Le téléphonea sonné. Depuis dimanche 16 août, la liaison téléphonique entre les Emirats Arabes Unis (EAU) et Israël a commencé à fonctionner, alors que, jusque-là, les communications ne pouvaient pas aboutir entre les deux pays. C’est le premier signe concret de l’établissement de relations diplomatiques complètes dans le cadre d’un accord négocié avec les Etats-Unis, annoncé jeudi 13 août. Baptisé « l’accord d’Abraham », il doit être paraphé en septembre à la Maison Blanche. Les EAU deviennent ainsi le troisième pays arabe – après l’Egypte en 1979 et la Jordanie en 1994 – à normaliser ses relations avec Israël depuis sa création en 1948. Les détails de l’accord seront définis par les diplomates des deux pays dans les prochaines semaines. Des liaisons aériennes devraient s’établir dès cet automne, des visas touristiques seront délivrés et les discussions porteront aussi sur l’investissement et d’autres sujets.
L’accord a entraîné des réactions diverses. Aux Etats-Unis, le président américain, Donald Trump, a parlé d’une « percée spectaculaire », alors que le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a affirmé que c’est « une nouvelle ère dans les relations entre le monde arabe et Israël ». Quant au ministre émirati des Affaires étrangères, Anwar Gargash, il a affirmé que l’accord était « une étape audacieuse pour parvenir à une solution à deux Etats donnant du temps aux négociations ».
C’est, en effet, autour des retombées de cet accord sur le processus de paix israélo-palestinien que toutes les questions tournent à l’heure actuelle. « Cette avancée diplomatique historique va faire progresser la paix dans la région du Moyen-Orient et témoigne de la diplomatie audacieuse et de la vision des trois dirigeants, ainsi que du courage des Emirats arabes unis et d’Israël pour tracer un nouveau chemin qui permettra de révéler l’énorme potentiel de la région », dit le communiqué commun des trois pays. Il précise aussi qu’Israël va « suspendre » la déclaration de souveraineté sur les zones de Cisjordanie évoquée dans le plan de paix présenté en janvier dernier par Donald Trump.
Or, Tel-Aviv a vite précisé qu’il s’agissait d’une « suspension » et non d’un « report ». « Nous n’y avons pas renoncé », a lancé Netanyahu. De quoi susciter des interrogations. La paix entre Israël et les EAU va-t-elle servir le processus de paix ? Et si oui, comment ? S’agit-il d’un salut pour les Palestiniens ? Ces derniers en doutent. Sans surprise, l’Autorité palestinienne condamne cet accord qu’elle considère comme « une trahison de Jérusalem et de la cause palestinienne », et a appelé à une réunion d’urgence de la Ligue arabe. Plus virulent, le Hamas y a vu « un chèque en blanc » pour la poursuite de l’occupation israélienne. Furieux, les Palestiniens ont rappelé leur ambassadeur à Abu-Dhabi.
Tension Abu-Dhabi-Téhéran
Virulente aussi la réaction de Téhéran. L’attitude de l’Iran vis-à-vis des Emirats va changer, a déclaré dimanche 16 août le major-général Mohammed Hussein Baqeri, commandant en chef des forces armées iraniennes. Alors que le président iranien, Hassan Rohani, a parlé « d’erreur énorme » de la part des EAU. Réponse immédiate d’Abu-Dhabi, qui a convoqué dimanche le chargé d’affaires iranien pour protester contre les « menaces inacceptables et incitatives » proférées par le président iranien, Hassan Rohani. Le ministère émirati des Affaires étrangères et de la Coopération internationale a précisé qu’il considérait ces déclarations comme « une ingérence dans les affaires intérieures et une atteinte à sa souveraineté », ajoutant que « les relations entre les pays, les accords et les traités sont une question souveraine ». Une tension prévisible alors que l’Iran, ennemi juré d’Israël, entretient des relations difficiles avec les monarchies du Golfe et voit en cet accord un front contre lui.
Mais au-delà des tensions avec la République islamique, le plus important est, selon les analystes, de pouvoir tirer le maximum de bénéfices de cet accord au profit de la question palestinienne. Comme l’a déclaré Ayman Safadi, chef de la diplomatie jordanienne, l’avenir de cet accord dépendra des prochaines actions d’Israël, qui doit mettre un terme à « son entreprise illégale » d’occupation de territoires, qui mine les efforts de paix, ainsi qu’à « ses violations des droits des Palestiniens ». Israël est donc désormais appelé à relancer les pourparlers, faire preuve de bonne volonté. Comme l’estime le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, qui a dit espérer que l’accord israélo-émirati créerait « une occasion pour les dirigeants israéliens et palestiniens de reprendre des négociations substantielles, débouchant sur une solution à deux Etats conformément aux résolutions onusiennes en la matière ». L’espoir est donc aujourd’hui que ce genre de normalisation pousse Israël à faire des concessions, pour que les Palestiniens puissent espérer gagner au change.
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