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Turquie-Etats-Unis: Une nouvelle page ?

Sabah Sabet avec agences, Lundi, 15 octobre 2018

Au coeur d'un bras de fer entre Washington et Ankara, le pasteur américain Andrew Brunson, détenu en Turquie depuis juillet dernier, a été libéré cette semaine. Un pas qui devrait calmer les tensions entre les deux pays.

Turquie-Etats-Unis  : Une nouvelle page  ?
Donald Trump recevant, samedi à la Maison Blanche, le pasteur américain au lendemain de sa libération. (Photo:Reuters)

« Notre sentiment à l’égard de la Turquie a changé par rapport à avant, et je pense que nous avons une chance de vraiment nous rapprocher avec la Turquie », a déclaré le président américain, Donald Trump, aux journalistes depuis le bureau ovale, après avoir reçu samedi 13 octobre à la Maison Blanche le pasteur amé­ricain Andrew Brunson au lendemain de sa libération par la Turquie. Trump a salué un « pas énorme » pour améliorer les relations « très tendues » avec Ankara après une grave crise diplomatique, mais il a tout de même nié une nouvelle fois qu’un accord ait été conclu entre Washington et Ankara pour la libération d’Andrew Brunson. En rési­dence surveillée depuis juillet dernier après 21 mois de détention, ce pasteur était accusé d’entretenir des liens avec des séparatistes kurdes et des partisans de Fetullah Gülen, opposant turc réfugié depuis 1999 aux Etats-Unis, auquel Ankara impute le coup d’Etat manqué de juillet 2016.

Transféré en résidence surveillée en juillet dernier après 21 mois de détention, Andrew Brunson a été condamné à trois ans et un mois et demi de prison, mais le tribunal d’Aliaga, au nord d’Izmir, dans l’ouest de la Turquie, a considéré vendredi dernier qu’il avait purgé sa peine. Donald Trump a adres­sé ses remerciements à son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, « pour avoir rendu cela possible ». « Ce n’était pas facile pour lui », a-t-il estimé. Mais le président turc lui a immédiatement rétorqué sur Twitter que la libération d’Andrew Brunson résultait non pas de son implication, mais d’une décision prise en toute « indépendance » par la jus­tice turque.

Ankara forcé de lâcher du lest

Le pasteur américain a été en fait au coeur d’un bras de fer entre la Turquie et les Etats-Unis, pays alliés, mais dont les relations sont déjà brouillées par plusieurs dossiers, notamment autour du conflit syrien. Et le différend avait pris de grosses proportions, Washington ayant imposé cet été une série de sanctions contre la Turquie qui ont pro­voqué l’effondrement de la livre turque en août dernier. Ankara a répliqué avec des mesures similaires.

C’est donc après plusieurs épisodes de relations perturbées que le pasteur a été libéré. Plusieurs interrogations se posent donc. « Ceci était prévu, car après les mesures américaines punitives des Etats-Unis, la Turquie ne pouvait pas résister longtemps d’autant plus que les pressions économiques menacent le projet du prési­dent turc qui veut rester au pouvoir jusqu’en 2023 et ne veut pas être en confrontation avec une telle puissance mondiale », explique Béchir Abdel-Fattah, chercheur et spécialiste dans les affaires turques.

Preuve qu’Ankara a opté pour l’apaise­ment, Erdogan a émis le 1er octobre l’espoir que les relations avec les Etats-Unis pour­ront être relancées. « Grâce à Dieu, nous espérons résoudre les problèmes avec les Etats-Unis le plus rapidement possible et développer de nouveau nos relations dans les domaines politique et économique », avait déclaré le président turc lors d’un dis­cours au parlement. Ainsi, la libération immédiate et le retour rapide du pasteur à son pays donnent du crédit aux rumeurs selon lesquelles Ankara et Washington auraient scellé un « deal » autour du sort du pasteur. « Il est certain qu’il y a un deal et qu’il y aura quelque chose en échange de cette libération, mais bien sûr, les détails de cet accord ne seront pas révélés », estime Béchir Abdel-Fattah.

La libération d’Andrew Brunson devrait largement contribuer à réchauffer les rela­tions entre les deux pays. S’il a réaffirmé qu’il n’y avait eu aucun accord avec les autorités turques pour obtenir cette libéra­tion, Donald Trump a promis d’étudier l’avenir des sanctions imposées durant l’été. « Le seul accord est psychologique: nous sommes disposés très différemment aujourd’hui (...) à l’égard de la Turquie », a-t-il lâché sans plus de précision. Le prési­dent américain a aussi estimé sur Twitter que cela allait même « conduire à des rela­tions bonnes, voire excellentes ». Mais la réponse du président turc a été relativement froide, il s’est borné à appeler de ses voeux une bonne « coopération » après avoir mis en avant l’indépendance de la justice de son pays. Ainsi, comme l’a résumé Jon Alterman, directeur de la section Moyen-Orient au Centre des études stratégiques et internatio­nales de Washington, interrogé par RFI, dans un article publié samedi 13 octobre, la libération du pasteur est « un pas nécessaire, mais loin d’être suffisant pour combler le fossé qui s’est creusé entre les Etats-Unis et la Turquie ».

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