Des soldats russes sont déployés pour garantir l'application de l'accord.
(AFP)
C’est par la voie militaire qu’a finalement été tranché le nouveau ancien conflit au Haut-Karabakh. Cette région a témoigné, après six semaines de graves combats, la victoire militaire de l’Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie, sur l’Arménie. C’est alors que sous l’égide de la Russie et de la présence de la Turquie qu’un accord de cessez-le-feu a été signé le 9 novembre par les présidents azerbaïdjanais, Ilham Aliyev, et russe, Vladimir Poutine, et par le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, donnant au vainqueur azerbaïdjanais de grands gains. Ce qui est évident, c’est que la Russie est le garant du nouvel ordre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. L’accord a apporté à l’Azerbaïdjan d’énormes gains territoriaux: non seulement l’Azerbaïdjan conservera ses gains territoriaux actuels, mais aussi les forces arméniennes se retireront des districts d’Aghdam, de Kelbajar et de Lachin. Les villes et villages arméniens au sud du Karabakh, y compris Hadrout, resteront sous le contrôle de la partie azerbaïdjanaise. Un corridor de 5km à travers Lachin (la voie d’accès la plus courte entre l’Arménie et le Haut-Karabakh) sera placé sous le contrôle des forces russes de maintien de la paix afin d’assurer les communications entre le Karabakh et l’Arménie. Les personnes déplacées retourneront dans leurs foyers d’origine — bien qu’il ne soit pas certain que les réfugiés et les personnes déplacées d’origine arménienne puissent également retourner dans leurs foyers d’origine.
Selon l’accord, tous les blocus seront levés et des communications seront établies entre l’Azerbaïdjan et le Nakhitchevan, via l’Arménie du Sud, sous la supervision des gardes-frontières russes. Si cela se produit, les relations entre les populations voisines, séparées par trois décennies de conflit et de blocus, se normaliseraient lentement. Pour garantir l’exécution de cet accord, des soldats russes de la paix seront déployés dans la zone de conflit, leur nombre étant fixé à 1960 soldats avec 90 véhicules blindés de combat et 380 véhicules militaires supplémentaires. En fin de compte, la Russie a reçu ce qu’elle avait réclamé il y a des années: le déploiement de ses soldats dans la zone de conflit du Karabakh.
Quel rôle turc ?
Par ailleurs, bien que le rôle de la Turquie soit clair comme un acteur-clé dans le conflit du Karabakh, en soutenant son petit allié caucasien en stratégies militaires, en matériel et en supplétifs djihadistes acheminés par voie aérienne de la région d’Idlib (Syrie), Ankara est absent dans le texte de l’accord, mais doit néanmoins participer à un centre conjoint d’observation. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a donné des précisions. Pour les représentants turcs, « le centre de surveillance fonctionnera exclusivement en mode distant », a-t-il expliqué. « Ils utiliseront des moyens techniques de contrôle, notamment des drones et d’autres technologies qui permettent d’évaluer la situation sur le terrain et de déterminer quel camp peut violer les conditions du cessez-le-feu », a-t-il ajouté. Dans ce cadre, une délégation russe s’est rendue, vendredi 13 novembre, à Ankara pour discuter des modalités de fonctionnement du centre conjoint de contrôle du cessez-le-feu. « La Turquie aura le même rôle que la Russie » dans ce centre qui se chargera d’une surveillance « terrestre et aérienne », a déclaré le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu. Mais au final, c’est Moscou, bien plus qu’Ankara, qui semble dicter les règles et qui entérine sa position d’arbitre au Haut-Karabakh et, plus largement, dans la région du Caucase.
Selon les observateurs, Moscou a réussi à atteindre plusieurs objectifs: affaiblir Pachinian, déployer ses forces plus loin dans le Caucase, gagner plus d’influence sur l’Arménie et sur l’Azerbaïdjan, et même s’affirmer en tant que pacificateur. Par contre, on ne sait pas très bien ce que la Turquie a gagné, du moins d’après le texte de l’accord. La relation entre les dirigeants russes et turcs en Syrie et en Libye a été, semble-t-il, reproduite au Karabakh. L’avenir de cette enclave disputée depuis des décennies reste toutefois incertain: l’accord conclu ne dit rien non plus sur le statut final du Haut-Karabakh.
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