Manier la carotte et le bâton pour tirer le plus de gains possible. Telle est la politique adoptée par le leader nord-coréen, Kim Jong-un, depuis sa rencontre avec son homologue américain Donald Trump le 12 juin dernier, qui a débouché sur un accord de dénucléarisation de la péninsule coréenne. Or, six mois après ce meeting historique, aucun pas tangible n’a été franchi sur le terrain et aucun calendrier n’a été établi pour le désarmement de son pays. Et dans son allocution traditionnelle du Nouvel An, le dirigeant nord-coréen semble souffler le chaud et le froid. Il a d’abord réaffirmé son engagement à ne pas « produire » ni « multiplier » des armes atomiques, appelant à la tenue d’un second sommet avec Trump, afin d’instaurer la paix sur la péninsule coréenne : « Je suis toujours prêt à m’asseoir avec le président américain à tout moment et à faire des efforts pour produire un résultat qui satisfera la communauté internationale », a-t-il appelé. Et dans le même temps, Kim Jong-un a menacé Washington de reprendre la politique d’escalade si Trump ne contribue pas à alléger les sanctions américaines et onusiennes qui étranglent la fragile économie de son pays. Outre l’allègement des sanctions, le dirigeant nord-coréen exige un arrêt complet des exercices militaires américains en Corée du Sud. « Nous pourrions être contraints d’explorer une nouvelle voie pour défendre la souveraineté de notre pays », a-t-il mis en garde.
Analysant les motifs de ce changement de tactique nord-coréenne, Dr Hicham Mourad, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, explique : « Après une année 2017 sous haute tension, Kim a décidé l’année dernière de suspendre ses essais nucléaires et de s’engager à travailler à la dénucléarisation de la péninsule pour obtenir plusieurs résultats : atténuer la pression militaire américaine sur son pays, alléger les sanctions internationales et casser son isolement sur la scène internationale, outre les gains économiques qui serviraient à son régime. Or, après six mois conduisant à une impasse, le président nord-coréen a commencé à s’inquiéter et à s’impatienter, surtout après l’imposition de nouvelles sanctions américaines et l’annulation soudaine, le 7 novembre dernier, de la rencontre entre le négociateur nord-coréen, Kim Yong-Chol, et le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo. Des actes qui l’ont poussé à revenir au langage des menaces, car il veut des résultats tangibles et des concessions concrètes de la part des Etats-Unis, avant de faire ne serait-ce qu’un pas sur la voie du démantèlement de son arsenal nucléaire. Une façon de jeter la balle dans le camp des Américains », explique le politologue.
Si l’on regarde d’abord du côté américain, on sent qu’il est bien dans l’intérêt de Trump d’aboutir à une percée avec la Corée du Nord, dossier qui pourrait être son unique succès diplomatique avant la fin de son mandat en janvier 2021. Aussi, le président américain a rapidement salué cette semaine l’offre de dialogue de Pyongyang, affirmant que des négociations étaient en cours pour préciser le lieu du second sommet avec Kim Jong-un qui pourrait avoir lieu en janvier ou en février prochain.
Cette volonté américaine de dialogue ne signifie pas pour autant que l’Administration Trump ferme les yeux sur l’absence de progrès en matière de dénucléarisation nord-coréenne. Une impasse qui a poussé l’Administration américaine à accentuer la pression sur Pyongyang mi-décembre, en sanctionnant trois dirigeants nord-coréens, dont l’un des plus hauts responsables d’un régime accusé d’être parmi « les pires » au monde pour les droits de l’homme. S’insurgeant contre les sanctions américaines, Pyongyang a affirmé qu’il s’agissait d’« une tactique pour obtenir des concessions en matière nucléaire ». Une accusation fondée, selon les experts. Pour Dr Mourad, ces pressions américaines ne vont pas forcément remporter leurs fruits, « car il serait difficile pour Pyongyang de renoncer à son programme nucléaire qui lui servirait de rempart en cas d’agression américaine, ou au moins d’un outil de chantage pour faire pression sur la communauté internationale. Pour l’heure, nul ne peut assurer que Pyongyang est sincère dans sa volonté de dénucléarisation, car le régime nord-coréen a fait cette même ouverture deux fois auparavant. En 1991 et en 2001, les leaders nord-coréens ont engagé un dialogue avec la communauté internationale dans l’objectif de la dénucléarisation et ils en ont collecté d’énormes gains économiques, puis, ils ont trahi leurs engagements en poursuivant leur programme nucléaire. 2019 sera, ou pas, l’année de la crédibilité pour Pyongyang », conclut l’expert.
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