L’indonésie, troisième plus grande démocratie au monde, est tombée dans le piège des violences post-électorales. Jakarta est placée sous haute sécurité. 58 000 policiers et militaires ont été déployés dans les rues de la capitale depuis la publication, mardi 21 mai, des résultats de l’élection présidentielle du 17 avril, contestés par l’opposition. La victoire du président sortant Joko Widodo a déclenché des manifestations de colère, des partisans de Prabowo Subianto, candidat de l’opposition.
Commencé pacifiquement, le mouvement de protestation a rapidement dégénéré faisant de nombreuses victimes. 7 morts, une centaine de blessés, dont 9 policiers, 400 personnes arrêtées. Tel est le dernier bilan des incidents rapportés, jeudi 23 mai, par le porte-parole de la police nationale, Dedi Prasetyo, à l’AFP. Et d’ajouter: « Nous avons arrêté plus de 300 suspects. Nous les interrogeons et nous avons des preuves qu’il s’agit d’un mouvement organisé ».
En effet, le scrutin du 17 avril, auquel plus de 190 millions d’Indonésiens étaient appelés à voter, est la plus grande élection jamais organisée dans le pays, qui compte la plus importante population musulmane au monde. Rejetant le résultat, Subianto, l’ex-général, a fait appel, vendredi 24 mai, à la Cour constitutionnelle, invoquant des « fraudes massives » non confirmées ni par l’organe de supervision électorale indonésien, ni par les observateurs indépendants. Même avant la publication des résultats, le candidat d’opposition a contesté le décompte des voix et a déclaré avoir remporté l’élection en citant des sondages alternatifs. Quant au président vainqueur, il se réfrénait de crier victoire depuis plus d’un mois en attendant les résultats officiels. Surnommé « Jokowi », Widodo a obtenu 55,5% des voix, contre 44,5 % pour son adversaire, selon la commission électorale (KPU). « Nous serons les dirigeants et les protecteurs de tous les Indonésiens », a promis Joko Widodo devant la presse, aux côtés de son colistier Ma’ruf Amin. Le président musulman modéré qui, dans ses discours, défend la diversité du pays, a néanmoins choisi le prédicateur islamiste conservateur Ma’ruf Amin comme candidat à la vice-présidence. Une stratégie destinée à donner des gages à l’électorat musulman conservateur, important dans le pays. Un choix qui a inquiété les plus progressistes.
Le lourd passé de Subianto
Arrivé à la tête de l’Indonésie en 2014 avec 53,15 %, après la défaite du même adversaire, Widodo a fait campagne pour son deuxième mandat en s’appuyant sur le boom des infrastructures réalisées sous sa présidence : construction de routes, aéroports et autres infrastructures, dont la première ligne de métro de Jakarta, ouverte en mars. A cela s’ajoute la bonne santé de la principale économie d’Asie du Sud-Est.
Malgré les craintes de certains, des observateurs estiment que la réélection de Widodo est un choix convenable, pointant un possible recul de la démocratie si l’ancien général était élu à la place. « Nous ne savons pas ce que Subianto fera s’il gagne et si les contraintes institutionnelles le limitent », souligne à l’AFP Evan Laksmana, chercheur au Centre des études stratégiques et internationales de Jakarta. Une crainte logique lorsqu’on connaît le passé militaire controversé du candidat de l’opposition et ses liens avec le régime du dictateur Suharto, dont il a été le beau-fils. Il a ordonné notamment l’enlèvement d’activistes pro-démocratie au moment de la chute du régime de Suharto en 1998 et a été accusé de graves abus pendant le conflit au Timor oriental. C’est ainsi que les ambitions de Subianto ont longtemps été rendues compliquées du fait de ses liens et ses actes.
Tentant d’attirer plus de voix, Subianto s’est aussi rapproché des groupes islamiques les plus radicaux et a promis une hausse des dépenses dans le secteur de la défense et de la sécurité. Sur le plan économique, il a vanté une politique protectionniste « Indonesia first », inspirée de Donald Trump, et a également promis de remettre en cause des milliards de dollars d’investissements chinois dans le pays. Par ces arguments, le candidat Subianto a récolté un large nombre de voix.
Pour de nombreux Indonésiens, répartis sur un vaste archipel de 17000 îles, le plus important est une transition pacifique, quel que soit le vainqueur.
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