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Sombres perspectives en Afghanistan

Maha Salem avec agences, Dimanche, 22 septembre 2019

La violence reprend ses droits en Afghanistan, menaçant ainsi le scrutin présidentiel prévu le 28 septembre.

C’est dans un climat de vives tensions et de violence que l'élection présidentielle afghane aura lieu le 28 septembre. D’ores et déjà, ce scrutin est dénoncé et jugé frauduleux par les Talibans. De même, il intervient alors après que le président américain, Donald Trump, avait décidé, le 7 septembre, d’abandonner les pourparlers avec les Talibans sur un retrait des troupes américaines d’Afghanistan. Une décision qui a été suivie par une recrudescence de la violence talibane. Or, ces attaques signées par les insurgés empêchent la plupart des candidats de faire campagne sur le terrain. Cette dernière semaine, en effet, les Talibans ont revendiqué deux attentats suicides, l’un dans la capitale afghane, près d’un centre de recrutement de l’armée, l’autre à proximité d’un meeting électoral du président Ashraf Ghani, à 60km de Kaboul. Leur bilan cumulé, 48 morts et 80 blessés, est le plus sanglant depuis la fin des discussions entre les Américains et les Talibans.

Le secrétaire d’Etat américain a dénoncé dans un communiqué « des actes identifiés de mauvaise gestion de la part du gouvernement afghan et son incapacité à utiliser de manière transparente l’aide américaine ». Il fustige la commission anticorruption afghane, que Washington cessera de financer dès 2020. « Nous dénonçons ceux qui exploitent leurs fonctions au pouvoir et leur influence pour priver les Afghans des bienfaits de l’aide étrangère et d’un avenir plus prospère », a déclaré Mike Pompeo, en ajoutant que « les dirigeants afghans qui ne remplissent pas ces critères doivent rendre des comptes ». En plus, il a fermement exhorté les autorités afghanes à assurer une élection présidentielle crédible et transparente le 28 septembre. « Nous avons besoin que chaque acteur dans la région, chaque dirigeant, chaque citoyen en Afghanistan oeuvre à cela », a insisté Pompeo tout en haussant le ton à l’endroit des Talibans en condamnant la dernière vague d’attentats meurtriers qui endeuillent la campagne électorale.

Un scrutin en quête de légitimité

Donald Trump avait tout misé cette dernière année sur le processus de pourparlers avec les insurgés pour tenir sa promesse de mettre fin aux guerres sans fin et ramener les soldats à la maison après 18 ans de conflit. L’enjeu est de taille, même si les conditions de sécurité au jour J joueront, elles aussi, un rôle vital. Tous les observateurs s’attendent à une flambée de violences des Talibans, qui sont déterminés à miner d’emblée la légitimité du futur chef de l’Etat en décourageant un maximum d’électeurs (sur 9,6 millions) de se rendre aux urnes. Ils ont revendiqué un attentat contre un meeting électoral du président Ashraf Ghani qui a fait au moins 26 morts la semaine dernière près de Kaboul.

Dans ce contexte sous haute tension, la question de la participation sera cruciale. Elle avait été estimée par l’Onu à autour de 32% lors du scrutin de 2009. Aucun chiffre officiel n’a été rendu public pour celui de 2014. A chaque fois l’exercice avait été entaché d’accusations d’irrégularités, la Commission électorale indépendante (IEC) déplorant en 2014 « des fraudes inquiétantes commises de tous les côtés ». Une « élection crédible constituera un socle politique important pour l’avenir du pays et confèrera une légitimité et une autorité au président élu », a souligné la semaine dernière le chef de la mission de l’Onu en Afghanistan, Tadamichi Yamamoto. Le vainqueur en aura besoin s’il veut se poser en interlocuteur des Talibans. Ces derniers ont toujours considéré M. Ghani comme une « marionnette » de Washington, le tenant obstinément à l’écart des pourparlers, aujourd’hui rompus, entre les Etats-Unis et les insurgés. S’il est réélu, M. Ghani espère replacer l’exécutif afghan au centre du jeu. A la tête de l’IEC, Hawa Alam Nooristani assure à l’AFP que ce scrutin n’aura rien à voir avec le précédent « parce que nous avons travaillé sur des règles et des mécanismes pour prévenir la fraude ». Son arme secrète, un lecteur d’empreinte biométrique, a passé l’épreuve du feu, avec un succès mitigé, lors des législatives d’octobre 2018. Mais cette fois, assure-t-elle, toutes les précautions ont été prises pour assurer son bon fonctionnement. Notamment parce que la Commission « travaille directement avec la compagnie allemande qui fabrique les lecteurs », laquelle a aussi formé ses spécialistes.

Les superviseurs des 34 provinces ont été « recrutés au mérite, dans une procédure transparente, avec un examen surveillé par des organisations indépendantes » comme la Fondation pour des élections transparentes en Afghanistan (TEFA). « Les gens ont perdu confiance à cause des fraudes sérieuses dans les précédentes élections. Et jusqu’ici les organisateurs de l’élection ne sont pas parvenus à la rétablir », a affirmé Sughra Saadat, porte-parole de la TEFA. Près de 500 bureaux de vote ont été exclus parce qu’elle ne peut y être garantie, ce qui en laisse 4942 au dernier décompte. Qui mobiliseront pas moins de 72 000 membres des forces de sécurité, selon le ministère de l’Intérieur.

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