La plus grande puissance mondiale devient le plus grand foyer du coronavirus. Un symbole brisé. Face au développement rapide et inattendu de la pandémie, l’Administration américaine tente de tirer son épingle du jeu, alors que de nombreuses interrogations pèsent sur la gestion de la crise, le retard pris dans les mesures destinées à contrer la propagation du Covid-19, et surtout la priorité affichée par le président américain, Donald Trump, de ne pas fermer le pays pour sauver l’économie. La crise du coronavirus n’a donc pas manqué de provoquer des tensions politiques internes aux Etats-Unis. En premier lieu entre l’Administration Trump et les gouverneurs, qui s’affrontent sur la possibilité de la levée des restrictions mises en place à cause de la pandémie de coronavirus, dans un climat tendu renforcé par le soutien du président à des manifestations réclamant la reprise d’une activité normale. En effet, les deux parties se renvoient notamment la balle sur les capacités de tests au Covid-19, le gouvernement assurant que les Etats en ont désormais assez à leur disposition, ce que démentent de nombreux gouverneurs. « Il y a une capacité suffisante de tests dans le pays aujourd’hui pour que n’importe quel Etat puisse entrer dans la phase 1 » de réouverture de l’économie, a déclaré, dimanche 19 avril sur Fox News, le vice-président Mike Pence, en référence aux étapes recommandées aux Etats par la Maison Blanche pour décider la levée progressive du confinement sur leur territoire. Cette première étape prévoit la réouverture partielle de certains commerces, à condition notamment que les autorités soient en mesure de dépister à grande échelle les nouveaux cas de coronavirus afin d’éviter une deuxième vague de contamination. Réponse du gouverneur démocrate de Virginie, Ralph Northam: ces déclarations sont qualifiées de « délirantes » et « d’irresponsables ». « Il nous a été demandé, en tant que gouverneurs, de mener cette guerre sans le matériel dont nous avons besoin », a-t-il déclaré sur CNN. Et d’autres gouverneurs ont réagi de la même manière, notamment celle du Michigan, le troisième en nombre de morts, Gretchen Whitmer, où la plus importante manifestation anti-confinement du pays à ce jour s’est déroulée la semaine dernière. Les protestations se sont aussi fait entendre dans le propre camp du président, parmi des gouverneurs républicains.
Ces protestations interviennent alors que Donald Trump avait appelé, vendredi 17 avril, à « libérer » du confinement trois Etats gérés par des gouverneurs démocrates, Michigan, Minnesota et Virginie. « Libérez le Minnesota ! », « Libérez le Michigan ! », « Libérez la Virginie », a tweeté le président américain en appelant à braver les règles de confinement. Le lendemain, de nouvelles manifestations réclamant la fin du confinement ont eu lieu du New Hampshire à la Californie, en passant par le Texas, le Maryland ou l’Ohio.
Quel impact sur la présidentielle ?
Mais Donald Trump ne s’est pas arrêté là. Il a aussi annoncé dimanche 19 avril un retour prochain des activités économiques à 29 autres Etats. Car le président américain craint, avant tout, les retombées du ralentissement de l’activité économique, d’autant plus que ses prouesses économiques restent son cheval de bataille dans sa campagne électorale en vue de la présidentielle de novembre prochain. En effet, les chiffres du chômage restent historiquement élevés aux Etats-Unis pour la 4e semaine consécutive, quelque 5,2 millions d’Américains se sont enregistrés comme nouveaux demandeurs d’allocation-chômage la semaine dernière, selon les chiffres publiés jeudi 16 avril par le département du Travail. Au total, en un mois, plus de 20 millions de personnes ont demandé une allocation-chômage pour la première fois, alors que les mesures de confinement sont devenues massives aux Etats-Unis à partir de la mi-mars.
Des évolutions qui ne manqueront pas d’avoir un impact sur les prochaines élections. « Certes, Donald Trump est plus que jamais affaibli par la gestion de la crise du coronavirus, il n’en demeure pas moins qu’il va s’efforcer à regagner sa popularité par le biais de mesures économiques qui seront prises pour sauver la situation », explique Tarek Fahmy, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire. Cela dit, ajoute l’analyste, « le président se doit de réagir rapidement ».
Côté démocrate, la campagne des primaires a été suspendue et les candidats — notamment Joe Biden, désormais ultra-favori à l’investiture démocrate avec le retrait de Bernie Sanders— ont dû avoir recours aux médias et aux réseaux sociaux. Reste à savoir si l’élection se déroulera à la date prévue. Selon Tarek Fahmy, avec la continuité de la crise et l’incapacité de tenir la campagne électorale, un report est envisageable.
En attendant, Donald Trump met les bouchées doubles pour sauver sa peau, en tentant, sur le plan interne, de sauver l’économie et, sur le plan externe, de rejeter l’entière responsabilité de la propagation mondiale de la pandémie sur la Chine.
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