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L’Afghanistan tourne une page

Abir Taleb avec agences, Mercredi, 04 mars 2020

Un accord historique a été signé le 29 février entre les Etats-Unis et les Talibans. Il ouvre la voie à un retrait total des troupes américaines après 18 ans de guerre en Afghanistan et à des négociations de paix interafghanes inédites.

L’Afghanistan tourne une page
Zalmay Khalilzad, du côté américain, salue Abdul Ghani Baradar, chef politique des insurgés afghans, lors de la signature de l'accord. (Photo : Reuters)

Nouveau départ ? Pas vers la paix ? Les choses s’accélèrent en Afghanistan après la signature d’un accord jugé historique entre les Talibans et les Etats-Unis, samedi 29 février à Doha (Qatar). Cet accord, négocié pendant un an et demi au Qatar, a été signé par les principaux négociateurs des deux parties ennemies, Zalmay Khalilzad côté américain et le chef politique des insurgés afghans, Abdul Ghani Baradar, en présence du secrétaire d’Etat, Mike Pompeo. Cela dit, Washington se veut plutôt optimiste, le président américain est en effet avant tout soucieux de mettre fin à la plus longue guerre des Etats-Unis.

Les Américains s’engagent à entamer immédiatement un retrait graduel de leurs troupes, mais leur départ est toutefois lié au respect par les Talibans de leurs engagements sécuritaires et aux progrès dans les négociations interafghanes à venir, selon des hauts responsables américains. En contrepartie de cette revendication-clé des Talibans, ceux-ci s’engagent à bannir tout acte de terrorisme depuis les territoires qu’ils contrôlent et à entamer de véritables négociations avec le gouvernement de Kaboul avec lequel ils refusaient jusqu’ici de parler. Les Talibans, de leur côté, assurent qu’ils respecteront leurs engagements. Aux termes de l’accord, « les Talibans n’autoriseront aucun de leurs membres, ou d’autres individus ou groupes, dont Al-Qaëda, à utiliser le sol afghan pour menacer la sécurité des Etats-Unis et de leurs alliés ». « C’est un premier pas décisif et historique quant à leur reconnaissance publique qu’ils rompent les liens avec Al-Qaëda », a assuré un responsable américain.

Le plus dur reste à faire

Bref, ce texte n’est pas un accord de paix à proprement parler, car les autorités afghanes, elles-mêmes aux prises avec les divisions nées d’une élection présidentielle contestée, ont jusqu’ici été tenues à l’écart de ces pourparlers directs sans précédent. Trop tôt donc de parler d’un retour de la paix dans ce pays meurtri depuis des décennies, s’accordent à dire les analystes. Il n’en demeure pas moins que cet accord, qui porte sur un retrait des troupes étrangères et ouvre la voie à un dialogue interafghan (voir sous-encadré), est une avancée notable. Pour faire preuve de bonne volonté, le président Ashraf Ghani a annoncé, lors d’une conférence tenue au lendemain de la signature de l’accord, que la trêve partielle d’une semaine en Afghanistan qui a précédé cette signature a été prolongée en vue d’un cessez-le-feu « complet », précisant que les Talibans avaient été informés de cette décision par le général américain Scott Miller. En revanche, le président afghan a dit que son gouvernement ne s’était pas engagé à la libération de 5 000 prisonniers talibans évoquée dans l’accord, l’échange pourrait cependant « faire partie de l’agenda des discussions intra-afghanes, mais ne peut pas être un prérequis à des discussions », a-t-il ajouté.

Tous les regards sont donc désormais tournés vers les futures négociations interafghanes. Car ce sont ces pourparlers qui seront cruciaux pour l’avenir du pays et pour une vraie stabilisation. Ces négociations doivent commencer d’ici le 10 mars, selon l’accord, probablement à Oslo. Elles s’annoncent difficiles et de nombreux Afghans, éprouvés par quatre décennies de guerre, dont 18 années de conflit entre les Talibans, les forces de sécurité afghanes et les troupes internationales, sont sceptiques.

Les principaux points de l’accord

Retrait : Les Etats-Unis et leurs alliés s’engagent à retirer toutes leurs troupes d’Afghanistan sous 14 mois si les Talibans respectent les termes de l’accord. Le nombre de soldats américains doit passer de 12 000 ou 13 000 à 8 600 dans les 135 jours. Ils quitteront 5 des 20 bases militaires qu’ils occupent actuellement. Si l’accord est respecté par les Talibans, les forces restantes se retireraient « sous 14 mois ». Les Etats-Unis et leurs alliés s’engagent aussi à ne pas « menacer ou utiliser la force » contre « l’indépendance politique » de l’Afghanistan et à ne pas s’immiscer dans ses « affaires intérieures » à l’avenir.

Dialogue afghan et cessez-le-feu : Des discussions entre les Talibans et toutes les « parties afghanes » débuteront le 10 mars. Ni le contexte de ces négociations ni leurs participants ne sont précisés. Selon l’accord, le cessez-le-feu ne sera qu’un « élément » de l’ordre du jour des discussions et non une obligation. Le texte précise toutefois que les participants « discuteront de la date et des modalités d’un cessez-le-feu permanent et complet ».

Libération de prisonniers : Les Etats-Unis et les Talibans se sont aussi mis d’accord sur l’échange de milliers de prisonniers afin d’« instaurer la confiance » le jour où commencera le dialogue interafghan. Le président afghan a toutefois déclaré que cette question serait discutée lors dudit dialogue.

Sanctions : Les Etats-Unis se sont engagés à revoir la liste de leurs sanctions visant les divers dirigeants et membres du mouvement des Talibans, « dans le but de révoquer ces sanctions d’ici au 27 août 2020 ». Washington entamera aussi un « engagement diplomatique » avec les autres membres du Conseil de sécurité de l’Onu et le gouvernement de Kaboul pour ôter les Talibans de listes de sanctions.

Al-Qaëda : L’accord demande aussi aux Talibans d’empêcher des groupes tels qu’Al-Qaëda de se servir de l’Afghanistan comme d’une base leur permettant de menacer la sécurité des Etats-Unis et de leurs alliés.

Relations bilatérales et reconstruction : Les deux camps déclarent qu’ils cherchent à avoir des relations bilatérales « positives », ainsi qu’avec le gouvernement devant voir le jour à travers les discussions interafghanes. L’accord se termine avec la promesse américaine de « chercher une coopération économique » pour la reconstruction de l’Afghanistan détruit par quatre décennies de guerre avec le nouveau gouvernement qui sera formé.

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