Al-Ahram Hebdo : Le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, a appelé à un cessez-le-feu dans tous les conflits à cause du coronavirus. La pandémie peut-elle vraiment freiner les conflits ?
Dr Tareq Fahmy: Tout d’abord, il faut noter que l’Onu est de moins en moins efficace, si l’on revient à son rôle essentiel, à savoir l’instauration de la paix à travers le monde et la protection des civils. Et alors que l’organisation internationale est plus faible que jamais, et que de nombreux appels sont lancés pour sa refonte totale, il est difficilement imaginable qu’un tel appel soit entendu. Il est vrai que la majorité des conflits se sont calmés à cause de la pandémie, et que certaines parties ont dit accepter un cessez-le-feu, mais cela ne signifie pas que ces conflits ont pris fin. Personne ne surveille ces arrêts des hostilités. Sur le terrain, il n’y a pas d’indices pour nous décrire la situation. Ce que l’on risque de voir, par contre, c’est que chaque camp profite de la crise provoquée par le coronavirus pour renforcer son influence et maximiser ses gains. Les groupes djihadistes aussi vont profiter.
Photo : AFP
– Pensez-vous donc qu’avec toute l’attention mondiale portée sur cette pandémie, on risque de voir une aggravation des crises régionales ?
– Après la fin de cette crise causée par le coronavirus, les pertes et les dégâts seront énormes. Et chaque pays sera préoccupé par ses affaires internes, surtout par les impacts économiques qui seront très lourds. Dans notre région, les crises vont s’aggraver et chaque pays va tenter de profiter de la situation pour réaliser ses objectifs. Les retombées se font déjà sentir et la crise du coronavirus peut être politiquement instrumentalisée ça et là. Les manifestations se sont arrêtées dans plusieurs pays arabes, notamment en Iraq. L’Iran, par exemple, en profite pour réclamer la levée des sanctions. A Gaza aussi, des appels sont lancés pour une levée du blocus. Le seul point positif, c’est que les deux camps rivaux palestiniens, le Fatah et le Hamas, ont mis de côté leurs différends et se sont accordés pour faire face à la menace que représente le coronavirus. Et les deux parties coopèrent même avec Israël à ce sujet.
– Guterres a lancé un appel particulier aux protagonistes de la crise yéménite et ces derniers se sont dit favorables à un cessez-le-feu, sans plus. Est-ce un espoir ?
– Avant même la crise du coronavirus, il y avait une lueur d’espoir qui se profilait à l’horizon et les camps en conflit ont accepté de s’assoir autour d’une table de négociations. Les Iraniens ont commencé à exercer une certaine pression sur les Houthis, parce que la priorité pour l’Iran est la levée des sanctions. Et comme Téhéran est le principal soutien des Houthis, ces derniers seront obligés de présenter des concessions.
– Et qu’en est-il de la Syrie, cette crise peut-elle renforcer le régime ?
– Bien que le régime ne dévoile pas le nombre réel des cas positifs, Bachar Al-Assad profite de cette situation pour inquiéter la communauté internationale. Il espère que cette dernière revoie ses comptes et qu’il en tire profit. On a d’ailleurs déjà vu des changements de position : c’est la première fois depuis le début du conflit qu’Abu-Dhabi entre en contact avec Damas. C’est un tournant, alors que les pays du Golfe étaient initialement tous contre le régime de Damas.
– Mais les camps de réfugiés syriens sont de vraies bombes à retardement ....
– Tout à fait, avec une situation sanitaire et humanitaire déjà très précaire, ces camps sont menacés d’une vraie catastrophe si le virus s’y propage.
– Cette crise ne révèle-t-elle pas un certain dysfonctionnement des organisations mondiales ?
– Ce qui est certain, c’est que l’Onu s’avère plus faible que jamais. On a plutôt besoin d’une organisation basée sur la justice et le respect de l’humanité. Le monde a découvert que la santé doit être la priorité des priorités. C’est une occasion pour que les grands de ce monde refassent leurs calculs. Les priorités ne devraient plus être les mêmes l
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