Les membres du G5 Sahel lors du Sommet de Pau, en France, du 13 au 15 janvier.
La lutte contre le terrorisme est dorénavant le casse-tête des pays du Sahel ainsi que de la France, leur principale alliée. Face à l’ascension du terrorisme dans cette région, les efforts déployés pour lutter contre ce danger ne cessent de croître. Confrontés à une escalade des attaques djihadistes, les présidents des cinq pays sahéliens (Niger, Mali, Burkina Faso, Mauritanie, Tchad) et leurs partenaires se sont réunis les 24 et 25 janvier à Ouagadougou, au Burkina Faso, afin de procéder à la relecture de tous les documents de l’accord cadre de la Force conjointe G5.
Pour rendre plus opérationnelle cette force dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les différents bataillons pourront désormais intervenir hors de leur zone habituelle d’action. Il en est de même pour le droit de poursuite sur un territoire étranger, où les troupes de la force pourront aller jusqu’à 100 km au-delà de la frontière, contre 50 auparavant. Désormais, « il est possible qu’un bataillon quitte son territoire pour venir en appui sur une autre zone », a expliqué le général de brigade Moïse Miningou, chef d’état-major général des armées burkinabées, à RFI le 26 janvier. Et d’insister : « Cela apporte un changement très significatif qui permet une flexibilité pour le commandement de la force G5 Sahel ».
Pour les chefs d’état-major des pays membres du G5 Sahel, ces décisions traduisent un réel changement de posture dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et les autres menaces sécuritaires. La force conjointe du G5 Sahel focalisera également ses efforts sur la zone des trois frontières entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, sanctuaire du groupe Daech dans le Grand Sahara où se sont concentrées les attaques meurtrières des djihadistes ces derniers mois.
Troupes françaises supplémentaires
Outre cette mobilisation africaine, le rôle de la France se poursuit pour convaincre à la fois les autres forces européennes de sortir de leur inertie, mais aussi les Etats-Unis de soutenir les efforts dans la région du Sahel.
De même, la ministre française des Armées, Florence Parly, s’est rendue, lundi 27 janvier, à Washington, pour demander aux Américains de ne pas retirer leurs moyens militaires du Sahel. Leur appui est extrêmement précieux pour mener la lutte contre les groupes djihadistes. Or, les Etats-Unis ont récemment laissé entendre qu’ils comptaient réduire leur présence sur le continent pour renforcer leurs positions en Asie. Mais la France veut tout faire pour qu’ils renoncent à ce projet.
Cependant, pour être prête en cas de réduction, probable, des forces américaines en Afrique, la France a annoncé qu’elle allait envoyer des renforts supplémentaires. L’opération antidjihadiste française au Sahel, Barkhane, va recevoir des « moyens supplémentaires », en plus des 220 soldats déjà récemment envoyés en renfort, a annoncé la semaine dernière le chef d’état-major français des armées, François Lecointre, tout en doutant « de pouvoir crier victoire à la fin de l’année ». Ces nouveaux renforts seront accompagnés de moyens logistiques et de renseignements supplémentaires. « Nous allons accentuer nos efforts dans la zone du Liptako-Gourma, c’est-à-dire la zone des trois frontières (ndlr : entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger), en y concentrant des moyens supplémentaires », a rappelé François Lecointre, en expliquant que dans cette zone extrêmement vaste, les moyens qui sont mis à disposition de l’opération Barkhane ne sont pas suffisants « pour qu’on puisse avoir des soldats déployés 24h/24, 7 jours/7 ».
Inertie européenne
En effet, avant l’annonce des premiers renforts par le chef de l’Etat français au Sommet de Pau début janvier, la force Barkhane comptait 4500 militaires au Sahel. « Sur le plan tactique, cette présence nous fait espérer obtenir une bascule », a souligné le général Lecointre, tout en annonçant « de toute façon un engagement long. Je ne pense pas que nous allons à la fin de l’année pouvoir crier victoire ». Le militaire français a par ailleurs déploré l’inertie de la Mission européenne de formation de l’armée malienne (EUTM Mali), lancée en février 2013, qui réunit 620 militaires de 28 pays européens.
« Je trouve l’Europe un peu longue à se mettre en action. Cela fait maintenant sept mois que j’ai écrit à l’Union européenne en demandant que l’EUTM (...) se déploie plus et qu’elle fasse un travail d’accompagnement plus complet dans la reconstruction de ces armées », a-t-il déclaré. Et de regretter : « Tout cela est long. Alors qu’il faudrait agir très vite ».
Selon l’Onu, plus de 4 000 personnes ont été tuées dans des attaques terroristes en 2019 au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Un nouveau sommet associant les Etats du G5 Sahel et la France se tiendra en juin 2020 à Nouakchott, en Mauritanie, pour faire le point sur la stratégie annoncée.
Par ailleurs, et selon des spécialistes, le développement économique et la création d’emplois dans cette région doivent être aussi importants que le déploiement militaire. « Malgré les forces déployées, le terrorisme s’accentue car dans cette région, la pauvreté et la négligence des gouvernements obligent les personnes à s’affilier aux groupes terroristes ou à les aider en échange d’être payés, c’est le seul gagne-pain pour une grande part de la population », conclut Amira Abdel-Halim, experte dans les affaires africaines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram .
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