La crainte d’un remake de la crise postélectorale de 2010 a, semble-t-il, poussé les protagonistes en Côte d’Ivoire à s’assoir autour d’une même table pour tenter de calmer le jeu. Les figures de l’opposition, qui ont boycotté l'élection présidentielle tenue fin octobre, en dénonçant un coup d’Etat constitutionnel, se sont finalement réunis, vendredi 13 novembre, pour déterminer la marche à suivre pour la suite des événements. Cette réunion est tenue à deux jours d’une première rencontre entre leur chef de file, l’ex-président Henri Konan Bédié, et le président Alassane Ouattara, réélu le 31 octobre à la tête de la Côte d’Ivoire pour un troisième mandat controversé. Un dialogue qu’ils ont toujours appelé de leurs voeux, tiennent-ils à préciser. Par cette première rencontre, les deux rivaux ont donc décidé d’enterrer la hache de la guerre afin de trouver une solution à la crise politique actuelle, qui a provoqué la mort de 85 personnes. « C’était une première rencontre pour briser la glace et rétablir la confiance », a déclaré Ouattara. « Nous avons pu briser le mur de glace et le mur de silence », a renchéri Bédié. Les deux hommes ont promis d’autres rencontres à venir.
En fait, cette rencontre a permis d’accorder les violons de l’opposition, qui a déjà posé des conditions avant tout dialogue, sur les négociations à venir avec le pouvoir. En revanche, si le chef de l’Etat affirmait que la confiance était rétablie après ses échanges avec le chef du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), certains de ses adversaires partagent le sentiment inverse. « Avant d’entamer des discussions, il est indispensable de ramener la sérénité et la confiance entre tous les acteurs par des actes d’apaisement incluant la fin des poursuites judiciaires contre tous les leaders de l’opposition », ont indiqué le PDCI et le Front Populaire Ivoirien (FPI) dans une déclaration commune. C’est la preuve que bien que la rencontre entre les présidents Ouattara et Bédié ait « brisé la glace » faisant retomber la tension, elle n’a pas entamé la détermination de l’opposition. Le PDCI, dirigé par M. Bédié, et le FPI, fondé par l’ex-président Laurent Gbagbo, demandent « la fin de toutes les poursuites judiciaires contre les responsables et militants de l’opposition et de la société civile », « la levée du blocus autour des résidences de tous les leaders des partis politiques de l’opposition », « la libération de tous les prisonniers politiques » ainsi que « le retour des exilés », selon cette déclaration citée par l’AFP. Parmi les exilés sont cités Laurent Gbagbo, ex-chef de la rébellion, Guillaume Soro, ex-premier ministre, et Charles Blé Goudé, ex-chef des Jeunes patriotes (mouvement pro-Gbagbo). Les deux partis demandent aussi que les pourparlers avec le pouvoir du président Alassane Ouattara « soient menés sous l’égide d’un facilitateur ». Ils ont réclamé aussi la tenue d’une enquête internationale sur les violences électorales ayant causé 85 morts, ainsi que la levée des blocus de leurs résidences.
En effet, la communauté internationale, à sa tête la France, a demandé aux acteurs politiques de mettre fin à ces provocations. Au début, Paris est resté très silencieux depuis l’annonce d’Ouattara, 78 ans, de se présenter à un troisième mandat, revenant sur son engagement initial à ne pas le faire, salué à l’époque par le président Emmanuel Macron. La France, qui a « pris note » des résultats de l’élection, a toutefois appelé cette semaine les protagonistes de la crise à mettre fin « aux actes d’intimidation » et a demandé à Ouattara de prendre des initiatives pour calmer le jeu avec la reprise du dialogue. Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves le Drian, a demandé au président ivoirien de « prendre des initiatives » pour favoriser le retour à la paix civile et à l’union nationale. De son côté, l’Union Africaine (UA) et la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), tout en félicitant le chef de l’Etat ivoirien pour sa réélection, ont souligné que le dialogue doit se faire dans le « respect des institutions », de l’UA et des « voies du droit » .
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