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Discussions difficiles entre Washington et Pyongyang

Maha Al-Cherbini avec agences, Mercredi, 11 juillet 2018

La visite du secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, à Pyongyang les 6 et 7 juillet dans le but d’obtenir des engagements plus précis de la Corée du Nord en matière de dénucléarisation n’a conduit à aucun résultat concret.Une nouvelle rencontre est prévue le 12 juillet.

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Un seul succès en politique étrangère. C’est le rêve auquel s’attache une Administration américaine qui ne cesse d’accumuler des échecs sur tous les dossiers chauds de la planète depuis l’accession au pouvoir de Donald Trump début 2017. Dans une tentative de compenser des échecs qui lui ont valu un isolement sur la scène internationale, le président américain s’évertue à réaliser un « succès diplomatique de taille » sur le dossier nucléaire nord-coréen. C’est dans cet objectif que le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, s’est rendu à Pyongyang, vendredi 6 juillet, et ce, pour la troisième fois, afin d’obtenir du président nord-coréen, Kim Jong-Un, des « engagements plus précis » sur la dénucléarisation après le sommet Kim-Trump le 12 juin dernier.

Depuis cette rencontre, Trump manifeste un optimisme démesuré sur les chances de paix dans la péninsule, se vantant que la menace d’une guerre nucléaire a été « écartée ». Un optimisme injustifiable car, selon les experts, le communiqué signé par MM. Kim et Trump est « vague et sans détails précis », Kim se contentant d’affirmer son engagement ferme en matière de dénucléarisation complète de la péninsule coréenne. Une formule vague, qui reprend une promesse déjà faite et jamais tenue, de quoi décevoir les attentes des experts, qui exigent que la dénucléarisation soit « vérifiable et irréversible ».

Pour s’assurer de la bonne volonté du régime nord-coréen à dénucléariser la péninsule, Mike Pompeo a été dépêché à Pyongyang en vue de mettre en place « un plan concret de dénucléarisation avec un calendrier précis » ainsi que pour obtenir des « garanties claires » sur l’étendue et la nature des programmes nucléaire et balistique nord-coréens. Des objectifs qui n’ont pas été réalisés, le chef de la diplomatie américaine n’ayant réussi à obtenir aucun calendrier précis pour le démantèlement de l’arsenal nucléaire nord-coréen. En guise de seul résultat, une nouvelle rencontre a été fixée le 12 juillet pour tenter de rapprocher les points de vue.

Dans une tentative de cacher un certain revers, Pompeo a fait état de progrès samedi 7 juillet avant de quitter Pyongyang, qualifiant les négociations de « très productives » avant de se rendre samedi soir à Tokyo, où il a fait le point sur ses discussions avec les alliés japonais et sud-coréens des Etats-Unis. « Les sanctions resteront en place jusqu’à une dénucléarisation vérifiable et irréversible de la Corée du Nord », a affirmé Pompeo lors de sa rencontre à Tokyo avec ses homologues japonais et sud-coréen.

Aux antipodes de l’attitude de Pompeo, la réaction nord-coréenne était beaucoup plus virulente et sans ambiguité : « Il s’agit d’une rencontre décevante à cause des demandes unilatérales et avides de Washington. Les demandes des Etats-Unis reflètent leur état d’esprit de gangster », s’est insurgé le régime par la voie de l’agence officielle nord-coréenne, KCNA.

La dénucléarisation aura-t-elle lieu ?

Face à ce dialogue de sourds, une question épineuse s’impose : Kim Jong-Un compte-t-il vraiment dénucléariser son pays ou s’agit-il d’une manoeuvre pour s’attirer des bénéfices économiques et politiques ? Alors que les uns estiment que le leader nord-coréen a choisi de renoncer à l’arme nucléaire pour rebâtir son économie en ruine et obtenir une reconnaissance internationale, les autres affirment que les promesses faites par le dirigeant nord-coréen sont sans valeur et qu’il s’agit d’une tactique de la part d’un régime démuni et en proie à de lourdes sanctions, afin de s’attirer des acquis économiques.

Pour les partisans du premier scénario, Kim a découvert que ses défis nucléaires et sa rhétorique guerrière lui ont fait perdre beaucoup à cause du déluge de sanctions internationales qui ont de plus en plus courbé son économie. Il a donc décidé de changer d’attitude, afin d’aboutir à un compromis avec Washington pour obtenir des gains économiques, une levée des sanctions et une reconnaissance internationale.

En revanche, les partisans du deuxième scénario sont beaucoup plus nombreux. Ils estiment qu’il s’agit d’une simple manoeuvre de la part de Kim, d’autant plus qu’il insiste toujours sur le fait de ne donner aucun calendrier précis pour le démantèlement de son arsenal nucléaire. En soufflant le chaud et le froid, Kim fait d’une pierre plusieurs coups : il atténue la pression militaire américaine sur son pays, réduit la possibilité de frappes préventives, évite de nouvelles sanctions internationales, obtient une reconnaissance internationale et gagne la sympathie de ses alliés chinois et russe. « Pour l’heure, aucun indice concret ne montre que Pyongyang est sincère dans sa volonté de dénucléarisation, car, malgré les déclarations prometteuses de Kim, le régime nord-coréen n’a, pour l’heure, rendu public — d’une façon précise — ni les concessions qu’il compte faire, ni un calendrier précis pour arriver à cet objectif. N’oublions pas que le régime nord-coréen a déjà fait cette même manoeuvre deux fois auparavant : en 1991 et en 2001, les leaders nord-coréens ont engagé un dialogue avec la communauté internationale dans l’objectif de la dénucléarisation et ils en ont collecté d’énormes gains économiques, puis, ils ont trahi leurs engagements en poursuivant leur programme nucléaire en secret. C’est une tactique nord-coréenne bien connue », conclut Dr Mohamad Kachkouch, conseiller au Centre régional des études stratégiques.

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