La réunion historique, qui s’est déroulée à Singapour en juin dernier entre le président américain, Donald Trump, et son homologue nord-coréen, Kim Jong-un, était fort prometteuse, semant l’espoir en une « dénucléarisation complète et rapide » de la péninsule coréenne après des années de tensions. Or, six mois après cette rencontre, aucune avancée concrète n’a été réalisée sur le terrain et aucun calendrier précis pour le démantèlement de l’arsenal nucléaire nord-coréen n’a été avancé par Kim Jong-un, dont les promesses sont restées lettre morte.
Des images satellites diffusées la semaine dernière par la chaîne américaine CNN ont démontré que Pyongyang avait développé une importante base de missiles longue portée au cours des six derniers mois. Cette base pourrait abriter de nouveaux missiles longue portée nord-coréens, dont ceux capables de transporter des ogives nucléaires. « Kim Jong-un a fait une manoeuvre réussie. Après des années de menaces, il a décidé de souffler le chaud et le froid avec Washington, afin de réaliser des acquis économiques et politiques qui pourraient sauver son régime démuni, isolé et en proie à de lourdes sanctions. En passant du langage du défi à celui des négociations, Kim Jong-un a fait d’une pierre plusieurs coups : atténuer la pression militaire américaine sur son pays, réduire la possibilité de frappes préventives, éviter de nouvelles sanctions internationales, obtenir une reconnaissance internationale et gagner la sympathie de ses alliés chinois et russe. Je pense qu’il est difficile que la Corée du Nord renonce à l’arme atomique indispensable pour la protéger d’une invasion américaine. Le scepticisme nord-coréen était de plus en plus alimenté par le retrait de Trump de l’accord nucléaire iranien », explique Dr Mohamad Kachkouch, conseiller au Centre régional des études politiques et stratégiques.
Sanctions américaines
Régulièrement accusée d’avoir fermé les yeux sur la répression politique en Corée du Nord pour privilégier des avancées sur le désarmement nucléaire, l’Administration Trump a sanctionné cette semaine — sur fond d’impasse dans les négociations de dénucléarisation — trois dirigeants nord-coréens, dont l’un des plus hauts responsables du régime. Ces sanctions ont été décidées après la publication, le 10 décembre, d’un rapport du département d’Etat qui critique férocement le régime nord-coréen, qualifié de « l’un des pires régimes au monde en matière de violations des droits de l’homme ». Le texte dénonce les « meurtres extrajudiciaires, le travail forcé, la torture, les viols commis au nom de la répression politique ». C’est la première fois que de hauts responsables du régime de Pyongyang soient directement sanctionnés par Washington depuis le sommet de juin. Il s’agit aussi de la critique la plus virulente adressée aux autorités de Corée du Nord depuis la rencontre Trump-Kim en juin dernier. S’insurgeant contre les sanctions américaines, des responsables nord-coréens ont affirmé qu’il s’agissait d’« une provocation politique et une tactique pour obtenir des concessions en matière nucléaire ». Une accusation qui ne manque pas de crédibilité car, selon les experts, Washington se sert de la question des droits de l’homme pour faire pression sur Pyongyang en matière nucléaire.
Soufflant le chaud et le froid, le président américain a pourtant espéré cette semaine organiser un deuxième sommet avec le dirigeant nord-coréen en janvier ou février 2019. « Trump ne veut pas gâcher son seul succès en matière de politique étrangère, surtout qu’il ne cesse d’accumuler des échecs sur tous les dossiers chauds de la planète depuis son accession au pouvoir en janvier 2017. C’est pourquoi il garde la porte entrouverte avec Pyongyang et tient à poursuivre ses négociations avec le régime nord-coréen », conclut Dr Kachkouch.
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