Al-Ahram Hebdo : Tension, escalade puis apaisement. Que signifient les récents développements dans les relations entre l’Iran et les Etats-Unis ?
Mohammed Mohsen Abo El Nour: Les relations entre ces deux pays passent par différentes phases, des tensions extrêmes suivies d’une relative désescalade, un peu comme les différents rounds d’un match de boxe. Cette « fluctuation » ne signifie pas que la tension a disparu. Il faut noter que l’assassinant du général Qassem Soleimani était une réponse, certes disproportionnée, à l’attaque de l’ambassade américaine à Bagdad. On peut s’attendre à de nouveaux actes de vengeance contre des intérêts américains, à travers les alliés de Téhéran.
Le vrai problème est que l’influence américaine dans la région a baissé au cours de ces dernières années, surtout en Iraq. En revanche, l’influence iranienne y a été renforcée. Chacun d’eux tente de contrer l’influence de l’autre dans la région.
— La réaction iranienne est plutôt faible. Pourquoi ?
— Tout d’abord, on sait que la réponse iranienne était plus politique que militaire. Téhéran sait que s’il frappe fort, la riposte américaine sera encore plus forte. Il ne peut pas s’aventurer car, après tout, il évite un affrontement direct avec les Etats-Unis. Il ne veut pas d’un engrenage qui ne sera certainement pas en sa faveur. Pour Téhéran, la réponse réelle à l’assassinat de Soleimani est le départ de tous les soldats américains d’Iraq. Une réponse difficile à réaliser et qui prendra du temps, car elle devait être appliquer sur les deux niveaux militaire et politique. En même temps, l’Iran poursuit sa stratégie, il veut marquer encore plus son emprise sur la région et diminuer le rôle des Américains. L’Iran a mis à cet effet un plan stratégique qui s’étend sur 25 ans et qu’il applique à la lettre. Ce plan est basé sur 3 axes : l’affrontement (avec l’Egypte et les pays du Golfe), l’implantation (au Liban et en Syrie) et la domination (de l’Iraq et du Yémen).
— De nombreuses questions restent en suspens : sanctions, question nucléaire, rôle de l’Iran dans le région ...
— Les négociations dans ces dossiers se font en catimini sans que les détails soient rendus publics. Ce qui se passe dans les coulisses entre les rivaux n’est pas annoncé, on le comprend à travers les événements. Et chaque camp cherche ses intérêts en essayant d’affaiblir l’autre camp. Il faut noter que l’Iran survit malgré les sanctions et tente de trouver de faire avec. Téhéran profite de sa présence et de son influence en Iraq, au Liban, au Yémen et en Syrie. De son côté, Washington ferme les yeux sur certains comportements iraniens.
— Les deux pays ont d’importants rendez-vous électoraux cette année: les législatives en Iran en février, et la présidentielle aux Etats-Unis en novembre. Comment cette crise est-elle exploitée d’un côté comme de l’autre ?
— Le président américain, Donald Trump, a réalisé un vrai succès, il renforce sa position aux élections de novembre 2020. Il frappe puis baisse le ton pour réduire la tension en annonçant qu’il peut négocier avec l’Iran. Quant à l’Iran, les élections législatives sont sujettes à d’autres calculs liés à l’influence religieuse, aux conditions économiques et aux crises internes. La politique étrangère n’a pas une très grande influence sur les législatives. Les réformateurs ont une grande chance de l’emporter cette fois-ci 0
Lien court: