Des manifestations ont lieu depuis plusieurs semaines contre la politique de Netanyahu. (Photo : AFP)
Le mouvement anti-Netanyahu prend de plus en plus d’ampleur en Israël. Dénonçant la corruption et la mauvaise gestion des différentes crises que traverse le pays, des milliers d’Israéliens ont à nouveau manifesté, samedi 8 août, contre le premier ministre, Benyamin Netanyahu. Des rassemblements qui ont eu lieu aux quatre coins du pays, qui demandent sa démission et qui se tiennent régulièrement depuis deux mois. Les manifestants sont, en effet, en colère contre la politique économique du gouvernement, alors qu’Israël connaît actuellement une crise économique sans précédent, ajoutée à la mauvaise gestion de la pandémie de Covid-19. Israël s’est d’abord vanté de sa gestion de la pandémie, avec un nombre relativement bas de cas de malades. Mais au fur et à mesure du déconfinement, décidé fin avril pour remettre l’économie sur les rails, les cas d’infection se sont multipliés, forçant le gouvernement à imposer de nouvelles restrictions. Or, l’économie n’a pas redémarré comme espéré. « L’échec du gouvernement de Netanyahu à traiter les conséquences de la pandémie ainsi que son incapacité de résoudre la crise économique et ses effets sur la société comme le chômage et la récession sont les principaux motifs de ce mouvement populaire de contestation », explique Dr Tareq Fahmi, professeur de sciences politiques à l’Université américaine du Caire. En effet, le taux de chômage a dépassé les 20 % ces derniers mois contre 3,4 % en février. Autre motif, les protestataires crient leur ras-le-bol contre Netanyahu, inculpé en novembre 2019 pour corruption, fraude et abus de confiance dans trois affaires, une première pour un chef de gouvernement israélien en cours de mandat.
Face à la colère qui monte, Netanyahu, au pouvoir sans discontinuer depuis 2009, a accusé, samedi 8 août, certaines chaînes de télévision israéliennes de « faire de la propagande aux manifestants gauchistes anarchistes », en couvrant largement leurs rassemblements. « Ils essayent désespérément d’intoxiquer le public, afin de faire tomber un premier ministre de droite fort », a affirmé le Likoud, le parti de M. Netanyahu, dans un tweet, retweeté par Netanyahu.
Crise au sein de la coalition
A la fronde populaire s’ajoute une tension au sein de la coalition au pouvoir entre le Likoud, parti du premier ministre, et la formation Bleu et Blanc menée par Benny Gantz. Des échanges d’accusations au sein de la coalition ont fusé, samedi 8 août, suite à la décision inhabituelle d’annuler la réunion hebdomadaire du conseil ministériel prévue dimanche 9 août, faute d’accord sur l’ordre du jour. Alors que le Likoud et le Bleu et Blanc ont convenu d’adopter un budget biennal dans le cadre de leur accord de coalition, le chef du gouvernement fait pression pour un budget valable pour les cinq prochains mois, citant l’incertitude économique liée à la pandémie de coronavirus. Le Likoud a accusé Bleu et Blanc dans un communiqué d’avoir refusé d’approuver un point de l’ordre du jour concernant une proposition de projet d’aide économique de 8,5 milliards de shekels. « La réunion du cabinet n’aura pas lieu en raison du refus de Bleu et Blanc d’approuver un plan d’assistance économique du gouvernement, préconisé par le premier ministre et le ministre des Finances », a déclaré le parti, en signalant que le plan d’assistance économique pourrait créer environ 10 000 nouveaux emplois, et que le Likoud appelait Bleu et Blanc à ne pas empêcher le transfert de fonds aux citoyens, en pleine crise économique liée au coronavirus. La liste centriste a, de son côté, accusé le parti de Benyamin Netanyahu de ne pas adhérer à l’accord de coalition. « Ce n’est pas la première fois que le Likoud ne respecte pas ses engagements, et toute autre excuse est un mensonge éhonté au public israélien », a déclaré Bleu et Blanc dans un communiqué.
« Les discussions autour du budget constituent un important point de désaccord qui a mis en évidence la crise qui s’accroît au sein de la coalition, à tel point qu’elle risque de voler en éclat », explique Dr Fahmi. Donc, si aucun budget n’est adopté avant le 25 août, de nouvelles élections seront automatiquement déclenchées. « Avec l’ampleur que prend cette crise, la tenue des élections anticipées est le scénario le plus probable », estime-t-il.
Face à cet ensemble de crises qu’affronte Netanyahu, ce dernier n’a d’autres solutions que de provoquer des conflits régionaux avec ses ennemis. C’est pourquoi, selon les spécialistes, les dernières semaines ont été marquées par une nouvelle montée des tensions avec le Hezbollah à la frontière avec le Liban, mais aussi dans le Golan syrien. Focaliser sur l’ennemi extérieur, à savoir l’Iran et ses alliés, une façon habituelle pour Tel-Aviv de détourner l’attention des crises internes. Pour autant, selon l’analyste, la situation n’est pas près de se calmer. « Soutenues par certains généraux et par la gauche, les manifestations vont se poursuivre. Tout comme les tensions avec l’Iran et ses alliés », conclut Dr Fahmi.
Lien court: