Le taux de participation à la présidentielle a à peine dépassé les 20 %. (Photo : Reuters)
La mobilisation de 100 000 policiers et militaires afghans à la présidentielle en Afghanistan, tenue samedi 28 septembre, n’a pas pu arrêter les attaques menées par les Talibans afin d’empêcher les Afghans de voter. « L’ennemi a mené 68 attaques contre des bureaux de vote dans tout le pays », a annoncé le ministre de l’Intérieur, Massoud Andarabi. Les Talibans avaient, en effet, appelé la population à ne pas aller voter en avertissant que leurs moujahidines viseraient « les bureaux et les centres (de vote) de ce spectacle ». Mais les chiffres sont contradictoires : les Talibans en ont, eux, revendiqué plusieurs centaines, alors que l’institut de recherche Afghan Analyst Network (AAN) en a recensé plus de 400. Au moins 5 morts sont comptés parmi les forces de l’ordre et 37 blessés civils, dans ces diverses attaques attribuées aux Talibans. Déjà, la campagne de ce scrutin, commencée fin juillet, a été sanglante, avec de nombreux attentats, dont l’une a causé 26 morts, le 17 septembre. Pourtant, le bilan paraît très faible par rapport aux 60 morts des législatives de l’an dernier, et du second tour de la dernière présidentielle en 2014, dont le bilan était 100 morts.
Dans un tel climat, l’abstention a été forte pour ce scrutin. La commission électorale a annoncé, dimanche 29 septembre, que selon les chiffres disponibles — jusque-là — pour les trois-quarts des bureaux de vote (3 736 sur 4 905), la participation a à peine dépassé les 20 % des électeurs. Haroun Mir, chercheur indépendant à Kaboul, cité par l’AFP, a minimisé les conséquences d’un faible taux de participation en jugeant que « le prochain gouvernement aura un mandat plus fort que l’actuel, parce que l’élection est beaucoup plus propre que les précédentes ».
Outre la peur des attaques, les soupçons de fraude ont eux aussi joué un rôle dans cette désaffection. De nombreux électeurs ont boudé les urnes par crainte d’irrégularités semblables à celles qui avaient gravement entaché l’élection de 2014. Pourtant, de nombreux observateurs ont souligné que celle de samedi dernier était plus transparente et mieux organisée que la précédente. La directrice de la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan, Shaharzad Akbar, a admis « des irrégularités et difficultés techniques, comme attendu, mais qui ont été réglées plus rapidement que lors des dernières élections ». De même, un nombre d’électeurs sont restés chez eux, ayant perdu tout espoir que leurs élites améliorent leurs conditions de vie, dans un pays où 55 % de la population vivait avec moins de 2 dollars par jour en 2017.
Les Talibans pas prêts au compromis
Sur le plan des réactions internationales, Washington a « applaudi le courage des électeurs afghans » et enjoint aux autorités de prendre « toutes les mesures pour s’assurer que l’élection soit transparente ». Or, l’avenir ne semble pas lumineux. Cette élection a été prise en otage par la rupture des pourparlers entre les Etats-Unis et les Talibans sur un retrait des forces américaines. Donald Trump y a brutalement mis fin début septembre. Nombre d’observateurs pensaient que l’élection serait suspendue pour laisser la place à l’application du plan de retrait. Les résultats préliminaires doivent être annoncés le 19 octobre et les définitifs le 7 novembre. Si aucun des candidats du premier tour n’a reçu plus de 50 % des suffrages, un deuxième tour se tiendra alors dans les deux semaines suivantes. L’un des enjeux du scrutin est de procurer au futur chef de l’Etat une légitimité suffisante pour espérer devenir un interlocuteur incontournable dans d’éventuelles négociations de paix avec les Talibans. Mais ces derniers ont rejeté par avance tout compromis. « L’administration fantoche à Kaboul a tenu une élection fabriquée, mais a rencontré l’échec et le rejet d’une vaste majorité de la nation », ont dit les Talibans.
Lien court: