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Impuissant, Téhéran tente de garder la tête haute

Maha Al-Cherbini, Mardi, 06 novembre 2018

Le nouveau train de sanctions américaines — les plus dures — contre Téhéran est entré en vigueur cette semaine. N’ayant presque aucune marge de manoeuvre, les Iraniens tiennent pourtant à paraître plus défiants que jamais.

Avec l’imposition, le dimanche 4 novembre, des sanctions américaines les plus draconiennes visant le secteur bancaire et celui du pétrole en Iran, les Etats-Unis infligent à l’Iran des pertes bien plus que financières : arrêt de mort de l’accord sur le nucléaire signé en 2015, crise économique, risque d’une nou­velle grogne sociale et isolement sur la scène internationale. Mais au lieu de céder le pas face à Washington, Téhéran a paru plus défiant que jamais. Samedi 3 novembre, le guide suprême d’Iran, Ali Khamenei, a accusé le président amé­ricain, Donald Trump, d’avoir « discrédité ce qui restait du prestige des Etats-Unis » qui, selon lui, seront les « ultimes perdants » de cette politique. Relevant de plus en plus le défi, l’Iran a affirmé avoir lancé la production en série du Kowsar, un important avion de combat destiné à son armée de l’air pour transporter une grande variété d’armements. Il pourra également être utilisé pour de courtes missions de soutien aérien. Il s’agit d’un pas important, car l’armée de l’air iranienne est actuellement faiblement dotée et utilise des avions de combats russes ou américains acquis avant la révolution. Une poli­tique à haut risque. « Le régime iranien ne fait que mettre de l’huile sur le feu. Tous ces défis sont voués à l’échec et ne sauveront pas l’écono­mie iranienne. Téhéran a perdu le jeu face à la première superpuissance de la planète et finira tôt ou tard à revenir à la table des négociations pour discuter d’un accord complémentaire sur son système de missiles balistiques et la non-ingérence dans les pays du Moyen-Orient. L’Iran n’aura pas d’alternative, surtout après que ses alliés européens n’ont réussi ni à le sau­ver ni à même sauver son accord », explique Mohammed Mohsen Abo El-Nour, fondateur et président du Forum arabe de l’analyse des poli­tiques iraniennes.

Côté européen, c’est la même impuissance. Dans une dernière tentative de dissimuler leur échec à sauver l’accord, les Européens ont « vivement » regretté la réimposition de sanctions contre l’Iran. « Nous avons pour objectif de protéger les acteurs économiques européens qui sont engagés dans des échanges commerciaux légitimes avec l’Iran. L’accord est essentiel pour la sécurité de l’Europe, de la région et du monde entier », affirme un communiqué commun signé par la chef de la diplomatie de l’UE, Federica Mogherini, et les ministres français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, allemand, Heiko Mass, et britannique, Jeremy Hunt. Selon M. Abo El-Nour, cette déclaration « vise à sauver la face des Européens. Mais, en fait, le bloc européen a vendu l’Iran et a échoué à sauver son pacte. Il a opté pour ses intérêts avec les Etats-Unis », explique le politologue.

Huit pays exemptés temporairement

Le président américain a cependant fait un geste inattendu en exemptant 8 pays des sanc­tions. Désormais, la Corée du Sud, l’Iraq, Taïwan, Singapour, l’Inde, la Chine et la Turquie seront autorisés — pour une période de 2 à 6 mois — à continuer d’acheter du pétrole iranien. Ce n’est pourtant pas un cadeau à Téhéran. « Cette exception n’est que temporaire et a un double objectif pour Washington. Le premier est de donner un espace de temps à ces 8 pays, qui comptent largement sur le pétrole iranien, à s’en passer, surtout qu’ils ont promis aux Etats-Unis de ramener leurs importations du brut iranien vers zéro. Le second motif est plutôt humain. Ces 8 pays vont acheter du brut iranien, mais l’argent sera déposé dans une banque occi­dentale que les Etats-Unis vont choisir. Les Etats-Unis vont dépenser ces fonds sur les besoins humanitaires les plus élémentaires du peuple iranien en conformité avec les règles internationales : nourriture, médicaments, pro­duits pharmaceutiques, dispositifs médicaux et vaccins. Washington veut ainsi montrer à la communauté internationale qu’il punit le gou­vernement iranien et pas le peuple iranien », conclut M. Abo El-Nour.

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