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Israël, l’Iran, le nucléaire et le reste

Abir Taleb avec agences, Dimanche, 06 mai 2018

Outre les accusations israéliennes sur l’existence d’un programme nucléaire en Iran, l’escalade entre les deux pays ne cesse de prendre de l’ampleur, notamment en Syrie, avec des affrontements quasi directs.

Israël, l’Iran, le nucléaire et le reste

C’est en plein débat sur le sort de l’accord sur le nucléaire iranien de 2015 qu’Israël est entré en jeu. Certes, sur la question du nucléaire, en faisant le maximum pour convaincre le président américain de sortir de l’accord, même par le biais d’une représentation théâtrale du premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, venant affirmer détenir les preuves que Téhéran conservait des activités nucléaires militaires. Mais bien plus aussi, sur les « dangers » que représente la République islamique, selon l’Etat hébreu, avec en premier lieu la nécessité de contrer la présence iranienne en Syrie, et plus généralement, son rôle dans la région. Et avec, en prime, une tension iranoisraélienne en terre syrienne, et le spectre d’une confrontation plus directe … Pour ce qui est du nucléaire, d’entrée de jeu, la position de Netanyahu a été très claire : tout faire pour dénoncer, voire faire capoter cette « erreur historique ». Et à l’approche de la date fatidique du 12 mai, Netanyahu ne lésine pas d’efforts. Après les pressions sur Washington pour le pousser à exécuter ses menaces, le premier ministre israélien est attendu dans les jours à venir à Moscou, où il rencontrera le président russe Vladimir Poutine pour tenter de l’enjôler.

Israël, l’Iran, le nucléaire et le reste
(Photo : AP)

En attendant, Netanyahu va encore plus loin : le premier ministre israélien a enfoncé le clou, le 30 avril dernier, annonçant la prise par les services de renseignements israéliens, le Mossad, de fichiers apportant, selon lui, « des preuves concluantes » de l’existence d’un plan secret de l’Iran pour se doter de l’arme nucléaire. C’était dans un show théâtral comme Netanyahu les aime, en prime time et en anglais « pour que la communauté internationale comprenne », aidé d’accessoires et d’images en tout genre pour raffermir l’impact de ses « révélations » sur le programme nucléaire iranien. Mais le show de Netanyahu a laissé froid, et son objectif, démontrer que « l’accord sur le nucléaire iranien est basé sur des mensonges », n’a pas convaincu, faute de preuves réelles. A tel point que même au sein d’Israël, le quotidien israélien Yediot Aharonot l’a qualifié de « plat de pâtes réchauffées ».

Mais il ne s’agit pas que du nucléaire. Entre Israël et l’Iran, la tension a été ravivée ces derniers mois à la suite de plusieurs bombardements israéliens en Syrie : d’abord en février dernier, en réponse à l’introduction d’un drone iranien dans le ciel israélien, selon la version de l’Etat hébreu, ensuite et surtout depuis le mois d’avril, avec une frappe israélienne près de Palmyre le 9, et une seconde le 29 mai près de Hama visant toutes deux des installations militaires iraniennes. Certes, le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, a démenti toute implication d’Israël dans cette dernière attaque, il n’en a pas moins répété la position israélienne : « Il ne doit y avoir aucune présence iranienne en Syrie », a-t-il déclaré à des médias russes. Et Lieberman de souligner que toute tentative iranienne de renforcer ses positions militaires en Syrie sera stoppée net bien qu’Israël n’ait aucune intention de se mêler des affaires intérieures de Damas. En même temps, Netanyahu s’est récemment arrogé, à titre exceptionnel, le droit d’être avec son ministre de la Défense, en droit de prendre de manière autonome la décision de déclarer la guerre ...

Rhétorique de guerre

Israël, l’Iran, le nucléaire et le reste
(Photo : Reuters)

Côté iranien, les frappes israéliennes contre des positions iraniennes en Syrie sont restées sans répliques autres que verbales, Téhéran voulant faire preuve de réserve dans ce timing particulier. Le 1er mai, le président de la commission parlementaire iranienne des Affaires étrangères, Alaeddine Boroujerdi, en visite à Damas, a toutefois affirmé dans une conférence de presse que son pays allait « répliquer en temps et en lieu » après « l’agression d’Israël » contre des bases militaires en Syrie où se trouvaient des conseillers iraniens, précisant que la présence militaire de l’Iran en Syrie intervenait « à la demande du gouvernement syrien ». Quant au président syrien, Bachar Al- Assad, il a déclaré en recevant le haut responsable iranien que « les pays hostiles » à la Syrie étaient passés « au stade de l’agression directe ».

Nous nous trouvons donc face à une rhétorique de guerre. Dans leurs déclarations, les deux pays ne jouent pas l’apaisement. « L’entité israélienne a révélé, à travers cette attaque (ndrl : celle du 29 mai), qu’elle était une entité agressive qui doit être confrontée », a dit Alaeddine Boroujerdi. « Tout site dans lequel nous constatons une tentative iranienne de s’implanter militairement en Syrie sera attaqué. Nous ne permettrons pas que cela se produise quel qu’en soit le prix », a, de son côté, averti le ministre de la Défense, Avigdor Lieberman. En visite la semaine dernière à Washington, où il a été reçu par son homologue américain, James Mattis, Lieberman a martelé : « La plus grande menace pour la stabilité du Moyen-Orient, et au-delà, est la tentative iranienne de saper la stabilité en Iraq, au Yémen, au Liban, en Syrie et, bien sûr, ses ambitions nucléaire. Israël a trois problèmes : l’Iran, l’Iran et l’Iran ». C’est tout dire.

Mais cette rhétorique signifiet- elle qu’une confrontation plus large est possible ? Ce qui est sûr aujourd’hui, c’est que Tel- Aviv cherche à provoquer, à mettre de l’huile sur le feu, pas forcément pour entrer en guerre contre la République islamique, mais plutôt pour la contrer de quelque manière que ce soit. C’est aussi une occasion excellente pour le chef du gouvernement israélien, mis en cause par une série d’accusations de corruption, de reprendre la main, en se présentant dans cette conjoncture comme le recours ultime garantissant la sécurité d’Israël, bien que celle-ci ne soit pas menacée. Ce qui est sûr aussi, c’est que les Iraniens sont tout à fait conscients qu’il serait suicidaire d’aller plus loin et, de toute évidence, ce n’est pas la politique poursuivie. L’Iran n’a donc d’autre choix que de faire preuve de retenue pour ne pas aider ceux qui rêvent d’une éventuelle montée aux extrêmes. Reste à savoir s’il pourra le faire.

Accord historique pour les uns, catastrophe historique pour les autres

L’accord sur le nucléaire iranien, ou Plan d’action conjoint Joint Comprehensive Plan Of Action (JCPOA) a été signé le 14 juillet 2015 à Vienne, en Autriche. Il lie Téhéran aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’Onu — Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni — auxquels s’ajoutent l’Allemagne et l’Union européenne, soit huit parties au total. Cet accord est axé sur trois points principaux qui sont une limitation du programme nucléaire iranien pendant au moins une décennie ; une levée des sanctions internationales qui touchent la République islamique depuis 1979 ; un renforcement des contrôles. Le texte a été approuvé par la résolution 2231 du Conseil de sécurité de l’Onu, votée le 20 juillet 2015. L’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), qui mène des inspections sur le terrain, assure depuis

régulièrement que Téhéran remplit ses engagements dans la mise en oeuvre de l’accord. Etant un succès diplomatique censé refermer un dossier qui empoisonnait les relations internationales pendant plus de 12 ans, l’accord a été qualifié, dès sa signature, d’événement « historique ». Cependant, Israël, ennemi historique et juré de l’Iran, a été le premier à s’y montrer hostile, notamment à cause de son inquiétude quant à une remise en selle de l’Iran sur la scène internationale et régionale. Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, avait, en effet, immédiatement qualifié l’accord d’« erreur historique ». Plus tard, Donald Trump a déclaré durant sa campagne présidentielle qu’il allait « déchirer » l’accord de Vienne, car c’est le « pire accord jamais négocié » et qu’il pourrait déclencher un « holocauste nucléaire ». En octobre 2017, il refuse de le certifier. Et, le 12 janvier 2018, Trump lance un ultimatum aux signataires de l’accord, leur donnant 120 jours pour adopter de nouvelles mesures coercitives visant l’Iran, faute de quoi Washington en sortira.

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