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L’apartheid à l’israélienne

Abir Taleb avec agences, Mardi, 24 juillet 2018

Israël enfonce un peu plus le clou en adoptant une loi fondamentale définissant le pays comme « l’Etat-nation du peuple juif ». Un texte anti-démocratique qui consacre le racisme et qui met un point final à toute option de paix.

L’apartheid à l’israélienne
La solution des deux Etats apparaît plus que jamais lointaine.

Il était environ 3h, jeudi 19 juillet, lorsque l’un des projets de loi les plus controversés a été adopté par la Knesset israélienne. Par 62 voix contre 55, les députés ont donné la force d’une loi fondamentale, faisant office de Constitution, à un texte définissant Israël comme le « foyer national du peuple juif ».

C’est tout dire. Israël, qui se définit comme étant la « seule démocratie de la région », vient de prouver à quel point il est antidémocratique. Le nouveau texte fait de l’hébreu la seule langue officielle du pays, alors que l’arabe avait auparavant un statut identique. Pire encore, il proclame que Jérusalem est la capitale d’Israël, y compris la partie orientale de la ville annexée et occupée. La loi désigne « l’Etat d’Israël comme l’Etat national du peuple juif où celui-ci applique son droit naturel, culturel, religieux, historique », précisant que « le droit d’exercer l’autodétermination au sein de l’Etat d’Israël est réservé uniquement au peuple juif ». Bref, pas de place aux Arabes israéliens (17,5 % de la population israélienne est déjà victime de discrimination), ou à un quelconque citoyen non juif. L’article le plus controversé, qui évoquait la possibilité de créer des localités exclusivement réservées aux juifs, excluant les citoyens arabes israéliens, a été amendé. Le texte amendé spécifie que « l’Etat considère que le développement des localités juives relève de l’intérêt national et que l’Etat prendra les mesures pour encourager, faire avancer et servir cet intérêt ». Une formulation non moins discriminatoire que le texte initial … Une sorte de droit à la ségrégation.

Impuissants face à l’effronterie israélienne, et surtout à la mollesse internationale, les Palestiniens crient à « l’apartheid », comme l’a dit le secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine, Saëb Erakat. Les Arabes mettent en garde, notamment Le Caire, qui a dénoncé, par la voie du ministère des Affaires étrangères, cette loi comme « consolidant la notion d’occupation et de ségrégation raciale, et altérant les chances de parvenir à la paix et à une résolution juste au problème palestinien ». De l’autre côté, c’est un Benyamin Netanyahu tout sourire qui a célébré « un moment-charnière dans l’histoire du sionisme », reconnaissant sans ambiguïté l’aspect discriminatoire de son pays. Et pourquoi pas ? Mis à part quelques critiques internationales — l’Union européenne s’est dite « préoccupée par cette loi qui risque de compliquer » la solution à deux Etats pour régler le conflit israélopalestinien, les Etats-Unis n’ont pas réagi —, aucun tollé n’a suivi cette loi qui, pourtant, tourne définitivement le dos à la paix. En effet, une loi fondamentale est plus difficile à modifier à la Knesset qu’une loi classique, elle doit être remplacée par une autre. Et pour ce qui est de Jérusalem, l’article en question s’inscrit dans la continuité de la reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale par les Etats-Unis, en décembre 2017. Ce fait accompli connaît ainsi un prolongement législatif, au grand bonheur de Washington comme de Tel- Aviv. Or, dans les différents plans de paix et aux yeux de la légitimité internationale, la solution à deux Etats, avec un Etat palestinien ayant pour capitale Jérusalem- Est et aux frontières de 1967, est censée être la seule retenue. Une solution qui s’éloigne tous les jours un peu plus.

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