« Nous ne renoncerons pas aux caricatures », Marcon a attisé la colère des musulmans. (Photo : AP)
Le Torchon brûle entre la France et le monde musulman après les propos du président français, Emmanuel Macron, qui a défendu la publication de caricatures du prophète Mohamad après l’assassinat, la semaine dernière, d’un professeur qui en avait montré certaines à ses élèves. « Nous ne renoncerons pas aux caricatures, aux dessins, même si d’autres reculent », avait déclaré le président français lors de l’hommage national au professeur, mercredi 21 octobre. Aussitôt après, les réactions ont fusé de toutes parts. Le Conseil des sages musulmans, basé à Abu-Dhabi, a annoncé, lundi 26 octobre, qu'il s'apprête à poursuivre en justice le journal satirique français Charlie Hebdo. Le Conseil des sages musulmans a décidé de former un comité d'experts juridiques internationaux pour déposer une plainte contre Charlie Hebdo. Le grand imam d’Al-Azhar, cheikh Ahmad Al-Tayeb, a publié dimanche 25 octobre une déclaration, sur son compte officiel Facebook, condamnant les tentatives d’impliquer l’islam dans des batailles politiques ou d’y porter atteinte. « Nous assistons à une campagne systématique qui a commencé par une attaque malveillante contre le prophète de la miséricorde, que la prière et les bénédictions d’Allah lui soient accordées. Nous n’accepterons pas que nos symboles et nos valeurs sacrées soient victimes de la politique et des conflits électoraux », s’est indigné le grand imam, rejetant toute justification aux insultes adressées au prophète de l’islam.
Al-Tayeb a de même rappelé que la responsabilité des dirigeants est de maintenir la paix civile, de préserver la sécurité sociétale, de respecter la religion et de protéger les peuples contre la sédition, « et non pas d’attiser les conflits au nom de la liberté d’expression ». « Le président Macron aurait pu jouer l’apaisement et refuser l’espace aux extrémistes plutôt que de créer une polarisation et une marginalisation supplémentaires qui conduisent inévitablement à la radicalisation », a de son côté tweeté le premier ministre pakistanais, Imran Khan, regrettant que le président français « ait choisi d’encourager l’islamophobie » ; alors que Rabat a « dénoncé ces provocations offensant le caractère sacré de la religion musulmane », tout en condamnant les actes de sauvagerie commis au nom de l’islam.
Mais la plus virulente réaction est venue d’Ankara : le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s’en est violemment pris à Emmanuel Macron, qu’il soupçonne d’avoir un « problème » envers l’islam, et à qui il recommande « de subir des examens de santé mentale ». Une manière d’instrumentaliser l’affaire, alors que les relations entre Paris et Ankara sont au plus bas depuis des mois. En réponse, Paris a rappelé son ambassadeur à Ankara pour consultation, un acte assez inédit dans les relations diplomatiques francoturques.
La France a également appelé, dimanche 25 octobre, les gouvernements des pays concernés à faire « cesser » les appels au boycottage de produits français et à manifester, provenant d’une « minorité radicale ». Quant au président français, il a tweeté en français, en anglais et en arabe : « Nous sommes tous unis … La liberté, nous la chérissons ; l’égalité, nous la garantissons ; la fraternité, nous la vivons avec intensité. Rien ne nous fera reculer, jamais. Nous continuerons. Nous respectons toutes les différences dans un esprit de paix. Nous n’acceptons jamais les discours de haine et défendons le débat raisonnable ». Une façon d’apaiser les tensions.
Or, ce n’est pas la première fois que ce genre de crise surgit. La question de l’islam en France, celle du port du voile, ou encore celles du « droit au blasphème » et de la « liberté d’expression inconditionnelle », ciment des « valeurs républicaines » de la France, ont toujours fait débat. Et surtout, elles ont toujours été politiquement instrumentalisées.
Macron joue son avenir politique face à une extrême-droite qui monte en force et qui a toujours fait de ces sujets son cheval de bataille. Erdogan en profite pour régler de vieux comptes et paraître comme le défenseur de l’islam. Les musulmans de part et d’autre s’émeuvent. Une crise de plus qui aurait tout simplement pu être évitée.
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