La police iranienne a prévenu que les forces de sécurité n'hésiteraient pas à « faire face à ceux qui perturbent la paix et la sécurité ». (Photo : Reuters)
Routes bloquées, véhicules incendiés, manifestations dans une quarantaine de villes du pays … L’Iran est lui aussi en proie à la contestation populaire. Tout a commencé vendredi 15 novembre, lorsque des manifestations ponctuées de heurts ont éclaté suite à la décision du Haut conseil de coordination économique — composé du président de la République, du président du parlement et du chef de l’autorité judiciaire — d’augmenter les prix de l’essence. Depuis, deux personnes sont mortes, un civil et un policier, et une quarantaine de personnes ont été arrêtées. Le porte-parole de la police, Ahmad Nourian, a prévenu que les forces de sécurité n’hésiteraient pas « à faire face à ceux qui perturbent la paix et la sécurité », identifieraient les meneurs et les forces sur le terrain et les « affronteraient ». Et le ministère des Renseignements a indiqué avoir « identifié les principaux éléments » derrière les « émeutes des deux derniers jours », selon Isna.
Dimanche 17 novembre, en Conseil des ministres, le président Hassan Rohani a déclaré que l’Etat, face à « l’émeute », ne devait « pas autoriser l’insécurité dans la société ». Rohani a également justifié la forte hausse des prix de l’essence en expliquant que l’Etat n’avait pas d’autre solution pour aider mieux les « familles à revenu moyen et bas qui souffrent de la situation économique créée par les sanctions » américaines visant l’Iran. Une mesure soutenue par le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, qui a condamné, dimanche 17 novembre, les actes de violences commis par des protestataires et déploré que « certains aient perdu la vie » dans cette agitation. Après les propos du guide suprême, le parlement a annulé une motion qui visait à faire marche arrière, selon Isna. Certaines entités opposées au pouvoir « se réjouissent » des troubles, a déclaré le guide suprême, demandant « que personne n’aide ces criminels ». « Endommager et mettre le feu à des biens n’est pas une réaction de personne normale, mais de hooligan », a aussi déclaré M. Khamenei. « Ce que je demande, c’est que personne n’aide ces criminels », a encore dit l’ayatollah Khamenei.
Dans un contexte de crise avec les Etats-Unis, Washington n’a pas tardé à réagir, la Maison Blanche condamnant, dimanche 17 novembre, l’usage de la force. « Les Etats-Unis soutiennent les Iraniens dans leurs manifestations pacifiques contre le régime qui est censé les diriger. Nous condamnons l’usage de la force et les restrictions de communications contre les manifestants », a indiqué Stephanie Grisham, porte-parole de l’exécutif américain, dans un communiqué, dénonçant les dérives d’un régime qui a « abandonné son peuple ». Sur Twitter, le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, a aussitôt exprimé sa solidarité avec les manifestants. « Comme je le dis au peuple d’Iran depuis près d’un an et demi : les Etats-Unis sont avec vous ».
Et Téhéran de condamner à son tour ce qu’il a considéré comme le soutien exprimé par les Etats-Unis à « un groupe d’émeutiers » après des violences meurtrières survenues dans plusieurs villes iraniennes lors de manifestations contre une hausse du prix de l’essence. Le ministère des Affaires étrangères iranien « condamne ces remarques [...] interventionnistes », indique un communiqué officiel.
Le prix des sanctions
Cette vague de manifestations intervient alors que le retrait unilatéral des Etats-Unis, en 2018, de l’accord international sur le nucléaire iranien conclu en 2015, et le rétablissement dans la foulée de lourdes sanctions contre Téhéran ont plongé l’économie iranienne dans une violente récession. Le Fonds monétaire international estime que le PIB de l’Iran devrait chuter de 9,5 % cette année après un recul de 4,8 % en 2018. L’inflation, entraînée par la chute du rial face aux grandes devises d’échange, atteint officiellement 40 %. Selon le plan annoncé par le gouvernement, le prix de l’essence, très subventionnée en Iran, doit augmenter de 50 % pour les 60 premiers litres achetés chaque mois, et de 300 % pour les litres suivants. Les recettes dégagées doivent bénéficier aux 60 millions d’Iraniens les moins favorisés (sur une population totale de 83 millions d’habitants).
Une justification qui ne suffit pas à convaincre la population, excédée par les conditions de vie difficiles. Reste à savoir comment les choses vont évoluer dans les jours à venir. Il s’agit certes des plus importantes manifestations que le pays a connues depuis décembre 2017, l’atmosphère est certes tendue, il n’en demeure pas moins que le tournant que peuvent prendre les choses reste inconnu. Ce qui inquiète le plus Téhéran, ce ne sont pas les manifestations en soi, mais le fait que l’Administration Trump parvienne à exploiter le mécontentement populaire pour ramener les dirigeants iraniens à la table des négociations et leur faire accepter des compromis.
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