à son installation nucléaire de Natanz après une mysté­rieuse explosion en juillet dernier, que Téhéran a décrite comme une attaque de sabotage.

La publication de ces photos inter­vient avec le rejet de l’Iran d’une proposition de l’AIEA à propos de l’accord nucléaire. Kazem Gharibabadi, représentant de l’Iran auprès de l’AIEA, à Vienne, a rejeté vendredi 18 décembre les propos du directeur de l’agence, Rafael Grossi, qui déclarait la veille qu’un nouvel accord sur le nucléaire serait néces­saire sous l’Administration Biden. « Il n’y aura pas de renégociation concernant l’accord actuel. Il n’est pas nécessaire de compliquer la situation », a-t-il déclaré, en indi­quant sur Twitter que le seul rôle de l’AIEA est de surveiller et de vérifier toutes les mesures relatives aux acti­vités nucléaires telles que détaillées dans le JCPOA (l’accord de 2015), et de fournir des mises à jour factuelles régulières à cet égard. « Les engage­ments des parties et les tâches de l’AIEA ont été délicatement rédigés et convenus, et chaque partie sait quoi faire pour mettre en oeuvre l’accord », a poursuivi Kazem.

Retrait américain et violations iraniennes

C’est le chef de l’AIEA, Rafael Grossi, qui a affirmé qu’un nouvel accord avec l’Iran sous l’Administra­tion Biden serait nécessaire, l’accord actuel ayant été violé à maintes reprises, ceci lors d’un entretien avec l’agence de presse Reuters, publié jeudi 17 décembre. Donald Trump s’était retiré de l’accord de Vienne en 2018, ce qui a ouvert la voie au réta­blissement puis à l’alourdissement des sanctions américaines. En réac­tion, l’Iran a commencé l’année sui­vante à se soustraire à certaines clauses du Plan d’action global com­mun (JCPoA). Pour Rafael Grossi, il ne saurait pourtant être question de revenir aux termes de cet accord d’un simple claquement de doigts. L’Iran a enfreint cet accord à de trop nom­breuses reprises, fait-il valoir. « Je ne peux pas imaginer qu’ils vont se contenter de dire : nous revenons au point de départ, parce qu’il n’y a plus de point de départ », a-t-il dit à Reuters. « Il y a plus de matériel nucléaire (...), il y a plus d’activité, il y a plus de centrifugeuses et d’autres encore sont annoncées. Alors, que fait-on de tout cela ? C’est une ques­tion qui doit trouver une réponse au niveau politique », a estimé le diplo­mate argentin. Prié de dire si cela signifiait qu’un « accord dans l’ac­cord » serait nécessaire, il a répondu : « Oui, sans aucun doute ».

L’Iran dispose désormais d’un stock d’uranium faiblement enrichi de 2,4 tonnes, soit nettement supé­rieur aux 202,8 kg prévus par l’accord de 2015. Il n’en a toutefois produit que 337,5 kg au cours du dernier tri­mestre contre plus de 500 kg au cours des deux trimestres précédents, selon l’AIEA.

Cette mise en garde de l’AIEA intervient alors que les espoirs que les relations de l’Iran avec la commu­nauté internationale s’améliorent avec la fin de l’ère Trump. Joe Biden, qui prendra ses fonctions le 20 jan­vier, a indiqué qu’il souhaitait revenir sur la politique de « pression maxi­male » à l’égard de l’Iran mise en oeuvre par Donald Trump et réamor­cer une approche diplomatique. Téhéran s’est de son côté dit convain­cu que les Etats-Unis réintégreront l’accord international sur le pro­gramme nucléaire de la République islamique conclu en 2015 et que les sanctions seront levées après l’inves­titure de Joe Biden. Mais avec ces derniers développements, la question du nucléaire iranien risque de provo­quer encore bien des crises.

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