A Vienne, l’Iran a engrangé le soutien de l’Europe, de la Russie et de la Chine face aux Etats-Unis.
(Photo : Reuters)
Depuis le retrait américain de l’accord sur le nucléaire le 8 mai dernier, Téhéran se déploie à former un front international contre le président Donald Trump, qui a annoncé la réimposition des sanctions américaines contre l’Iran à partir du mois d’août. Soucieux de s’assurer des garanties européennes sur la sauvegarde des intérêts économiques iraniens, le président Hassan Rohani s’est rendu en Europe pour contrer le retour des sanctions américaines.
Une visite « d’une importance capitale » pour Téhéran, car depuis que Trump s’était retiré de l’accord, la perspective du retour des sanctions américaines a commencé à faire fuir les investisseurs étrangers. Rohani a commencé sa visite, jeudi 5 juillet, à Genève et s’est rendu à Vienne le lendemain, juste avant la réunion prévue dans la capitale autrichienne entre les chefs de la diplomatie des cinq puissances restant partie de l’accord (France, Royaume-Uni, Chine, Russie, Allemagne) et leur homologue iranien Javad Zarif. Il s’agit de la première rencontre depuis que Trump s’est désengagé de l’accord. Accentuant la pression sur ses partenaires européens à la veille de la réunion, le numéro un iranien a menacé, depuis Genève, qu’en cas d’abrogation de l’accord, l’Iran fermerait le détroit d’Ormuz pour empêcher les pays du Golfe d’exporter leur pétrole et paralyser ainsi le commerce dans la région.
De plus, il a indiqué que son pays reprendrait ses activités nucléaires, surtout l’enrichissement de l’uranium, si l’Union Européenne (UE) ne protégeait pas les intérêts économiques de son pays face aux sanctions américaines. « En fait, toutes ces menaces ne visaient qu’à faire pression sur l’UE à la veille de la réunion de Vienne. Mais Téhéran ne peut pas mettre en exécution ces menaces, car il ne pourrait pas en payer le prix exorbitant. Ce serait un faux pas stratégique qui déclencherait une guerre sans foi ni loi dans la région », analyse Mohamad Aboul-Nour, expert du dossier iranien.
« Une volonté internationale de résister »
Suite aux menaces iraniennes, les Européens, la Russie et la Chine ont paru pressés, lors de la réunion du vendredi 6 juillet à Vienne, de faire des propositions concrètes pour garantir la survie de l’accord. Réunis à Vienne, les signataires de l’accord ont défié les Etats-Unis, affirmant leur détermination à continuer d’importer du pétrole, du gaz et des produits pétrochimiques et pétroliers iraniens, selon le communiqué final. Les pays réunis à Vienne ont aussi affirmé qu’ils continueraient à défendre les intérêts des entreprises qui ont investi en Iran contre toutes les éventuelles poursuites découlant des sanctions imposées par les Etats-Unis. « Nous nous engageons à fournir des solutions pratiques afin de maintenir la normalisation des relations commerciales et économiques avec l’Iran », a affirmé le communiqué final.
Parmi ces objectifs figurent la préservation et le maintien de canaux financiers efficaces avec l’Iran, la poursuite des communications maritimes, terrestres, aériennes et ferroviaires, un soutien clair et efficace aux acteurs économiques qui font du commerce avec l’Iran, l’encouragement de nouveaux investissements en Iran et la protection des acteurs économiques pour ce qui est de leurs investissements et autres activités financières en Iran. Réagissant aux résultats de la réunion de Vienne, Téhéran a salué « une volonté internationale de résister », de quoi accentuer l’isolement des Etats-Unis sur la scène internationale. Un enthousiasme toutefois teinté d’inquiétude à cause de la fuite de la plupart des sociétés étrangères de l’Iran. Jugeant l’offre européenne « insuffisante », Rohani a affirmé que le paquet de mesures « ne répond pas à toutes les exigences de la République islamique ».
Téhéran demande en effet une garantie sur les ventes iraniennes de pétrole et sur les transactions commerciales, ce que les signataires de l’accord ne peuvent pas encore garantir. « Entre le marteau et l’enclume, les Européens se déploient à sauver un pacte qui agonise. A Vienne, ils ont réaffirmé à Trump leur attachement à l’accord dans l’espoir d’aboutir avec lui à un compromis susceptible de sauver l’accord. Or, ce qui inquiète le plus, c’est que la plupart des sociétés étrangères ont décidé d’arrêter leurs investissements en Iran, pas seulement par peur des sanctions américaines, mais aussi car l’économie iranienne devient de plus en plus faible et la monnaie iranienne a atteint son plus bas niveau. En s’attachant au pacte, l’UE fait d’une pierre deux coups : elle exerce le maximum de pressions sur Washington pour l’obliger à admettre un compromis avec l’Iran et, en même temps, retarder un retrait iranien de l’accord », estime Rania Makram, experte du dossier iranien au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.
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