La réunion de Genève entre John Bolton et son homologue russe a fini sans résultat tangible. (Photo : AFP)
Rappelant les airs de guerre froide, les relations entre la Russie et les Etats-Unis ne font qu’empirer à cause de plusieurs contentieux : la Syrie, l’Ukraine, les accusations d’ingérence russe dans la campagne électorale américaine de 2016 au profit de Donald Trump, l’empoisonnement de l’ex-espion russe, Sergueï Skripal, et enfin la violation russe de l’embargo imposé à la Corée du Nord. Des pommes de discorde qui rendent la perspective d’une normalisation des relations bilatérales de plus en plus chimérique surtout après l’entrée en vigueur, le mercredi 22 août, de nouvelles sanctions américaines contre Moscou. Optant pour la désescalade en dépit de l’offensive américaine contre son pays, le président russe, Vladimir Poutine, s’est contenté de qualifier ces sanctions de « contre-productives et dénuées de sens ». Selon Dr Hicham Mourad, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, Donald Trump recourt à l’escalade avec la Russie sous la pression du Congrès et des services de renseignements américains qui rejettent tout rapprochement avec la Russie. « Trump veut aussi se disculper de toute accusation de collusion entre son équipe et Moscou lors de la présidentielle de 2016, surtout après que son éventuelle destitution a été revenue d’actualité la semaine dernière et que les élections de mi-mandat du Congrès ont été prévues en novembre prochain. N’oublions pas que le président américain avait été largement critiqué après sa rencontre avec Poutine à Helsinki en juillet dernier à cause de ses propos conciliants que beaucoup ont perçus d’une manière de se ranger du côté de Moscou. Outre l’affaire de la présidentielle, l’Administration américaine, le Congrès et les services de renseignements américains tentent de faire pression sur Poutine pour qu’il arrête sa politique interventionniste et expansionniste de par le monde : annexion de la Crimée en 2014, intervention en Syrie, soutien russe à Pyongyang et à Téhéran et accusation d’ingérence dans les présidentielles américaines », explique Dr Mourad, estimant que cette politique des sanctions ne va jamais pousser un Poutine — décidé à restaurer la grandeur de la Russie — à rebrousser chemin.
Les sanctions, une monnaie d’échange
Mais parallèlement aux sanctions, les discussions se poursuivent. Ou plutôt les pressions. Le conseiller américain de la sécurité nationale, John Bolton, s’est entretenu, jeudi 23 août, avec son homologue russe, Nikolaï Patrouchev, et le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Ryabkov, à Genève dans une réunion qualifiée de prolongement du sommet qui a réuni Donald Trump et Vladimir Poutine à Helsinki en juillet dernier. Même si ces négociations ont fini sans résultat tangible, elles ont, au moins, reflété la bonne volonté des deux pays à maintenir les canaux diplomatiques ouverts pour ne pas sombrer dans une nouvelle guerre froide.
La rencontre de Genève a permis aux deux parties de débattre de nombreuses questions dont l’Ukraine, l’Iran et le soutien russe à Pyongyang qui a été à l’origine des nouvelles sanctions américaines. Quant à la question de l’ingérence russe dans les présidentielles américaines, elle a été la principale pomme de discorde car le négociateur russe a refusé de mentionner le sujet alors que l’Américain a mis en garde contre toute ingérence russe dans les élections de mi-mandat du Congrès prévues en novembre. « Nous ne tolérerons pas d’ingérence en 2018 et nous allons prendre les mesures nécessaires pour l’empêcher », a affirmé le responsable américain. Et c’est exactement ce dossier épineux qui a empoisonné l’ambiance de la rencontre et entravé la publication d’une déclaration commune.
En sus de ces points de litige, le dossier iranien a occupé une bonne partie des négociations. Sur ce dossier aussi, il était très difficile de parvenir à un terrain d’entente. Considéré comme l’un des plus durs au sein de l’Administration Trump, M. Bolton a été le véritable artisan du retrait américain de l’accord nucléaire alors que la Russie — alliée traditionnelle de Téhéran — s’oppose farouchement à ce retrait américain. A Genève, l’Américain a tenté de convaincre ses interlocuteurs russes d’exercer une pression maximale sur l’Iran pour le contraindre à arrêter son intervention dans les conflits régionaux et à renégocier l’accord nucléaire. « Il faut réduire la belligérance de l’Iran dans la région à travers une stratégie de pression maximale », a affirmé Bolton, demandant à Moscou de cesser son soutien à Téhéran pour que les sanctions américaines remportent leurs fruits. « Ce qui importe désormais pour Washington est que les sanctions contre l’Iran portent leurs fruits et aident à limiter l’ingérence iranienne dans la région. Or, ceci est difficilement réalisable tant que la Russie soutient Téhéran. Pour Washington, il faut vite faire pression sur Moscou pour qu’il arrête son soutien à Téhéran », explique l’analyste. Et de conclure : « La crise entre les deux pays ne va pas dégénérer tant qu’ils tiennent au dialogue. Quant aux sanctions américaines, elles ne sont qu’une carte de pression, voire une monnaie d’échange : Washington pourra bien les enlever si Moscou arrête sa politique expansionniste, retire ses troupes de la Crimée et arrête son soutien à l’Iran ».
En Ukraine, Bolton accentue son offensive contre Moscou
Au coeur du conflit entre Moscou et Washington, l’Ukraine — confrontée à un conflit meurtrier depuis plus de quatre ans avec des séparatistes pro-russes — a célébré vendredi 24 août le 27e anniversaire de son indépendance, qui date de 1991, avec une parade militaire d’une ampleur sans précédent. Signe du soutien américain à Kiev : le conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, a assisté à cette parade militaire sur l’avenue principale de Kiev devant des milliers de spectateurs souvent vêtus de chemises brodées traditionnelles, devenues un symbole patriotique ces dernières années face à la crise avec Moscou.
Lors de son entretien avec le président ukrainien, Petro Porochenko, le responsable américain a saisi l’occasion pour lancer un message direct à Moscou : « Les sanctions américaines infligées à la Russie resteront en vigueur jusqu’à ce que Moscou change d’attitude », a affirmé le responsable américain, en allusion à l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014. Poursuivant son offensive contre Moscou, Bolton a affirmé que son pays était prêt à aider l’Ukraine à contrer une ingérence de la Russie dans son élection présidentielle prévue en 2019.
Selon les experts, cette visite pourrait envenimer les tensions déjà vives entre les deux pays car Moscou accuse Washington d’attiser les hostilités dans l’est du pays depuis l’annexion de la Crimée. Alors que les Etats-Unis ont affirmé qu’ils assistaient simplement à une parade militaire, Moscou a qualifié la visite de Bolton d’une « inspection » et s’inquiète que cette visite signifie que Washington va soutenir le président pro-occidental pour un nouveau mandat lors de la présidentielle de 2019. Les deux pays ont du mal à dépasser leur méfiance et leur scepticisme réciproque.
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