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Le rêve de la paix toujours fragile

Maha Al-Cherbini avec agences, Mardi, 25 juin 2013

Même si elle constitue un espoir de paix, l'ouverture d'un bureau de représentation pour les talibans à Doha ne semble pas, pour l'heure, à même de mettre fin à une guerre féroce qui ronge le pays depuis 12 ans.

Paix
Les négociations entre John Kerry et les responsables qatari visaient à relancer un processus de paix menacé. (Photo : AP)

Après 18 mois de tractations secrètes, les talibans afghans ont enfin ouvert à Doha, au Qatar, leur bureau de représentation destiné à favoriser « le dialogue avec les pays du monde ». Une mesure qui relance les espoirs de paix dans un pays ruiné par 12 ans de guerre, et ce, au moment où les forces de l’Otan s’apprêtent à quitter le pays en 2014. « L’installation officielle d’une représenta­tion des talibans est un premier pas histo­rique vers des négociations de paix », s’en­thousiasment les analystes.

Saluant l’ouverture du bureau de représen­tation taliban, les Américains ont annoncé une « rencontre officielle avec les talibans dans quelques jours en vue de discussions de paix ». Cette attitude des Américains reflète leur volonté de se débarrasser au plus vite du fardeau afghan. Les Etats-Unis se sont dit prêts à discuter avec les talibans d’un échange de prisonniers, un soldat américain détenu depuis 2009 contre les islamistes emprison­nés à Guantanamo.

Or, ces espoirs de paix se sont très vite estompés, car pour les talibans le début d’un dialogue ne signifie pas l’arrêt des violences. Pour preuve, une attaque a été revendiquée vendredi par les tali­bans contre la base américaine de Bagram, au nord-est de Kaboul, coû­tant la vie à quatre soldats améri­cains. Un porte-parole taliban au Qatar, Mohammad Sohail Shaheen, a confirmé que les insurgés n’avaient pas l’intention d’arrêter leurs attaques en dépit d’éventuels contacts diplomatiques avec Washington. « Il n’y aura pas de cessez-le-feu avec les Etats-Unis tant que le pays n’est pas totalement libéré des envahis­seurs américains », défie-t-il.

Washington fait marche arrière

Avec une telle disparité de posi­tions, il semble peu probable que ces négociations portent leurs fruits. Les contacts de la diplomatie américaine ont déchaîné la colère du président afghan Hamid Karzaï qui redoute d’être « marginalisé ». « Le proces­sus de paix doit être mené entre Afghans. Nous ne permettrons pas à des étrangers d’utiliser le processus de paix pour poursuivre des objectifs nuisibles aux intérêts afghans », s’est insurgé Karzaï.

Karzaï a pris des mesures qui ont obligé l’administration américaine à rétropé­daler : suspension de ses négociations sur un accord de sécurité avec les Etats-Unis pour l’après-2014 et boycottage des pourparlers de paix avec les talibans à Doha. Kaboul a aussi rejeté le nom que les talibans ont donné à leur bureau de représentation à savoir l’« émirat islamique d’Afghanistan », appellation don­née à l’Afghanistan par les talibans de 1996 jusqu’à leur renversement en 2001. Avec un tel nom, les talibans affirment qu’ils sont le « gouvernement légitime de l’Afghanistan ».

Ce coup de sang a vite gelé les préparatifs des rencontres entre Américains et talibans, Washington tentant de contenir la colère de son allié afghan. Pour raccommoder les choses, le Qatar et les Etats-Unis ont fait pres­sion sur les talibans pour changer le nom de leur bureau de représentation et le drapeau installé par les talibans dans celui-ci a été retiré. Affirmant que le processus de paix va se poursuivre malgré tout, Washington a averti samedi qu’il pourrait appeler les talibans à fermer leur bureau s’ils ne s’engageaient pas davantage à une réconciliation en Afghanistan. Faisant marche arrière, le secrétaire d’Etat John Kerry s’est rendu samedi à Doha pour discuter de cette crise avec l’envoyé spécial des Etats-Unis pour l’Afghanistan et le Pakistan, James Dobbins, et les responsables qatari. M. Kerry a affirmé que les Etats-Unis n’étaient pas encore prêts à rencontrer les talibans. Dans l’espoir d’apaiser la situation, James Dobbins s’est entretenu lundi avec Karzaï pour relancer les négociations de Doha. En fait, ce sont les talibans qui ont toujours refusé de dialoguer avec le pouvoir à Kaboul, qu’ils considèrent comme une « marionnette dans les mains des Etats-Unis ».

A la lumière de cette impasse, le chemin de la paix s’annonce déjà parsemé d’embûches. Les observateurs mettent en garde contre l’éclatement d’une guerre civile après le retrait occidental.

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