Selon un récent rapport de l’Onu, l’Afghanistan a enregistré le pire bilan de morts civils au premier semestre 2018.
(Photo:Reuters)
A l’approche des législatives prévues en octobre prochain et considérées comme un test crucial pour la démocratie, l’Afghanistan, déchiré par 17 ans de violences talibanes, fait à nouveau face à une importante vague d’attentats meurtriers. Une violence accrue qui s’explique par deux faits: le renforcement des Talibans et l’apparition de Daech dont des djihadistes ont migré vers l’Afghanistan après la défaite de l’organisation en Syrie et en Iraq. Selon un rapport de l’Onu publié dimanche 15 juillet, l’Afghanistan a enregistré le pire bilan de morts civils au premier semestre 2018 (environ 1692 morts). Un chiffre qui met en relief l’impuissance des forces de l’Otan et des Etats-Unis— présentes dans le pays depuis 2001— à faire face à cette double menace terroriste, notamment celle des Talibans, actifs depuis 2001.
En effet, défiant l’Occident, les Talibans ont intensifié leurs attentats parallèlement au sommet de l’Otan qui s’est tenu les 11 et 12 juillet à Bruxelles. Dès la veille du sommet, une série d’attentats a endeuillé le pays. Le nombre des victimes met en évidence l’échec de l’Otan à contrer cette double menace terroriste: 40 morts et 20 blessés parmi les soldats afghans à Kunduz lors d’un attentat revendiqué par les Talibans et 35 morts et 60 blessés lors de 4 attentats à Jalalabad et Nangarhar, dont 3 sont revendiqués par les Talibans et un par Daech. Selon les autorités afghanes, des Talibans afghans et pakistanais ont participé à cette vague d’attentats. Ce qui s’explique, selon Dr Mohamad Kachkouch, conseiller au Centre régional des études stratégiques du Caire, par le fait que « les régions frontalières échappent au contrôle des deux pays qui n’arrivent pas à empêcher l’infiltration des Talibans qui s’entraident de part et d’autre des frontières à cause de leur appartenance à la même ethnie pachtoune ». L’expert estime en outre que « la plus grande menace pour l’Afghanistan n’est pas Daech, mais plutôt les Talibans qui se sont renforcés après le retrait de la plupart des forces américaines et de l’Otan fin 2014. Vaincre Daech en Afghanistan c’est comme vaincre une bataille, mais la vraie guerre c’est contre les Talibans. Ces derniers tentent de perturber d’avance les législatives afghanes prévues en octobre ».
Même tactique suivie par les Talibans pakistanais qui ont commis deux graves attentats suicide, vendredi dernier, afin de troubler les législatives prévues au Pakistan le 25 juillet. Les deux attentats ont eu lieu à Peshawar (nord-ouest) et Quetta (sud-ouest), deux régions proches des frontières afghanes, faisant un bilan de 128 morts et 150 blessés. « Ces attentats prouvent que les Talibans adoptent une même idéologie et s’entraident à perturber les deux pays. La lutte contre eux nécessite donc une collaboration étroite entre Kaboul et Islamabad et un dialogue rapide avec les rebelles, sinon la situation va empirer », estime l’expert.
Renforts militaires et appels au dialogue
Face à cette situation, la question afghane s’est imposée au menu du sommet de l’Otan, où le président américain, Donald Trump, a demandé à ses alliés d’augmenter leurs renforts. Répondant à cet appel, les 29 Etats membres de l’Otan ont assuré qu’ils prolongeraient leur soutien financier aux forces afghanes jusqu’en 2024 contre 2020 actuellement et se sont engagés à remédier aux insuffisances d’effectifs. Londres a, par exemple, annoncé l’envoi de 440 soldats supplémentaires en Afghanistan, ce qui portera le contingent britannique à 1100 soldats. Un contingent qui a pour but de former et d’aider l’armée afghane, sans participer aux combats. Or, selon Dr Kachkouch, « cette non-participation des forces de l’Otan aux combats depuis fin 2014 a renforcé l’épine des rebelles. Les Etats-Unis devraient changer leur stratégie en Afghanistan ». Un pas attendu : les conseillers de Donald Trump ont récemment affirmé que ce dernier compte le faire, un an après son annonce surprise de l’envoi de 3000 soldats supplémentaires sur le sol afghan, sans préciser la teneur de cette nouvelle stratégie qui sera annoncée en août prochain.
En attendant, l’intérêt international pour la question afghane ne fléchit pas. Outre l’aspect militaire, l’Otan a aussi exprimé son soutien à des négociations de paix avec les Talibans. « Nous resterons en Afghanistan afin d’exercer une pression sur les Talibans pour qu’ils rejoignent le processus de paix », a affirmé le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Jens Stoltenberg.
Même intérêt de la part du monde musulman. L’Arabie saoudite a, en effet, accueilli les 11 et 12 juillet une centaine de dignitaires du monde musulman pour une conférence internationale pour la paix en Afghanistan. Lors de la rencontre parrainée par l’Organisation de la coopération islamique, le secrétaire général de l’OCI, Youssef Al-Othaïmine, a appelé à un cessez-le-feu rapide en Afghanistan. « L’OCI exhorte toutes les parties en conflit à observer une trêve, à respecter un cessez-le-feu et à entamer des négociations de paix directes », a déclaré le secrétaire général de l’OCI. Dans leur déclaration finale, les religieux ont souligné que le dialogue pacifique est le seul moyen de parvenir à la paix en Afghanistan, affirmant leur soutien au gouvernement afghan. « La guerre menée par les Talibans est illégitime au regard de l’islam », ont-ils ajouté. Une condamnation que les autorités afghanes attendaient, espérant qu’elle aurait un impact sur les insurgés afin de les pousser à déposer les armes et à opter pour le processus de paix. « Pour Riyad, le plus important est de renforcer l’axe sunnite— Afghanistan, Pakistan, Inde— face au camp chiite représenté par son rival, l’Iran. Depuis longtemps, les pays du Golfe entretiennent de bons liens avec le Pakistan et l’Inde. Maintenant, ces pays— et en tête l’Arabie saoudite— tentent de renforcer le camp sunnite en appelant au dialogue entre les parties en conflit pour résoudre le mal afghan », conclut Dr Kachkouch. A chacun ses propres calculs.
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