Les manifestations se poursuivent tout au long du pays pour le 16e vendredi consécutif.
(Photo:AFP)
Pour le 16e vendredi consécutif, les Algériens se sont mobilisés le 7 juin, lors de la première manifestation après l’annulation, le 2 juin, de l’élection présidentielle, que les manifestants rejettent en bloc. En fait, le Conseil constitutionnel algérien a annulé le 2 juin l’élection présidentielle qui était prévue pour le 4 juillet, après le rejet des deux candidats à la succession du président démissionnaire, Abdelaziz Bouteflika, qui a convoqué une nouvelle élection. Le Conseil constitutionnel a constaté « l’impossibilité » de tenir le scrutin, faute de candidats sérieux. Une première annulation avait eu lieu le 18 avril par le président Bouteflika, qui cherchait alors à gagner du temps.
En fait, la décision d’annuler l’élection est considérée comme un gain de cause pour le mouvement populaire. « C’est une victoire pour la contestation, c’est ce que la rue voulait », explique à l’AFP Dalia Ghanem Yazbeck, chercheuse au Carnegie Middle East Center basé à Beyrouth. Et d’ajouter: « Le pouvoir semble manquer de figure consensuelle pour le représenter, cela est évident aujourd’hui ». Les manifestants, rassemblés vendredi au point de ralliement de la contestation dans la capitale, ont demandé le départ des anciens fidèles du président Abdelaziz Bouteflika, dont le général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée, devenu de facto l’homme fort du pays depuis la démission, le 2 avril, du président algérien, après 20 ans au pouvoir, sous la pression du mouvement de contestation, et Abdelkader Bensalah, président par intérim. Ce dernier a réaffirmé, à la veille des manifestations, sa volonté d’organiser un scrutin à très court terme. Pourtant, selon Amira Abdel-Halim, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques d'Al-Ahram (CEPS) et spécialiste des affaires africaines, la tenue des élections est une affaire difficile, surtout qu’il n’y a pas en Algérie d’opposition forte capable de présenter des candidats qui ont une influence et une popularité. « Avant l’élection de 2014, il y avait sur la scène politique algérienne des partis politiques forts », explique l’analyste.
En effet, depuis près de 4 mois, l’Algérie est sujette à un vaste et profond mouvement de contestation populaire qui a commencé le 16 février avec une première manifestation contre un cinquième mandat de Bouteflika, et qui se répète depuis lors chaque vendredi, pacifiquement, de manière inédite.
Par ailleurs, le chemin vers une transition politique démocratique est encore long, surtout que les défis sont nombreux. Selon Amira Abdel-Halim, un grand Etat pivot comme l’Algérie, doté de ressources naturelles, de pétrole et de gaz, est convoité par plusieurs instances extérieures et intérieures. « Les grands hommes d’affaires, fidèles de l’ancien régime et le courant islamiste ont des intérêts, surtout avec les puissances étrangères, et donc chaque partie va s’efforcer de protéger ses intérêts, ce qui suscite l’inquiétude », indique l’analyste.
Les leaders de la contestation accusent le clan Bouteflika, le FLN et les hommes d’affaires d’avoir créé un Etat providence dispendieux et inefficace pour maintenir la paix sociale.
L’impasse
Aucune date n’a été fixée pour une nouvelle élection, alors que le mandat du président par intérim prend fin officiellement le 9 juillet. S’affranchissant ouvertement de l’ordre juridique, le Conseil constitutionnel vient de prolonger son mandat pour une durée indéterminée, ce qui fera basculer le système politique dans une impasse totale. Essayant de sortir de cette crise, Bensalah a appelé jeudi à un dialogue entre « la classe politique » et « la société civile ». La première, cependant, est totalement discréditée, et la deuxième n’a pas encore réussi à se trouver de leaders susceptibles de la représenter. C’est pourtant par là que doit commencer l’indispensable transition politique algérienne. « Les défis sont nombreux, et donc les technocrates et les académiques qui dirigent le mouvement de contestation doivent s’unir et rejeter toute divergence pour pouvoir choisir leurs représentants et dialoguer, c’est un moyen pour sortir de l’impasse », pense l’analyste.
Mais pour que ce dialogue ait une chance de s’ouvrir, le général Gaïd Salah doit donner à la rue des gages de transparence et de sincérité quant au respect du processus de transition démocratiquement organisé. C’est la seule issue responsable pour l’Algérie, alors que les images du Soudan étaient présentes dans les esprits des manifestants. En outre, la communauté internationale encourage elle aussi tout processus qui mène à la stabilité dans ce pays. « L’Algérie a un rôle important dans la lutte antiterroriste dans la région du Sahel, et donc son instabilité va négativement influencer cette lutte, ce qui suscite la crainte des Européens », conclut Amira Abdel-Halim.
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