Selon les Nations-Unies, la guerre au Yémen a provoqué la pire crise humanitaire au monde.
(Photo:Reuters)
MIEUX que rien. C’est un front de moins dont le Yémen, un pays dévasté par une guerre multiple, vient de se débarrasser: celui de la rébellion sudiste. Le gouvernement yéménite et les séparatistes du sud— Conseil de transition du sud (STC) — ont décidé de mettre fin à leur conflit en trouvant un accord sur le partage du pouvoir dans le sud. Autrefois indépendant jusqu’à la réunification du Yémen en 1990, le sud était en proie à un mouvement séparatiste. Un casse-tête de plus pour les autorités, déjà enlisées dans leur guerre contre les Houthis. Un accord a finalement été trouvé entre le gouvernement yéménite et le STC sous la houlette de Riyad. « En vertu de celui-ci, le nouveau gouvernement devra intégrer des ministres issus du STC », a annoncé la chaîne d’information publique saoudienne Al-Ekhbariya, vendredi 25 octobre. Information ensuite confirmée par un responsable au sein du STC représentant les séparatistes. « Nous avons signé la version finale de l’accord et nous attendons la signature conjointe dans quelques jours », a-t-il dit. Une source au sein du gouvernement yéménite reconnu par la communauté internationale a indiqué que la signature de l’accord aura lieu à Aden en présence du président Abd-Rabbo Mansour Hadi (en exil à Riyad) et du chef des séparatistes du sud, Aidarous Al-Zoubaïdi.
Pour parvenir à cet accord, des pourparlers ont été menés entre les deux parties sous l’égide de l’Arabie saoudite à Djeddah, dans l’ouest du Royaume. Et l’annonce en a été faite au lendemain d’une visite de l’émissaire de l’Onu pour le Yémen, Martin Griffiths, à Riyad. Ce dernier a rencontré, jeudi 24 octobre, le vice-ministre saoudien de la Défense, le prince Khaled bin Salmane, selon un communiqué. Il a salué les « grands efforts » du Royaume dans la médiation entre les deux camps qui s’opposaient dans le sud. Face aux combats qui ont affaibli sa coalition, Riyad avait proposé un dialogue interyéménite à Djeddah pour apaiser les tensions.
Car ce différend avait jeté son ombre sur le conflit contre les Houthis. En effet, les séparatistes sudistes sont en principe des alliés des forces progouvernementales dans la guerre livrée depuis 2014 contre les rebelles houthis, mais ces derniers mois, des combats meurtriers ont opposé les deux camps ces derniers mois dans le sud. Ce différend a aussi mis à mal l’alliance au sein de la coalition antihouthis, en particulier entre ses deux piliers que sont l’Arabie saoudite et les Emirats. Le gouvernement yéménite a accusé les Emirats de soutenir les séparatistes, dont les combattants forment les unités du « Cordon de sécurité », entraînées par Abu-Dhabi. Mais en octobre, les Emiratis ont remis aux forces saoudiennes des positions-clés dans le sud pour tenter de désamorcer la crise interne à la coalition. Ces retraits avaient été perçus comme des prémices à la conclusion de l’accord négocié à Djeddah.
Des doutes
Bien que la guerre entre les deux camps soit une petite guerre dans une guerre plus grande, une telle entente est perçue comme positive, d’une part, pour les civils — elle pourra au moins réduire le nombre des victimes parmi les civils dans un pays où la guerre a provoqué la pire crise humanitaire au monde, selon les Nations-Unies—, et d’autre part, dans la guerre contre les Houthis. « Tout accord conclu dans la crise au Yémen constitue une étape importante », estime Elisabeth Kendall, du Pembroke College de l’Université d’Oxford, citée par l’AFP. « Cela évite qu’un autre conflit majeur n’éclate dans la guerre en cours et n'empêche la coalition de s’effondrer ».
Reste toutefois à s’assurer que l’accord va tenir. Peu de détails ont été donnés sur ses clauses et des doutes pèsent encore. S’agit-il d’un accord réellement satisfaisant pour les sudistes ? Des voix séparatistes ne risquent-elles pas de continuer à se faire entendre? Ne s’agit-il pas d’une union de circonstance vu l’impasse dans la guerre avec les Houthis? Les mois à venir apporteront la réponse.
Deux ans de tensions
question sudiste ressurgit au printemps 2017, lorsque le gouverneur d’Aden (sud), Aidarous Al-Zoubaïdi, est démis de ses fonctions par le président Abd-Rabbo Mansour Hadi. Le limogeage provoque de vives réactions, et des milliers de manifestants contestent, début mai à Aden, l’autorité de M. Hadi. Ils vont remettre en selle le Mouvement sudiste, large rassemblement politico-militaire partisan d’une sécession du sud du Yémen. Le 11 mai, Aidarous Al-Zoubaïdi annonce la mise en place d’un « Conseil de transition du sud » (STC), placé sous sa présidence pour « diriger les provinces du Sud ». L’initiative est dénoncée par le pouvoir, qui a fait d’Aden la capitale provisoire du Yémen depuis la prise de la capitale Sanaa (nord) par les Houthis.
La situation s’aggrave ensuite en janvier 2018 : après un ultimatum lancé par le STC pour que le président limoge son premier ministre, les séparatistes s’emparent du siège du gouvernement à Aden, puis prennent la quasi-totalité d’Aden et encerclent le palais présidentiel. Une médiation de la coalition aboutit à la levée du siège, mais la crise fait apparaître des divisions entre l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, un pilier de la coalition. Ce dernier pays a entraîné une force appelée « Cordon de sécurité », considérée favorable aux séparatistes.
En août dernier, la crise atteint son paroxysme : les séparatistes encerclent le palais présidentiel et s’emparent de plusieurs casernes, le gouvernement accuse les Emirats d’être responsables d’un « coup d’Etat ». Après un mois de tensions, Riyad et Abu-Dhabi affirment, début septembre, travailler à l’apaisement. Des discussions se tiennent ensuite à Djeddah pour parvenir à un accord visant à réintégrer les ministres issus du STC .
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