Instabilité, menace terroriste, pauvreté extrême, corruption et contestation populaire. Un cocktail explosif dont l’épilogue était le coup d’Etat du 18 août. Indignation internationale et régionale, jubilation par des manifestants antigouvernementaux, qui sont mobilisés depuis le mois de juin pour demander le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta, telles étaient les premières réactions envers la junte. Pour désamorcer la crise née de ce coup d’Etat, une délégation ouest-africaine s’est rendue à Bamako du samedi 22 au lundi 24 août. Mais elle a quitté la capitale malienne sans accord sur un retour des civils au pouvoir. Dimanche 23 août dans la soirée, la junte a annoncé une transition de trois ans dirigée par un militaire et a accepté de libérer Ibrahim Boubacar Keïta, qu’elle détient depuis mardi 18 août. « La junte a affirmé qu’elle souhaitait faire une transition de trois ans pour revoir les fondements de l’Etat malien. Cette transition sera dirigée par un organe présidé par un militaire, qui sera en même temps chef de l’Etat », a fait savoir à l’AFP une source au sein de la délégation de la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), à l’issue du deuxième jour de négociations avec la nouvelle équipe au pouvoir à Bamako. Quant au premier ministre, Boubou Cissé, arrêté en même temps que le président Keïta et détenu dans le camp militaire de Kati, dans la banlieue de la capitale, « nous avons obtenu de la junte qu’elle accepte qu’il soit dans une résidence sécurisée à Bamako », a ajouté ce responsable ouest-africain. Toutes ces informations sont confirmées par la source de la junte. Les militaires ont aussi promis des élections générales dans « un délai raisonnable », en assurant vouloir mettre en place une transition politique civile.
Pourtant, auparavant, le président de la Cédéao, Jean-Claude Kassi Brou, avait affirmé que « les discussions se sont déroulées dans un climat très ouvert et on a senti une volonté de vraiment aller de l’avant ». En fait, la délégation mandatée avait comme mission principale d’assurer le retour immédiat de l’ordre constitutionnel. « La Cédéao a essentiellement pour rôle d’accompagner le Mali. La solution que nous devons trouver, et je crois que tout le monde est d’accord, c’est une solution qui satisfasse les Maliens d’abord et qui soit aussi bénéfique pour tous les pays de la sous-région », a-t-il affirmé. Mais les trois journées de négociations entre le nouveau pouvoir et la Cédéao n’ont pas débouché sur un accord complet. « Nous avons pu nous entendre sur certains points, mais pas sur l’ensemble des points de discussion », a déclaré, à sa sortie de plusieurs heures de réunion, le chef de la délégation ouest-africaine, l’ex-président nigérian Goodluck Jonathan, mandaté par la Cédéao pour tâcher de rétablir « l’ordre constitutionnel » au Mali.
Or, il semble qu’il n’est même plus question de cela. Même si cela n’a pas été dit et ne sera pas dit officiellement, le coup d’Etat semble être entériné. Le président déchu le sait et le dit. Samedi, lors d’un bref entretien avec la délégation de la Cédéao, l’ex-chef d’Etat a assuré ne pas vouloir reprendre le pouvoir.
Menace terroriste
Toute la question est de savoir désormais comment se déroulera cette transition. Si la communauté internationale se voit obligée de « s’incliner » devant les putschistes, elle doit cependant avoir des garanties, non seulement sur l’après-transition militaire, mais aussi sur une autre question non moins importante pour l’ensemble de la région : la menace terroriste. Une menace qui pèse sur le Mali mais aussi sur toute la région. Au Mali, le coup d’Etat de 2012 a permis à des insurgés islamistes de prendre le contrôle d’une grande partie du territoire et mené au déploiement d’une mission de maintien de la paix de l’Onu. Et dans le Sahel, la menace est bel et bien présente.
Le Conseil de sécurité de l’Onu se réunit ce mercredi en urgence au sujet de la crise au Mali, à la demande du Niger et de la France, un pays engagé dans la lutte anti-terroriste dans la région. L’opération Serval avait été déclenchée par François Hollande pour stopper l’avancée des djihadistes vers Bamako. Depuis, l’opération Barkhane essaie de contenir leur progression au Sahel. Ce coup d’Etat rajoute de l’incertitude à une situation déjà très complexe.
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