Les électeurs afghans doivent choisir entre 2 500 candidats et renouveler les 249 sièges du parlement.
(Photo:AFP)
Quinze millions d’Afghans sont appelés aux urnes le 20 octobre prochain pour choisir entre 2500 candidats et renouveler les 249 sièges du parlement. La plupart des membres actuels du parlement, dont beaucoup traînent une réputation de corruption et d’inefficacité, sont candidats à leur réélection. Ils seront concurrencés par des centaines de nouveaux venus en politique, descendants d’anciens seigneurs de guerre ou membres de la société civile. Malgré les appels de boycott lancés par les talibans, la campagne électorale s’est ouverte fin septembre avec des slogans tels que « changement » et « justice ».
Mais ces élections, repoussées depuis plus de trois ans, sont celles de tous les doutes, avec des maux endémiques comme la bureaucratie et la fraude, et surtout une insécurité persistante. La semaine dernière, les talibans et Daech ont promis de perturber le scrutin, lançant un appel à la violence pour mettre en échec les législatives.
La liste des violences est longue: les talibans ont commis un double attentat suicide contre des soldats américains et afghans samedi 13 octobre faisant des dizaines de morts et de blessés parmi les militaires afghans et américains, alors que le même jour, un double attentat contre deux bureaux de vote a endeuillé la campagne électorale avec de nombreuses victimes. Et les risques ne sont pas mineurs, puisque le pouvoir contrôle à peine la moitié du pays alors que le reste est contrôlé par les talibans, Daech et les anciens chefs de guerre. « La guerre en Afghanistan est en voie de dépasser les 20000 morts en 2018, civils compris », déplore l’International Crisis Group, alors que l’Onu a déjà comptabilisé le plus grand nombre de pertes civiles dans la première moitié de 2018, avec 1692 morts.
Dans une tentative d’assurer la sécurité des législatives, 54000 membres des forces de sécurité afghanes seront chargés d’organiser la protection des 5000 bureaux de vote. Par ailleurs, la communauté internationale va surveiller le vote avec attention pour deux motifs: s’assurer de l’efficacité de l’aide financière apportée à Kaboul, surtout que ce vote survient un mois avant une importante conférence de l’Onu à Genève, durant laquelle la communauté internationale espère convaincre les pays donateurs des progrès qu’elle a obtenus en Afghanistan. Second motif: ce vote est perçu comme une répétition générale avant l’élection présidentielle prévue en avril prochain.
Tournée de l’émissaire américain
En effet, les efforts internationaux se multiplient pour convaincre les rebelles de revenir à la table des négociations. Dans cet objectif, l’émissaire américain pour la paix en Afghanistan, Zalmay Khalilzad, a entamé, le mardi 9 octobre, une tournée d’une dizaine de jours qui a commencé par Kaboul. Dans la capitale afghane, l’émissaire américain s’est entretenu avec le président Ashraf Ghani pour débattre des moyens de convaincre les talibans de joindre le processus démocratique. Après 17 ans de guerre sans issue, les Etats-Unis — enlisés dans la guerre la plus longue— ont réalisé que la politique du bâton ne porte pas de fruit avec les talibans. Un accord sur un partage du pouvoir semble donc l’unique issue. Après Kaboul, l’émissaire américain s’est rendu au Pakistan que Washington accuse souvent de mollesse, voire de soutien aux talibans afghans, malgré les dénégations d’Islamabad. Cette brouille s’est manifestée récemment par l’annulation de 300 millions de dollars d’assistance sécuritaire américaine au Pakistan.
Comme troisième étape, l’émissaire américain s’est rendu en Arabie saoudite, jeudi 11 octobre, où il s’est entretenu avec le roi Salman avant de se rendre à Doha où il a rencontré des représentants des talibans vendredi 12 octobre pour évoquer la fin pacifique du conflit, mais la délégation afghane a qualifié de grand obstacle à la paix la présence des forces étrangères dans le pays. Il s’agit de la première rencontre officiellement confirmée des deux côtés. Juste après sa visite à Doha, M. Khalilzad est retourné samedi 13 octobre à Kaboul pour informer le président afghan des résultats de sa tournée diplomatique. Sauf que l’on ne sait toujours pas si cette offensive diplomatique a porté ses fruits.
Pour les uns, l’espoir en une percée reste limité, car les rebelles insistent à n’engager aucun dialogue avec le pouvoir avant le retrait des forces étrangères du pays. Une revendication difficile à réaliser à cause du risque que le pays ne devienne un repaire du terrorisme international après la défaite de Daech en Syrie et en Iraq et la migration de djihadistes vers l’Afghanistan. Pour les autres, ces manoeuvres diplomatiques pourraient, en revanche, aboutir à quelque chose, et ce, pour plusieurs raisons.
La première est l’inquiétude croissante des talibans face à l’implantation de Daech en Afghanistan. Ceci pourrait les pousser à négocier avec le pouvoir pour faire front uni contre Daech. Le second motif est la récente détermination des Etats-Unis à résoudre la question afghane via des négociations pour qu’ils puissent retirer leurs troupes. Le troisième est la médiation de l’Arabie saoudite, un médiateur à la fois exemplaire et crédible pour les parties afghanes en conflit. Juillet dernier, La Mecque a accueilli une conférence islamique internationale afin d’aboutir à un consensus politique international pour une solution pacifique à la crise afghane.
Fin septembre aussi, Riyad a accueilli des négociations entre les talibans et des membres du gouvernement afghan dans le même objectif. Enfin, il ne faut pas oublier que la nomination de Khalilzad début septembre comme émissaire de la paix pour l’Afghanistan est aussi prometteuse. Sa nomination reflète la bonne volonté de l’Administration américaine à résoudre le dilemme afghan: grâce à ses origines afghanes et à son poste d’ancien ambassadeur en Afghanistan, Khalilzad, qui contrôle tous les dialectes afghans, saurait bien dialoguer avec toutes les parties.
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