« Nous rejetons cette attitude biaisée et illégitime figurant dans les conclusions du Sommet de l’Union Européenne (UE) ». C’est par ces termes qu’Ankara, par la voix de son ministère turc des Affaires étrangères, a répondu aux sanctions adoptées par l’UE, dans un communiqué publié vendredi 11 décembre. Une réaction qui fait suite à la décision, prise la veille, par les dirigeants des 27 pays de l’Union européenne réunis en sommet à Bruxelles, de sanctionner les actions « illégales et agressives » de la Turquie en Méditerranée contre la Grèce et Chypre. Le Sommet des Vingt-Sept a adopté des sanctions individuelles qui devraient viser des noms impliqués dans les activités d’exploration menées par la Turquie en Méditerranée orientale. La liste de noms va être établie dans les prochaines semaines et sera soumise à l’approbation des Etats membres. Selon les conclusions adoptées par le Sommet de Bruxelles, les noms seront inscrits sur la liste noire établie en novembre 2019 pour sanctionner les activités de forage de la Turquie dans les eaux de Chypre. Elle compte deux responsables de la Turkish Petroleum Corporation (TPAO), interdits de visas et dont les avoirs dans l’UE ont été gelés. Les dirigeants européens ont donné mandat au chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, de leur faire un rapport au plus tard en mars 2021 sur l’évolution de la situation et de proposer alors, si nécessaire, d’étendre les sanctions à de nouveaux noms ou de nouvelles entreprises. « L’idée est de serrer la vis progressivement », a indiqué le diplomate européen.
Le bras de fer entre Ankara, membre de l’Otan, et l’Europe a débuté avec les travaux d’exploration gazière menés par la Turquie dans des zones maritimes disputées avec la Grèce et Chypre, depuis des mois. Cette affaire est au centre de tensions. La crise entre Athènes et Ankara s’est intensifiée avec le déploiement en août dernier par la Turquie du navire de recherche sismique Oruç Reis dans des zones maritimes disputées. Hôte de millions de réfugiés syriens et candidat (de plus en plus théorique) à l’adhésion à l’UE, la Turquie, ce grand voisin de l’Europe, exploitait la carte des refugiés pour en faire pression, mais cela n’a pas été bien joué. C’est alors que fin novembre, Ankara a surpris le monde avec un apparent geste d’apaisement, en annonçant le retour au port de l’Oruç Reis.
Comme première réaction de la France, première ennemie européenne d’Ankara, le président français, Emmanuel Macron, s’est félicité que l’Union européenne ait « démontré sa capacité à faire preuve de fermeté » face à la Turquie en adoptant ces sanctions. « Nous avions donné au mois d’octobre dernier une chance à la Turquie. Nous avions tendu la main, posé des conditions. Nous avons unanimement constaté que la Turquie avait poursuivi ses actions provocatrices », a expliqué le président français depuis Bruxelles.
En outre, les essais turcs d’exploration de gaz ne sont pas les seuls actes à susciter la colère des Européens. Le comportement de plus en plus irritant du voisin, aux « provocations » en Méditerranée et son activisme militaire sur un nombre croissant de fronts, dont l’intervention au conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Une alternative était présentée à Ankara: soit engager un « agenda positif », soit en subir les conséquences. Mais il paraît qu’Ankara poursuivra ses provocations en ignorant les sanctions européennes. Mercredi 9 décembre, la veille du sommet européen, Erdogan avait déjà affirmé que d’éventuelles sanctions de l’UE n’étaient pas « un grand souci » pour son pays. La nonchalance et la provocation d’Ankara se sont traduites par la visite du président turc à Bakou pour célébrer la victoire de l’Azerbaïdjan au Nagorny Karabakh. S’adressant devant les soldats azerbaïdjanais rassemblés à Bakou, Recep Tayyip Erdogan a assuré que « le fait que l’Azerbaïdjan a sauvé ses terres de l’occupation ne signifie pas que la lutte est terminée ». La Turquie a aidé l’Azerbaïdjan à entraîner et équiper son armée et à faciliter ses exportations d’hydrocarbures vers l’Europe, en contournant la Russie.
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