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Le Venezuela en proie à de nouveaux troubles

Maha Al-Cherbini avec agences, Lundi, 06 août 2018

Alors que le pays subit une vague de protestations depuis des mois, le président socialiste, Nicolas Maduro, a été la cible d’un attentat de drones chargés d’explosifs. Sorti indemne, Maduro pointe la Colombie du doigt.

La crise vénézuélienne a franchi une nouvelle étape avec la tentative d’assassinat qui a visé, samedi 4 août, le président socialiste, Nicolas Maduro, confronté, depuis des mois, à une vague de manifestations de la part d’une opposition soucieuse de le destituer. Selon le ministre de la Communication, une charge explosive a détoné à proximité de l’estrade présidentielle et d’autres charges ont explosé en plusieurs endroits de la parade militaire, alors que le président prononçait un discours lors d’une cérémonie militaire dans le centre de Caracas. Sept militaires ont été blessés et hospitalisés à la suite de l’attaque. Promettant une contre-offensive sans merci à ses adversaires, le président socialiste, soutenu par l’armée, a affirmé la préparation de sa riposte avec une poigne de fer. Bafouant les menaces du pouvoir, un mystérieux groupe rebelle — composé de civils et de militaires — a revendiqué l’attaque dans un communiqué : « Nous ne pouvons pas tolérer que la population soit affamée, que les malades n’aient pas de médicaments, que la monnaie n’ait plus de valeur, que le système éducatif n’enseigne plus rien et ne fasse qu’endoctriner avec le communisme », assure ce texte signé du « Mouvement national des soldats en chemise » jusque-là inconnu.

Selon Dr Moustapha Kamel, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, de nombreux facteurs alimentent la colère du peuple, qu’il s’agisse de répression ou de crise économique. « Cet attentat peut bien se répéter si le contexte économique, politique et social ne s’améliore pas », affirme Dr Kamel. En fait, l’attentat intervient dans une situation sociale, politique et économique extrêmement tendue. Au Venezuela, tous les voyants économiques sont au rouge vif depuis des années. L’inflation pourrait atteindre 1 000 000 % fin 2018, selon le Fonds Monétaire International (FMI). Aliments, médicaments ou biens de consommation courante : la pénurie est généralisée dans ce pays où les services publics se sont fortement dégradés. A cela s’ajoutent les dérives autoritaires de Maduro qui ont aussi engendré une forte contestation populaire. Pour preuve, l’incident est tombé le jour du premier anniversaire de la très contestée Assemblée constituante vénézuélienne qui a permis au gouvernement d’asseoir son pouvoir et de neutraliser l’opposition le 4 août 2017. Profitant des divisions du camp anti-Maduro, cette instance — uniquement composée de partisans du chef de l’Etat et qui dispose de prérogatives élargies — s’est attribuée la plupart des compétences du parlement, seule institution du pays contrôlée par l’opposition. « Cette constituante a avancé l’élection présidentielle qui a vu le 20 mai la réélection de Maduro jusqu’en 2025, en l’absence de l’opposition. Une victoire non reconnue par une grande partie de la communauté internationale qui taxe le président vénézuélien de dictateur. En frappant Maduro le jour de l’anniversaire de la constituante, les auteurs de l’attentat lui adressent un message clair de refus à toutes ses dérives antidémocratiques. Ils veulent prouver que le nouveau mandat à la tête du pays manque de légitimité », analyse Dr Kamel.

Crise avec la Colombie

Refusant d’avouer que cet attentat est dû à ses échecs à tous les niveaux, le président Maduro a pointé de doigt son voisin : la Colombie soutenue par les Etats- Unis. « Je n’ai pas de doute que le nom du président colombien Juan Manuel Santos est derrière cet attentat », a assuré le président chaviste. Une accusation qualifiée d’« absurde » et « sans fondement » par les gouvernements colombien et américain qui ont rejeté toute inculpation dans cet attentat. En fait, les relations entre la Colombie et le Venezuela, qui partagent une frontière de 2 200 kilomètres, sont au plus bas ces derniers mois. Mijuin, le président vénézuélien a accusé son homologue colombien de fomenter des « provocations » à caractère militaire visant à entraîner le Venezuela et la Colombie dans un conflit armé, de quoi rendre les relations bilatérales « les pires depuis 200 ans entre les deux voisins ».

La semaine dernière, la crise entre les deux pays a empiré quand le président colombien, qui a achevé son mandat le mardi 7 août, avait estimé que la chute du gouvernement vénézuélien était « proche ». « Dans un pays avec l’inflation que connaît le Venezuela, le régime va s’effondrer. En cas de chute du gouvernement vénézuélien — dès demain, j’espère — la Colombie serait vraiment disposée à aider de toutes les manières possibles », a déclaré Santos, affirmant sa disposition à offrir de l’aide humanitaire, des aliments et des médicaments pour les Vénézuéliens qui « sont en train de mourir de faim ». Au fil de l’année dernière, des centaines de milliers de Vénézuéliens — frappés par la famine, la crise économique et la pénurie des médicaments — ont fui le pays vers la Colombie. On parle d’un million de Vénézuéliens venus en Colombie ces derniers mois. « Depuis des mois, la Colombie est un acteur-clé de la pression internationale contre le gouvernement vénézuélien, car il est le pays qui paie le plus la facture de la crise politique et économique qui sévit chez sa voisine. Depuis des mois, ce pays se trouve confronté à la plus forte arrivée de Vénézuéliens sur son territoire de son histoire. Aussi appelle-t-elle souvent à un changement rapide du régime vénézuélien pour éviter une catastrophe humanitaire à ses frontières. Or, accuser la Colombie de planifier une attaque contre Maduro me semble absurde : c’est un attentat planifié à l’intérieur du pays contre un président qui ne cesse de perdre sa popularité », conclut l’expert.

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