Selon les résultats des élections législatives israéliennes, le premier ministre, Benyamin Netanyahu (Likoud), et Benny Gantz (Bleu et Blanc) sont arrivés au coude-à-coude.
(Photo: AFP)
Comme prévu et comme suite aux précédentes législatives, une impasse politique plane sur l’Etat hébreu après l’annonce des résultats quasi définitifs des législatives israéliennes. Et pour cause, le Likoud (droite) du premier ministre Benyamin Netanyahu et le parti centriste Bleu et Blanc de Benny Gantz sont quasiment arrivés au coude-à-coude. Chacun d’eux espérait pourtant gagner quelques sièges supplémentaires pour accentuer leur rapport dans les pourparlers en vue de la formation d’un gouvernement d’union nationale. La coalition Bleu et Blanc a gagné 33 sièges dépassant de deux sièges le Likoud, sur les 120 du parlement. En troisième position, la « Liste unie » des partis arabes israéliens rafle 13 sièges, suivie du parti ultra-orthodoxe séfarade Shass qui en obtient 9. La formation laïque nationaliste Israël Beitenou de l’ancien ministre Avigdor Lieberman obtient 8 sièges, à égalité avec le parti ultra-orthodoxe Ashkénaze Yaadout Hatorah (judaïsme unifié de la Torah en français). Puis viennent la liste de droite radicale Yamina avec 7 mandats, le parti travailliste avec 6 et finalement la liste de gauche du Camp démocratique avec 5 sièges. Selon ces résultats, ni Gantz, ni Netanyahu n’obtiennent, via leurs alliés, le nombre décisif de 61 députés, seuil de la majorité au parlement.
Les deux leaders ont certes annoncé leur volonté de former un gouvernement d’union nationale, mais les deux campent sur leurs positions et chacun d’eux insiste sur le fait d'occuper le poste de premier ministre. « Chacun d’entre eux veut protéger ses intérêts. Tout d’abord, Netanyahu s’accroche bec et ongles et veut garder le poste du premier ministre, car c’est le seul moyen de se protéger contre les accusations de corruption. Selon la loi israélienne, le premier ministre jouit d’une immunité parlementaire et ne sera pas jugé même s’il est coupable. Quant à Gantz, il s’accroche à ce poste pour renforcer son influence. Il ne va pas céder, il peut faire des concessions pour les autres postes mais pas pour le poste du premier ministre », explique Dr Mona Soliman, professeure à la faculté d’économie et de sciences politiques de l’Université du Caire. Or, selon elle, si on n’arrive pas à un accord sur le poste du premier ministre, on sera obligé d’organiser un troisième scrutin. Une situation compliquée et refusée tant par les Israéliens que par la classe politique. « Aller aux urnes pour la troisième fois pèsera fort sur l’économie israélienne, la stabilité et la sécurité non seulement dans le pays, mais aussi dans toute la région », dit Dr Mona Soliman.
Eviter un troisième scrutin à tout prix
Ainsi, l’objectif de la classe politique israélienne est d’éviter que le scénario des législatives du mois d’avril ne se répète: les deux rivaux étaient arrivés ex-aequo et le président Reuven Rivlin avait confié au premier ministre sortant la tâche de former une coalition pour constituer un gouvernement. Incapable d’y parvenir, Netanyahu avait préféré dissoudre le parlement et provoquer de nouvelles élections que de permettre à Benny Gantz de tenter sa chance pour former une coalition. Ainsi, Israël se retrouve de retour à la case départ. Essayant de trouver une issue à cette impasse, le président Rivlin a entamé, dimanche 22 septembre, des consultations avec les partis au parlement, qui doivent chacun recommander un candidat pour la constitution d’un gouvernement. Les alliances pourraient faire émerger deux blocs au parlement : d’un côté Gantz et ses alliés réels (gauche) et potentiels (liste arabe) qui totaliseraient 57 sièges, et de l’autre le camp des partis de droite et religieux menés par Netanyahu, avec 55 sièges. Au milieu, Avigdor Lieberman et son parti nationaliste laïque à la fois hostile aux partis arabes et aux juifs ultra-orthodoxes joue clairement la carte du non-aligné. Connu comme le faiseur du Roi, le parti nationaliste Israël Beitenou pour l’instant « non aligné » de l’ex-ministre, Avigdor Lieberman, pourrait faire pencher la balance. Ancien ministre sous Netanyahu, mais actuellement en rupture avec le premier ministre, Lieberman n’a pas dit clairement s’il allait soutenir le camp du Likoud ou celui du parti Kahol Lavan de Gantz, mais plaidé pour la formation d’un gouvernement d’union nationale. « Il n’y a qu’une option pour nous et c’est la formation d’un large gouvernement d’union nationale et libéral avec Israël Beitenou, le parti Bleu et Blanc et le Likoud. Nous agirons pour former un large gouvernement d’union qui exprimera la volonté du peuple. Nous avons entamé les négociations et je parlerai avec tout le monde », a déclaré Lieberman, en excluant ainsi les partis juifs ultra-orthodoxes et arabes.
Netanyahu, le plus pérenne des premiers ministres israéliens avec 13 années au pouvoir dont les dix dernières sans discontinuer, a proposé des discussions directes avec son rival pour la formation d’un gouvernement d’union nationale. Répondant à cette surprise, Benny Gantz a répondu vouloir lui aussi un gouvernement d’union afin de sortir le pays de l’impasse politique, mais avec lui à sa tête. Ainsi, Benny Gantz, qui se dit vainqueur des élections car son parti Bleu et Blanc (Kahol Lavan), n’entend pas se faire imposer des conditions par le premier ministre sortant. « Le parti Bleu et Blanc que je dirige a remporté les élections. Je vais former ce gouvernement avec moi à sa tête. Nous écouterons tout le monde mais n’accepterons pas qu’on nous dicte des choses », a affirmé Gantz.
La liste des partis arabes, qui émerge comme la troisième force politique du pays, a dit vouloir barrer la route à Benyamin Netanyahu, à qui elle reproche entre autres sa loi sur l’Etat-nation consacrant Israël comme Etat juif, mais n’a pas dit si elle allait soutenir son rival Benny Gantz, qui était chef de l’armée lors de la guerre de Gaza en 2014. Pour inquiéter les Israéliens, Benyamin Netanyahu a affirmé que le pays n’avait que deux choix: soit un gouvernement de droite dirigé par lui, soit un gouvernement dangereux qui repose sur les partis arabes, une attaque indirecte contre M. Gantz qui a promis d’ouvrir des discussions avec les partis arabes dans l’espoir d’arriver à une coalition.
Dans ses éventuelles discussions avec Benny Gantz, Netanyahu dispose d’une carte maîtresse : l’unité de ses troupes. Le stratège Netanyahu ne discute pas uniquement au nom de son parti, le Likoud, mais aussi au nom de l’ensemble du « bloc » de droite, incluant la liste de droite radicale Yamina et les formations ultra-orthodoxes Shass et Judaïsme unifié de la Torah. Mais son jeu compte aussi un point faible : la justice doit l’auditionner début octobre pour « corruption », « abus de confiance » et « malversations ». Pour l’instant, Benjamin Netanyahu n’est pas inculpé, mais cherche à obtenir une immunité du parlement. Or, M. Gantz avait répété par le passé qu’il refuserait de servir dans un gouvernement où le premier ministre est inculpé ou condamné pour de tels actes .
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