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Etats-Unis: Trump joue son va-tout

Abir Taleb avec agences, Dimanche, 14 juin 2020

Survenue à quelques mois de l’élection présidentielle, la vague de manifestations qui a secoué plusieurs villes américaines– et qui intervient également en pleine crise du coronavirus– jette son ombre sur l’avenir politique du prési­dent américain, Donald Trump. Pourtant, rien n’est encore joué.

Manifestations, saccages, émeutes, couvre-feu imposé (puis levé) dans plusieurs villes et déploiement de la garde nationale dans 29 Etats: les Etats-Unis viennent de vivre près de deux semaines exceptionnelles, pour le moins que l’on puisse dire. Tout a commencé par la mort, le 25 mai à Minneapolis, de George Floyd, un citoyen afro-américain dont le nom et la dernière phrase prononcée, « I can’t breathe » (je ne peux pas respirer), ont fait le tour du monde en quelques jours. Ce dernier est en effet mort asphyxié par un policier blanc, qui, près de neuf minutes durant, a maintenu son genou sur le cou de Floyd, lors de l’interpellation de ce dernier, sous le regard froid des autres policiers. La vidéo se répand à la vitesse d’Internet et entraîne un flot de colère et de condamnations. Pour la communauté afro-américaine, c’est la bavure de trop, alors que les dernières semaines ont déjà été marquées par les morts troublantes de deux autres noirs. Dans les jours qui suivent, la contestation, tantôt pacifique, tantôt violente, gagne l’ensemble des Etats-Unis, dénonçant les bavures policières qui frappent les noirs, et plus généralement le racisme. L’Amérique s’embrase dans un climat de tension inédit depuis les années 1960.

Certes, depuis, la tension a quelque peu bais­sé, il n’en demeure pas moins que ces deux semaines risquent de jeter leur ombre sur les prochaines élections américaines. En effet, la gestion de la crise par le président américain, Donald Trump, a été largement critiquée. Si ce dernier s’est d’abord montré compatissant avec les proches de George Floyd, son ton a très vite changé lorsque des manifestations sont deve­nues violentes à Minneapolis, et les déclarations présidentielles, souvent interprétées comme une incitation aux forces de l’ordre à faire usage de leurs armes, ont été critiquées jusque dans son propre camp, comme celles où il décrit les manifestants comme « des hordes de délin­quants et d’extrémistes qui cherchent à semer le chaos ».

La carte de l’économie

A cinq mois de la présidentielle, ce discours ne passe pas inaperçu. Donald Trump perd déjà son avance dans les sondages dans des Etats qu’il considérait comme acquis et sur lesquels il compte pour assurer un second mandat. Dans ce contexte de tension, le président américain tente de tirer son épingle du jeu d’une manière ou d’une autre. En pleine crise causée par la mort de Floyd, Trump s’est félicité vendredi 5 juin de la baisse du chômage qui est passé de 14,7% en avril à 13,3% en mai. « C’est un chiffre prodigieux. C’est joyeux, disons-le comme cela. Le marché avait raison. C’est étourdissant », a-t-il tweeté, non sans fierté d’autant plus que les économistes s’attendaient à 8 millions de suppressions de postes. Donald Trump, qui a toujours tablé sur ses prouesses économiques, a évoqué le plus grand comeback de l’histoire américaine et affirmé que l’écono­mie serait encore plus forte qu’elle ne l’était avant la crise. Or, les Afro-Américains, catégo­rie la plus concernée par la crise actuelle, ne profitent vraiment pas de cette reprise: leur taux de chômage, déjà au-dessus de la moyenne nationale, passe de 16,8% à 16,9%.

Des affirmations qui lui ont valu les critiques de Joe Biden. Ce dernier, qui n’a pas manqué, dès le début, d’exploiter l’affaire Floyd et les manifestions qui s’en sont suivies, a critiqué le ton triomphal employé par le président améri­cain pour célébrer le rebond de l’emploi, esti­mant que le redressement de l’économie du pays serait long et difficile. Pour Joe Biden, il reste encore beaucoup de travail. Beaucoup d’Américains continuent de souffrir, a déclaré, vendredi 5 juin, l’ancien vice-président améri­cain lors d’une allocution à la Delaware State University de Dover, une université historique­ment noire (HBCU). « Ce président, qui ne prend aucune responsabilité quand des millions et des millions de gens perdent leur emploi, ne mérite aucun crédit quand une petite propor­tion d’entre eux en retrouve », a fustigé Joe Biden.

Or, ces mêmes difficultés économiques, Biden lui aussi devra y répondre pendant la campagne électorale qui s’annonce. Ce dernier, qui appelle à mettre en place des programmes fédéraux ambitieux pour sortir le pays de la récession, a promis de dévoiler rapidement son propre plan de redressement du pays, alors que Trump compte sur le redressement annoncé de l’économie qu’il ne manquera pas de s’attri­buer, après la crise sanitaire due au coronavirus. Et, même si l’ancien vice-président de Barack Obama fait jeu égal dans les sondages face à Trump, les enquêtes d’opinion montrent que les Américains ont une plus grande confiance dans l’actuel président pour gérer l’économie.

Ce dernier a lié de façon surprenante les manifestations à ses espoirs de reprise de l’éco­nomie. « J’espère que George (Floyd) nous regardera de là-haut en pensant que ce qui arrive au pays est grandiose. C’est un grand jour pour lui, c’est un grand jour pour tout le monde », a-t-il dit. Or, rien n’est encore joué. Une grande manifestation se profile déjà pour la fin août à Washington : lors d’une cérémonie à la mémoire de George Floyd jeudi 4 juin à Minneapolis, le révérend Al Sharpton a appelé à défiler dans la capitale le jour d'anniversaire de la marche sur Washington emmenée par Martin Luther King le 28 août 1963.

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