
Nicolas Maduro restera au pouvoir jusqu’en 2025 après sa victoire au scrutin de dimanche.
(Photo:AP)
A la tête d’un pays isolé, ruiné économiquement et en proie à des sanctions internationales, le président socialiste, Nicolas Maduro, a remporté la présidentielle anticipée qui a eu lieu dimanche 20 mai, au lieu de fin 2018, avec un taux de 67,7% des voix, contre 21,2% pour son principal adversaire, Henri Falcon, qui a dénoncé un processus électoral « illégitime ». « Nous avons gagné. Jamais auparavant un candidat présidentiel n’a gagné avec 68% des voix et avec 47 points de pourcentage d’avance sur le second candidat », s’est réjoui le président, qui restera ainsi au pouvoir jusqu’en 2025.
La victoire du président chaviste n’est pas une surprise, puisque plusieurs facteurs ont joué en sa faveur. Le premier facteur est le taux d’abstention, qui a atteint 52%, le plus élevé de l’ère démocratique vénézuélienne, qui a commencé en 1958. Quant au second facteur, il semble le plus important: l’absence d’un candidat d’opposition fort et apte à rivaliser avec Maduro. La Cour suprême de justice du Venezuela, considérée comme acquise à Maduro, avait exclu de la présidentielle la principale plateforme de l’opposition, réunie au sein de la coalition de la MUD (Table pour l’unité démocratique), sous prétexte qu’elle devra attendre six mois– après l’élection– pour se réinscrire, après avoir refusé de participer aux élections régionales du 16 octobre et municipales du 10 décembre. « Maduro a gagné son pari. En avançant le scrutin, il a fait d’une pierre deux coups: se donner une nouvelle légitimité et profiter de la forte division de l’opposition. En fait, précipiter le scrutin est un bon calcul politique, car le temps n’était pas à l’avantage du président, qui ne veut pas donner la chance à ses adversaires de se réorganiser. En excluant l’opposition, la Cour suprême a pavé de plus la voie à la réélection de Maduro, qui jouit déjà du soutien de l’armée, de l’Assemblée constituante et des classes défavorisées, qui voient en lui un successeur d’Hugo Chavez », explique Hicham Mourad, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire.
Il était très « difficile » pour l’opposition de présenter un candidat fort, car les adversaires du président sont plus divisés que jamais. Même si 78,5% des Vénézuéliens (selon l’institut Datanalisis) rejettent le gouvernement actuel à cause de la crise économique, ce mécontentement populaire n’a jamais profité à une opposition faible, qui lutte contre deux défis de poids: un président fort qui a tous les pouvoirs— économique, militaire et politique— et de graves luttes internes entre modérés et radicaux. Alors que le camp modéré est partisan d’accords minimaux avec le pouvoir, les radicaux considèrent inutile tout dialogue avec une « dictature ».
Entre isolement et sanctions
Si Maduro a réussi à vaincre l’opposition, il aurait désormais à faire face à un défi plus grave: la colère de la communauté internationale, surtout l’Europe et les Etats-Unis, qui ont rejeté le résultat du vote, estimant, comme l’opposition, que le scrutin n’est « ni libre ni transparent ». Dès lors, de nouvelles sanctions sont à attendre de la part des Etats-Unis, de l’Union Européenne (UE) et des pays latino-américains. La veille du vote déjà, les Etats-Unis avaient imposé des sanctions contre 20 entreprises au Venezuela. Washington a un bon moyen de pression sur Caracas, puisque les Etats-Unis achètent un tiers de la production vénézuélienne de brut, qui est de 1,5 million de barils par jour. Quant à l’UE, des sanctions sont aussi à attendre, surtout que ses relations avec le Venezuela se sont fortement détériorées depuis l’automne dernier. Cette semaine, l’UE a affirmé préparer de nouvelles sanctions contre Caracas, afin de faire pression en faveur d’un processus de dialogue « crédible et constructif », pour le respect des institutions démocratiques et l’adoption d’un calendrier électoral complet.
Or, dans sa guerre contre l’Europe et les Etats-Unis, Maduro ne manque pas d’alliés. A la tête de ceux-ci figurent la Russie et la Turquie. En octobre dernier, Maduro s’est rendu à Moscou et à Ankara pour leur demander « un soutien politique et diplomatique ». Pour l’heure, son plus important allié reste Moscou, qui est lié à Caracas par un accord de coopération militaire. En 2011, la Russie avait prêté à Caracas 2,8 milliards de dollars pour des achats d’armements russes, notamment des chars et des missiles. En sus de Moscou, Ankara a signé cette semaine avec Caracas un accord pour multiplier les échanges commerciaux entre les deux pays alors que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a affirmé qu’il allait se rendre au Venezuela prochainement pour soutenir le président vénézuélien. « Maduro sollicite le soutien de ces deux pays, car ils ont de grands problèmes avec les Etats-Unis et l’Europe. Il peut donc facilement trouver soutien chez eux. En plus, ces deux pays sont forts économiquement et militairement: ils vont l’aider dans la grave crise économique qui secoue son pays. Les manoeuvres de Maduro sont intarissables », conclut Hicham Mourad .
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