Mardi, 15 octobre 2024
Al-Ahram Hebdo > Monde >

Tarek Fahmy : L’important pour Washington n’est pas le timing de l’annonce du deal du siècle, mais son contenu

Maha Salem avec agences, Dimanche, 15 septembre 2019

Professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, Dr Tarek Fahmy, analyse la situation au Proche-Orient dans la foulée des législatives israéliennes.

Tarek Fahmy

Al-ahram hebdo : Les élections législatives israéliennes du 17 septembre déterminent l’avenir de Benyamin Netanyahu, mais aussi celui de la paix puisqu’il a promis d’annexer des parties de la Cisjordanie en cas de victoire. Est-ce juste une annonce destinée à renforcer ses chances ou peut-il vraiment la mettre en application ?

Dr Tarek Fahmy: Le premier ministre Benyamin Netanyahu sait très bien que ses chances sont faibles. Il voulait donc séduire une partie de l’électorat israélien d’autant plus que, comme vous le dites, il en va de son avenir politique. Cela dit, entre les promesses électorales et la réalité, il peut y avoir un monde. Une telle décision ne peut être prise dans l’immédiat après les élections. Il faut attendre la formation du gouvernement israélien, ce qui ne sera pas facile pour Netanyahu même s’il remporte les élections. Ensuite, il devra faire face à la communauté internationale car une telle annexion est hautement dangereuse. Et la communauté internationale a déjà condamné les propos de Netanyahu.

— Et si jamais c’est l’alliance Bleu et Blanc qui l’emporte, quels seront les scénarios ?

— Les questions et les crises qui ont entravé la formation rapide du gouvernement suite aux dernières législatives existent toujours. Donc, quel que soit le vainqueur, le futur gouvernement devra faire face à d’importantes crises. Mais il faut noter que si la coalition Bleu et Blanc gagne, les Palestiniens peuvent retourner à la table des négociations car cette coalition représente le parti du centre, ce qui encouragera les Palestiniens et leur donnera une lueur d’espoir pour le processus de paix.

— Reporté à plusieurs reprises, le deal du siècle devrait être annoncé après les législatives israéliennes. Cette annonce aura-t-elle finalement lieu ?

— Pas forcément. Il faudra d’abord attendre la formation du gouvernement israélien, ce qui peut traîner encore. Et il y a aussi la prochaine Assemblée générale de l’Onu, qui se tient ce mois-ci, et au cours de laquelle il sera sans doute question du deal du siècle. Le président palestinien, Mahmoud Abbas, y assistera et rencontrera des responsables américains. Il tentera de faire entendre sa voix et de mettre sur la table ce qui convient aux Palestiniens. Cela dit, si les Etats-Unis veulent imposer leur plan, ils le feront. L’important pour Washington n’est pas le timing de l’annonce du plan, mais son contenu. Son annonce va probablement être retardée encore.

Mais il y a d’autres parties qui tentent de trouver des alternatives. La France essaie de jouer un rôle (non annoncé) loin de celui des Américains. Récemment, il y a eu en France des négociations secrètes entre Israéliens et Palestiniens. Elles étaient axées sur le côté économique des accords entre les deux parties. C’est en soi un pas en avant que les deux parties se mettent sur une table de négociations par les temps qui courent.

— Que signifie la récente démission de l’émissaire américain pour le Proche-Orient, Jason Greenblatt? Washington se trouve-t-il dans une impasse ?

— Jason Greenblatt, l’émissaire américain pour la paix au Proche-Orient, a démissionné le 5 septembre, mais il reste en fonction encore quelques semaines. Le nom de son successeur n’a pas été annoncé, mais on parle déjà de l’un de ses assistants, Avi Berkozitw, connu déjà comme le bras droit de Jared Kushner. Berkozitw est très jeune, mais il est proche de tous les dossiers critiques et connaît bien tous les détails. Il a accompagné Greenblatt dans toutes ses visites au Proche-Orient. Il n’a pas de nouvelles idées et il ne changera rien dans le plan américain. Il sera chargé de certaines tâches qu’il devra simplement accomplir.

— Cette démission est tout de même le signe qu’il existe des différends à ce sujet au sein de l’Administration américaine ...

— Certainement. On ne connaît pas les raisons réelles de cette démission. Selon les rumeurs, Greenblatt a voulu changer certains détails dans le plan de paix américain pour être plus applicable, mais le président Donald Trump et l’ambassadeur des Etats-Unis en Israël, David Friedman, ont refusé. On sait que Friedman est le vrai designer du plan américain et que son rôle est le plus important. Donc, la démission de Greenblatt n’aura pas de grosses incidences sur le plan américain. On sait aussi que certains négociateurs comme Martin Indyk et Dennis Ross ont voulu changer certains articles dans ce plan.

— Mais Trump n’est-il pas contraint de trouver une issue avant les prochaines élections américaines prévues fin 2020 ?

— Non, pas obligatoirement. Il n’y a aucun lien entre l’annonce du plan de paix et les élections américaines. Le président américain n’est pas obligé d’annoncer le plan de paix d’abord. Trump n’est pas pressé, et il jouit d’une bonne popularité, il peut tout à fait être réélu .

*L’entretien a été effectué et le journal imprimé avant la publication des résultats des élections législatives israéliennes.

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique