A gauche, le premier ministre sortant, Youssef Chahed, chef du parti Tahya Tounès, à droite, Abdelfattah Mourou, président du parlement par intérim et représentant
du parti islamiste Ennahda, deux figures importantes de la présidentielle du 15 septembre.
Vingt-six candidats sont en lice pour l’élection présidentielle en Tunisie— la deuxième depuis la chute de Ben Ali en 2011— dont le premier tour est prévu le 15 septembre. La campagne électorale a été lancée samedi 31 août à l’étranger et lundi 2 septembre en Tunisie, elle se poursuivra jusqu’au 11 septembre 2019, a annoncé une source de l’Instance Supérieure Indépendante Electorale (ISIE). Le scrutin, initialement programmé pour la mi-novembre, a été avancé à la suite du décès, le 25 juillet, du chef de l’Etat, Béji Caïd Essebsi. C’est la première fois que la présidentielle se déroulera avant les élections législatives, prévues, elles, le 6 octobre.
En fait, le concours présidentiel cette fois est différent de celui de 2014 avec la présence de candidats de plusieurs mouvements politiques.Lors de la dernière élection présidentielle, en novembre 2014, il y avait déjà une opposition entre un camp considéré comme moderniste progressiste incarné par la candidature de l’ancien président Béji Caïd Essebsi, et de son parti Nidaa Tounès, et un camp considéré comme étant plutôt conservateur incarné par Moncef Marzouki. Mais cette année, l’échiquier politique est beaucoup plus éclaté. « L’une des caractéristiques de cette élection, c’est la division de ce fameux camp progressiste moderniste, avec plusieurs candidatures qui ne sont pas validées par le parti du président— puisqu’il n’y en a qu’une— , mais qui sont dans la tendance présidentielle et qui incarnent cet héritage du président Béji Caïd Essebsi », explique à RFI le chercheur Vincent Geisser.
En fait, plusieurs poids lourds se sont présentés à la course présidentielle, à leur tête, le premier ministre sortant, Youssef Chahed. Ce dernier a annoncé sa candidature lors du Conseil national de son parti, Tahya Tounès, le 8 août, en insistant sur le fait qu’il ne démissionnerait pas de ses fonctions. Il mise sur son expérience du pouvoir pendant trois ans et sur son jeune parti, qui revendique 80000 adhérents. Mais certains partis lui reprochent déjà une possible utilisation des ressources de l’Etat et de sa fonction à des fins électorales. Il devra aussi faire face à un rival de taille, le candidat du parti dont il était issu, Nidaa Tounès, qui a choisi un fidèle de M. Essebsi devenu en quelques semaines un phénomène médiatique: l’actuel ministre de la Défense, Abdelkrim Zbidi. Ce dernier est considéré comme la deuxième candidature de poids, d’autant plus qu’il est le candidat officiel du parti du président défunt Béji Caïd Essebsi. Le point central de cette présidentielle est donc, selon les analystes, que l’on risque d’être plus dans une guerre de personnes que dans une guerre de programmes ou d’idées.
Figure aussi le célèbre homme d’affaires Nabil Karoui, propriétaire de la fameuse chaîne intermaghrébine Nessma TV, aussi candidat de l’ex-parti du président Béji Caïd Essebsi. Bien que sa chaîne soit dans sa mouvance, et ait fait beaucoup pour son élection, sa chance est affaiblie après sa détention en prison pour blanchiment d’argent et corruption. La femme s’est présentée aussi avec la candidature de l’avocate populiste Abir Moussi, candidate du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD, parti de l’ex-président Ben Ali, dissous après la révolution).
Retour d’Ennahda ?
Quant au parti islamiste modéré Ennahda, premier parti à l’Assemblée, il présente pour la première fois un candidat à la présidentielle. Abdelfattah Mourou, président du parlement par intérim et vice-président du parti, portera les couleurs de son parti lors du scrutin du 15 septembre. Les prises de position libérales d’Abdelfattah Mourou, son humour et ses tenues vestimentaires, toujours très fidèle à l’habit traditionnel tunisien, en font un candidat idéal, mais qui n’a pas forcément toutes ses chances. « Il est clair que beaucoup de Tunisiens ne sont pas prêts à ce que le pays ait un président nahdhaoui (membre d’Ennahda) », explique un cadre du parti, cité par RFI, montrant la peur de l’image d’Ennahda comme un parti islamiste. « C’est pourquoi nous avons voulu présenter quelqu’un qui ne représente pas le clivage identitaire des dernières élections », précise-t-il.
Pourtant, selon les analystes, le clivage islamistes contre progressistes va sans doute réapparaître. Or, la situation diffère de celle de 2014, lorsque le président Essebsi avait rassemblé les Tunisiens autour d’un vote contre les islamistes.
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