C’est en pleine tourmente politique qu’a été annoncée la candidature du président algérien, Abdelaziz Bouteflika, à la présidentielle prévue en 2019. C’est ce qu’a affirmé dimanche 29 octobre le patron du Front de Libération Nationale (FLN), Djamel Ouled Abbes, cité par l’agence de presse d’Etat APS. « Le président Bouteflika, également président du parti, est le candidat du FLN à l’élection présidentielle prévue en 2019 », a déclaré M. Ouled Abbes, réputé être un proche de longue date du chef de l’Etat, lors d’une cérémonie en l’honneur du nouveau chef du groupe parlementaire du parti, Mohamed Bouabdallah. Selon lui, « cette candidature est une revendication de tous les cadres et militants du FLN sur l’ensemble du territoire national ». Le comité central (instance dirigeante) du FLN se réunira prochainement pour officialiser cette candidature. En revanche, le président lui-même ne s’est toujours pas exprimé sur la question.
Pourtant, ces dernières semaines, l’incertitude autour d’une nouvelle candidature du chef de l’Etat a monopolisé ces derniers mois le débat politique en Algérie. Des rumeurs circulaient, selon lesquelles le président algérien ne briguerait pas un 5e mandat, notamment en raison de son état de santé. Car M. Bouteflika, âgé de 81 ans, est diminué par les séquelles d’un Accident Vasculaire Cérébral (AVC) dont il a été victime en 2013. Chef de l’Etat depuis 1999 et détenteur du record de longévité à la tête de l’Algérie, il ne fait que de rares apparitions, sur un fauteuil roulant, et ne s’exprime plus en public depuis son AVC. Sa santé fait l’objet de spéculations récurrentes.
Si sa nomination devient officielle, il ne fait aucun doute que Abdelaziz Bouteflika sera réélu. Outre son parti, le FLN, il a le soutien de plusieurs autres formations: le Rassemblement National Démocratique (RND) du premier ministre Ahmed Ouhayia, les islamistes du Rassemblement de l’Espoir de l’Algérie (TAJ), d’autres membres de la majorité présidentielle, la centrale syndicale UGTA, l’ex-syndicat unique, ou encore le Forum des Chefs d’Entreprises (FCE), principale organisation patronale.
En face, les opposants à un nouveau mandat de M. Bouteflika restent dans l’immédiat peu audibles et semblent se résigner à ce qui leur apparaît inéluctable. Mais ils tentent tant bien que mal à se faire entendre. Le 13 octobre dernier, le mouvement Mouwatana (citoyenneté), a estimé, dans une déclaration rendue publique, que « l'élection présidentielle de 2019 peut être une opportunité pour un changement de régime sans violence et sans déstabilisation pour le pays ». Dans cette déclaration, le mouvement déclare: « Le 5e mandat pour l’actuel président, illégal du point de vue constitutionnel et immoral au vu de l’état de santé de l’intéressé, ne peut que prolonger et complexifier la crise et n’être en aucun cas sa résolution. Le bilan pathétique des quatre mandats et le désastre général de l’état des lieux sont loin de plaider en faveur d’une quelconque continuité ».
Imbroglio au parlement
A la polémique sur la tête de l’exécutif s’est ajoutée ces derniers jours une vraie crise à la tête du pouvoir législatif. L’Assemblée Populaire Nationale (APN) a élu mercredi 24 octobre son nouveau président, mais le sortant, en conflit ouvert avec la majorité parlementaire, se proclame légalement toujours en fonction, laissant craindre un possible imbroglio institutionnel. Mouad Bouchareb, 47 ans, a été élu sans surprise président de l’Assemblée Populaire Nationale (APN), par 320 voix et une abstention. Il était jusqu’ici chef du groupe parlementaire du FLN, qui détient 161 des 462 sièges à la Chambre basse. Unique candidat, il était également soutenu par les 100 députés du RND et par ceux de deux autres partis de la majorité présidentielle.
Mais le président sortant, Saïd Bouhadja, 80 ans, lui-même membre du FLN, a martelé qu’il « reste et demeure le président légal et légitime de l’APN » et dénoncé une « atteinte » à « l’Etat de droit », à « la séparation des pouvoirs » et au « respect des institutions ». Selon la Constitution algérienne, « le président de l’APN est élu pour la durée de la législature » et aucune procédure légale de destitution n’est prévue. Les députés de la majorité ont donc argué de « l’incapacité » de M. Bouhadja à « assurer ses fonctions, du fait de son désaccord avec les députés et son refus de démissionner » pour constater « la vacance » du poste. En fait, Saïd Bouhadja était accusé notamment de « mauvaise gestion », et cinq partis de la majorité, dont le FLN et le RND, réclament en vain depuis fin septembre sa démission. Le 16 octobre, quelque 200 députés de la majorité ont même bloqué l’entrée du parlement et en ont cadenassé la porte, pour en empêcher l’accès à M. Bouhadja.
L’opposition, qui a assisté en spectateur à cette scène et à l’élection controversée du président de l’assemblée, a dénoncé une lutte politique entre clans du pouvoir et une atteinte aux institutions. Et, en réaction, l’un des partis de l’opposition, le Front des Forces Socialistes (FFS, 14 députés sur 462), a annoncé samedi 27 octobre avoir décidé de suspendre ses activités au sein du parlement algérien, dénonçant dans un communiqué « la mainmise du pouvoir exécutif sur le législatif, que les partis de l’allégeance et leurs supplétifs ont transformé en simple comité de soutien aux politiques défaillantes qui ont mis en péril l’avenir du pays ». « Depuis le début de la mandature, le FFS s’est démarqué de l’ancien président de l’assemblée et se démarquera de l’actuel président, tous les deux illégitimes », a ajouté ce parti.
Ces développements sont intervenus quelques semaines à peine après une autre tourmente, cette fois au sein de l’institution militaire. Mi-octobre, cinq généraux algériens ont été limogés et placés en détention provisoire pour des malversations présumées.
Le général Menad Nouba, ex-commandant de la Gendarmerie nationale, les généraux Habib Chentouf, Saïd Bey et Abderrazak Chérif, anciens chefs de régions militaires, et le général Boudjemaâ Boudouaour, ex-directeur des finances au ministère de la Défense, ont comparu devant un juge d’instruction du tribunal militaire de Blida (50 km au sud d’Alger), selon ces sources. Ces cinq généraux avaient été mis à la retraite dans le cadre d’une vague de limogeages ayant touché ces trois derniers mois la haute hiérarchie militaire algérienne. Des limogeages qui ont suscité de nombreuses questions à huit mois de la présidentielle de 2019 .
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