En décembre et janvier derniers, 25 personnes ont été tuées dans les manifestations en Iran.
(Photo:Reuters)
Quelques heures avant l’entrée en vigueur des nouvelles sanctions américaines contre l’Iran, mardi 6 août, décidées après le retrait unilatéral de Washington de l’accord sur le nucléaire iranien, le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, a promis que les Etats-Unis feraient en sorte de « faire respecter » ces nouvelles sanctions. La première vague de ces nouvelles sanctions est entrée en vigueur mardi 7 août à 04h01 GMT. Elle comprend des blocages sur les transactions financières et les importations de matières premières, ainsi que des sanctions sur les achats dans le secteur automobile et l’aviation commerciale. Une seconde phase de sanctions s’abattra en novembre sur le secteur pétrolier et gazier ainsi que la Banque Centrale.
Après avoir claqué la porte de l’accord signé en 2015 entre Téhéran et les grandes puissances, l’Administration Trump ne s’en cache pas : elle compte frapper l’Iran d’une « pression maximale », diplomatique et économique. Sur ce dernier plan, le tir de Washington aura sans aucun doute un effet considérable. « L’Iran et son économie vont très mal et cela va vite », a tweeté le président américain, Donald Trump, samedi 4 août. Cela dit, le doute demeure sur les visées à long terme de la politique américaine et sur les risques accrus, ou non, d’un conflit. D’autant que Washington souffle le chaud et le froid. Donald Trump a ainsi surpris, la semaine dernière, en affirmant être prêt à rencontrer les dirigeants iraniens « quand ils veulent », ce que Téhéran a refusé. Même si son chef de la diplomatie, Mike Pompeo, a rapidement tempéré cette déclaration, les propos du président républicain ont d’autant plus étonné qu’ils survenaient après une nette escalade de tensions verbales avec son homologue iranien, Hassan Rohani.
En même temps, chacun des responsables américains dit un peu ce qu’il veut. Le ministre américain de la Défense, Jim Mattis, a affirmé que Washington ne cherchait pas à faire tomber le régime iranien. Alors le conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, John Bolton, partisan d’une ligne dure face à l’Iran, avait, lui, par le passé plaidé publiquement en faveur d’un changement de dirigeants. Si on est encore loin de ce scénario, les mesures décidées par l’Administration américaine pourraient lourdement peser sur l’économie iranienne et la monnaie nationale, le rial a récemment atteint son plus bas niveau face au dollar sur le marché parallèle. Le contexte est donc très tendu en Iran, où des manifestations ont eu lieu cette semaine contre les conditions socioéconomiques. La police anti-émeutes s’est déployée en grand nombre tout au long de la semaine dans la ville de Karaj, à l’ouest de Téhéran, secouée par des manifestations depuis quelques jours. Selon les médias d’Etat iraniens, environ 500 manifestants ont attaqué une école religieuse dans cette province vendredi 3 août et une personne aurait été tuée par des protestataires. Ce n’est pas seulement dans cette ville que des manifestations ont eu lieu. De grandes villes comme Chiraz (sud), Ahvaz (sudouest) et Machhad (nord-est) ont aussi été secouées par des troubles. Des manifestations motivées par un mécontentement face à la situation économique détériorée, à la classe politique mais aussi au manque d’eau.
Protestations
Certes, ces manifestations n’ont pas l’ampleur des troubles de décembre et janvier derniers, quand au moins 25 personnes avaient été tuées dans des protestations qui avaient agité des dizaines de villes. Mais avec l’accroissement des tensions, le gouvernement du président modéré Hassan Rohani, un des parrains de l’accord nucléaire, fait aussi face à l’opposition des conservateurs et des responsables religieux qui critiquent son rapprochement de l’Occident et l’accusent de gouverner seulement pour les riches. Sans oublier les accusations de corruption. En effet, le vicegouverneur et chef du département des changes de la Banque Centrale d’Iran a été arrêté parmi d’autres responsables ainsi que quatre cambistes accusés de spéculation, a indiqué le porte-parole de l’autorité judiciaire, Gholam-Hossein Mohseni Ejeie, dans une déclaration à la radiotélévision d’Etat, dimanche 5 août. Selon des analystes, des mesures prises par Téhéran ont contribué au plongeon de la devise. En avril, les autorités avaient établi un taux officiel fixe de 42 000 rials pour un dollar tout en menaçant de poursuites les cambistes du marché parallèle qui appliqueraient un taux différent. Cette mesure a entraîné une vague de spéculation sur le marché noir tandis que certains responsables sont soupçonnés de corruption pour avoir profité de dollars à des taux préférentiels.
Rien ne va plus donc pour le président Hassan Rohani, qui, cinq ans après son arrivée au pouvoir, a bien du mal à défendre sa politique et voit ses soutiens s’étioler, lui qui avait tout misé sur un accord nucléaire aujourd’hui menacé. D’ailleurs, l’anniversaire de son entrée en fonctions vendredi 3 août n’a donné lieu à aucune célébration .
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