Quelle coalition peut sortir des discussions actuelles en Israël ? Le premier ministre reconduit, Benyamin Netanyahu, pourra-t-il former un gouvernement ou bien la tâche sera-t-elle livrée à son rival Benny Gantz ? Le scénario d’un retour aux urnes pour la troisième fois est-il possible ? Autant de questions qui se posent actuellement en Israël, pays toujours sans gouvernement depuis les législatives du 17 septembre.
« Mon appel à former un gouvernement d’union a été critiqué à gauche et à droite. J’entends ces critiques, elles sont légitimes et renferment quelques vérités (...), mais vous avez, chers élus et leaders du peuple, l’opportunité et la chance de former un gouvernement d’union qui mettra fin aux désaccords », a déclaré le président israélien Reuven Rivlin, jeudi 3 octobre à Jérusalem, dans son discours d’ouverture, devant les membres du nouveau parlement. Les 120 députés de la Knesset ont prêté serment devant le président alors que le pays reste embourbé dans une crise politique que les élections n’ont pas réussi à résoudre.
Netanyahu, qui cherche à prolonger son règne, déjà le plus long de l’histoire d’Israël, tente de rallier Gantz dans un gouvernement d’union. Mais les pourparlers entre le Likoud et Kahol Lavan Bleu et Blanc sont au point mort, les deux partis s’accusant mutuellement de bloquer les pourparlers sur la formation d’un gouvernement d’union, dans lequel Netanyahu et Gantz seraient tour à tour premier ministre. Netanyahu a accusé le No2 du parti Bleu et Blanc, Yair Lapid, de faire capoter ces pourparlers, car voulant faire partie de la rotation au pouvoir. M. Lapid a toutefois indiqué, jeudi 3 octobre, ne plus insister sur cette demande « pour le bien » d’un éventuel gouvernement d’union. En effet, Netanyahu et Gantz veulent chacun être le premier à diriger, en rotation, un éventuel gouvernement d’union.
Jouant sa survie politique, Netanyahu a tenté, en vain, de trouver une autre issue pour sortir de cette crise en se tournant vers un autre homme, Avigdor Lieberman, son ancien ministre de la Défense qui s’est rebellé contre lui l’an dernier. Chef du parti nationaliste laïc Israël Beiteinou, qui compte 8 députés au nouveau parlement, M. Lieberman pourrait faire pencher la balance en soutenant le Likoud ou Bleu et Blanc.
S’il ne parvient pas à former un gouvernement, Netanyahu devra retourner son mandat au président, qui pourra aussitôt demander à Benny Gantz de tenter sa chance pour diriger un gouvernement. Benny Gantz pourrait alors tenter de soudoyer des députés dissidents au sein du Likoud de M. Netanyahu, et ainsi obtenir une majorité. Tentant de lui couper l’herbe sous le pied, Netanyahu a suggéré la tenue de primaires anticipés au sein de son parti. « Le but est de briser l’illusion d’une rébellion au Likoud espérée par les autres partis politiques », a indiqué son parti.
De leur côté, les députés des partis arabes, qui se sont imposés comme la 3e force politique d’Israël avec 13 sièges lors des dernières élections, ont brillé par leur absence lors de la cérémonie d’intronisation au parlement. A la place, ils se sont rendus dans une marche près de Nazareth, plus grande ville arabe d’Israël, pour dénoncer la violence qui touche la minorité arabe israélienne et le manque de soutien des autorités pour y mettre fin.
Fragilité
Quel que soit le scénario à venir, le mot d’ordre est la fragilité. Aucune coalition ne pourra être forte. « Le nouveau gouvernement israélien ne sera pas formé facilement, les intérêts s’opposent beaucoup trop » explique Dr Tareq Fahmi, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire et spécialiste des affaires israéliennes. Cependant, Tareq Fahmi estime que malgré toutes les difficultés qu’il affronte et la baisse de sa popularité, Netanyahu reste le plus fort, au moins pour le moment. Pourtant, les affaires de corruption, d’abus de confiance et de malversation pèsent sur lui, et sa survie politique est suspendue à son sort judiciaire : s’il perd son poste, il risque de se retrouver derrière les barreaux.
Ainsi, si Netanyahu joue le tout pour le tout, rien ne dit que le général Gantz y parviendrait davantage, s’il était nommé. A moins que Netanyahu soit mis en examen d’ici là et qu’une partie de ses soutiens, y compris au sein du Likoud, lui fassent défection. C’est, bien sûr, ce qu’espère son rival. Pour l’instant, le parti reste uni et fait bloc derrière son leader.
Selon l’expert, il y a trois scénarios possibles : « Netanyahu parvient à rallier son ancien allié et ancien ministre de la Défense, Avigdor Lieberman, leader du parti ultranationaliste Israël Beiteinou, mais pour ce, il doit faire d’importantes concessions, c’est donc incertain. Le deuxième est que Gantz soit nommé, mais là aussi, sa tâche sera difficile. Enfin, le troisième scénario est le retour aux urnes, ce qui n’est jamais arrivé dans l’histoire d’Israël ».
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